Environnement : La définition de la zone humide issue des dispositions de l’article 23 de la loi n°2019-773 du 24 juillet 2019 n’a pas d’effet rétroactif et ne peut, par elle-même, porter atteinte au droit à un procès équitable

 

CE, 17 juin 2020, SNC ROYBON COTTAGES, n°438062

La définition de la zone humide issue des dispositions de l’article 23 de la loi n°2019-773 du 24 juillet 2019 n’a pas d’effet rétroactif et ne peut, par elle-même, porter atteinte au droit à un procès équitable

Par une décision du 17 juin 2020, le Conseil d’Etat a refusé de renvoyer au juge constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Roybon Cottages et relative à la modification de la définition des zones humides par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB).

En effet, lors de la discussion du projet de loi sur l’Office français de la biodiversité (OFB), une disposition avait été introduite par les sénateurs laquelle permettait de rétablir une certaine protection des zones humides.

Le Sénat avait adopté début avril 2019 un amendement de Jérôme Bignon qui modifiait la définition des zones humides contenue à l’article L. 211-1 du code de l’environnement et rétablissait les critères alternatifs permettant de définir ces zones :

« On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année« .

La définition des zones humides issue de la Loi sur l’eau de 1992 avait été interprétée par le Conseil d’Etat dans un sens défavorable à leur protection à travers la décision du 22 février 2017[1].

La juridiction administrative avait considéré que les deux critères (présence d’eau ou de plantes hygrophiles) devaient être réunis pour définir réglementairement une zone humide fragilisant de fait la portée des inventaires réalisés des zones humides sur la base de l’arrêté du 1er octobre 2009 modifiant l’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L.214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement.

Plusieurs associations et parlementaires avaient dénoncé le risque de déclassement et de destruction de nombreuses zones humides.

Désormais, les critères alternatifs redeviennent déterminants pour l’identification d’une zone humide et l’article L. 211-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019, dispose que :

« I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :

1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année  (…) »

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour administrative d’appel de Lyon en date du 28 janvier 2020 en application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, la société Roybon Cottages soutenait que les dispositions de l’article 23 de la loi n° 2019-773 de la loi n°2019-773 du 24 juillet 2019, modifiant les dispositions du 1° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement relatives à la définition de la zone humide  méconnaissaient le droit à un procès équitable et le droit à un recours juridictionnel effectif en ne prévoyant pas de dispositions transitoires.

Sur ce premier point, le Conseil d’Etat écarte le grief et juge que « ces dispositions, qui se bornent à modifier la définition de la notion de « zone humide » pour prévoir que les deux critères qu’elle comporte sont alternatifs et pas cumulatifs, n’ont pas un caractère rétroactif et n’ont pu, par elles-mêmes, porter atteinte au droit à un procès équitable » et de poursuivre « Si la requérante se prévaut de ce qu’il appartiendra aux juges du fond d’apprécier la conformité de l’autorisation que lui a délivrée le préfet de l’Isère avec cette nouvelle règle de fond introduite en cours d’instance, cette circonstance ne résulte pas, en tout état de cause, des dispositions contestées ».

La SNC Roybon Cottages soutenait également que ces mêmes dispositions méconnaissaient l’article 7 de la Charte de l’environnement en ce qu’elles avaient été adoptées sans participation du public et sans que celui-ci ait été informé de leurs incidences sur l’environnement.

Sur ce second point, le Conseil d’Etat estime que ce moyen tiré de la méconnaissance de la procédure d’une loi ne peut être utilement invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Il est en effet constant que les termes adoptés par le Constituant ont pour objet de ne pas faire entrer les règles de procédure d’adoption de la loi dans le champ des normes invocables en QPC.

Le Conseil constitutionnel l’a jugé pour le respect du domaine des lois de finances (décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010), du domaine de la loi organique (décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012), ou encore le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires (décision n° 2013-370 QPC). Dans toutes ces hypothèses, le Conseil constitutionnel a énoncé que « le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité ».

Le refus du Conseil d’Etat de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité s’inscrit, en l’espèce, dans un contexte contentieux bien particulier et dans lequel la position de la SNC Roybon Cottages se trouve fragilisée depuis les modifications législatives opérées.

Par un arrêté du 3 octobre 2014, le préfet de l’Isère avait accordé à la SNC Roybon Cottages une autorisation, au titre de l’article L. 214‑3 du code de l’environnement, en vue de la réalisation du centre de loisirs « Center Parcs du domaine de la forêt de Chambaran », sur le territoire de la commune de Roybon.

Saisi par l’Union régionale Fédération Rhône‑Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA), la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA), l’Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône‑Alpes (UR FDAAPPMA) et l’association « Pour les Chambarans sans Center Parcs », le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 16 juillet 2015, avait annulé cet arrêté du 3 octobre 2014 au motif que l’autorisation accordée au titre de la Loi sur l’eau méconnaissait l’une des dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Rhône‑Méditerranée laquelle était relative à la définition des mesures de réduction des impacts et de compensation des destructions autorisées à une échelle appropriée[2].

Par un arrêt nos 15LY03104, 15LY03144 du 16 décembre 2016, la cour administrative d’appel de Lyon avait également rejeté les requêtes de la SNC Roybon Cottages tendant à l’annulation du jugement précité, en estimant également insuffisantes les mesures compensatoires prévues rapportées à la superficie des zones humides impactées par le projet de Center Parcs de Roybon[3], soit près de 76 hectares de zones humides impactées.

Cet arrêt avait été annulé par le Conseil d’Etat, sur conclusions contraires de son rapporteur public, qui estimait erronée l’approche retenue par la Cour pour apprécier la compatibilité des autorisations délivrées au titre de la législation sur l’eau aux objectifs fixés dans les SDAGE, laquelle doit se faire dans le cadre d’une analyse globale à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert par le schéma et non en recherchant l’adéquation de l’autorisation contestée au regard de chaque disposition de ce dernier document[4].

L’intérêt de cette première décision du Conseil d’Etat, outre le fait que la Haute Juridiction illustrait pour la première fois la nature de son contrôle dans le rapport entre une autorisation Loi sur l’eau et un SDAGE, est qu’elle avait rejeté comme inopérant un des arguments du pourvoi portant justement sur la définition des zones humides telle qu’elle avait été appliquée dans ce dossier complexe.

La SNC ROYBON COTTAGES avait devant la Haute Juridiction contesté l’appréciation faite par la Cour s’agissant de la notion de zone humide. Elle estimait que les documents sur lesquels s’était fondé le juge d’appel, à savoir le dossier de demande d’autorisation et l’arrêté préfectoral en litige, faisaient une application alternative et non cumulative des deux critères de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, application alternative qui avait ainsi conduit à un chiffrage erroné de la superficie des zones humides impactées par le projet. L’erreur de droit et la dénaturation quant à la surface en cause semblant ainsi, selon cette société, avérées.

Le moyen, qui aurait pu éventuellement permettre l’annulation de l’arrêt de la Cour sur ce point, était cependant nouveau en cassation et par suite inopérant. La société n’ayant jamais contesté devant les juges du fond le raisonnement ayant conduit au chiffrage des zones humides puisque le débat sur la notion de zones humides entre les parties est né postérieurement à l’arrêt de la Cour et à la suite de la décision du Conseil d’Etat sur le caractère cumulatif des critères. La Cour s’étant bornée à relever que la superficie des zones humides en cause était exempte de dénaturation au regard des pièces du dossier.

L’argumentation de la société sur l’appréciation qui avait pu être faite de la définition des zones humides ne pouvait, en l’espèce, caractériser une erreur de droit, faute d’un débat engagé entre les parties sur ces aspects.

La QPC sollicitée par la même Société prend alors tout son sens, puisqu’elle témoigne de ce que le débat entre les parties s’engage désormais sur cette notion même de zones humides devant la Cour administrative d’appel de Lyon amenée à trancher le litige sur renvoi du Conseil d’Etat.

Devant la complexité du débat et les incertitudes du dossier relativement à la méthodologie employée pour parvenir à calculer les superficies exactes de zones humides affectées par le projet et l’adéquation des mesures compensatoires prévues par le projet, la Cour a ordonné avant dire droit la réalisation d’une expertise sur le fondement de l’article R. 621-1 du code de justice administrative avec pour mission, notamment, de déterminer la superficie des zones détruites et répondant à la définition légale telle qu’interprétée alors par le Conseil d’Etat dans sa décision du 22 février 2017[5].

L’enjeu est important puisque le volet Loi sur l’Eau constitue le seul pan du dossier de création du Center Parcs de Roybon qui pose aujourd’hui difficulté, la juridiction administrative ayant validé l’autorisation de dérogation aux espèces protégées accordée pour la réalisation du projet.

 

Gaëlle PAULIC

Avocat

 

[1] CE, 22 février 2017, M. Bertrand, n°386325 : « Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement :  » I. – Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ; / (…) « . Il ressort de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 dont elles sont issues, qu’une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles »

 

[2] TA Grenoble, 16 juillet 2015, Union Régionale Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (UR  FRAPNA) et autres, n°1406678,1406933,1501820 : « Considérant qu’eu égard à la dispersion et au morcellement des sites de compensation, à la distance séparant de la forêt de Chambaran les sites haut-savoyards et celui de l’Ain ainsi qu’à la situation des huit sites ardéchois, en rive droite du Rhône et en aval du projet, les remises en état de zones humides envisagées pour compenser l’impact du projet ne peuvent être regardées comme constituant globalement des mesures équivalentes sur le plan fonctionnel et de la biodiversité, au sens des dispositions précitées ; que, dans ces conditions, l’arrêté en litige ne peut être regardé comme compatible avec le principe de compensation à une échelle appropriée qu’énonce la disposition 2-03 du SDAGE » et « que si le tribunal, statuant en plein contentieux, a la possibilité de réformer une décision administrative, il n’est pas possible, au cas d’espèce, de définir des mesures compensatoires compatibles avec la disposition 2-03 du SDAGE, sans que la SNC Roybon Cottages identifie préalablement de nouveaux sites et qu’une nouvelle instruction soit menée par les services de l’Etat ; que, dès lors l’arrêté du 3 octobre 2014 doit être annulé et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes »

[3] CAA Lyon, 16 décembre 2016, SNC ROYBON COTTAGES, n°15LY03104, 15LY03144 : « Considérant qu’il est constant que, parmi les 152 hectares de surfaces de mesures compensatoires de la disparition des zones humides ou de l’altération de leur biodiversité, prévues à l’article 6.2 de l’annexe à l’arrêté litigieux, seuls 19,29 hectares sont situés dans le massif forestier de Chambaran, alors que 59,20 hectares sont localisés en Savoie dans le Marais de Chautagne au nord du Lac du Bourget et le long de la rive gauche du Rhône, 33,34 hectares sur trois sites en Haute-Savoie au nord de l’Arve-Marais des Tattes, Marais d’Entreverges sur la commune de La Tour, Plan de la Cry, 16,38 hectares au Bois de Ban dans le massif du Jura dans le département de l’Ain et 12,10 hectares sur huit sites en Ardèche en rive droite du Rhône et en aval du projet ; que, compte tenu de la distance entre la forêt de Chambaran, où se situent les zones humides détruites ou altérées, et les treize sites de Savoie, de Haute-Savoie de l’Ain et de l’Ardèche, et de la localisation de ces treize sites, qui ne se situent ni dans l’un des deux sous-bassins de la Galaure et de l’Herbasse mentionnés dans la carte 2-A du schéma directeur 2016-2021 ni dans l’un des sous-bassins adjacents à ces deux sous-bassins, ces treize sites, d’une surface totale de 121,02 hectares, ne peuvent être regardés comme constituant des mesures compensatoires appropriées ; que, si, dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 19 février 2016, la SNC Roybon Cottages fait valoir que 58,64 hectares de zones humides à restaurer situées dans la partie amont du sous-bassin de la Galaure lui ont été proposés en octobre 2015 par l’Office national des forêts à titre de mesures compensatoires complémentaires, il résulte de l’instruction, et notamment du mémoire de la même société enregistré le 6 décembre 2016 que, parmi ces 58,64 hectares, seuls 17,94 hectares correspondent à des mesures de création ou de restauration de zone humide fortement dégradée, dont relèvent également les 1,96 hectares des zones humides de Fond Lombard et Poméra et des Combes de Chambaran, prévues à l’article 6.2 de l’annexe à l’arrêté litigieux ; que, dans ces conditions, ces 19,90 hectares de mesures de création ou de restauration de zone humide fortement dégradée, rapportés aux 76 hectares de zones humides impactées par le projet en cause, ne représentent que 26 % environ de l’aire totale de zones humides impactées, alors qu’en vertu de la disposition 6B-04 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée, les mesures compensatoires de création ou de restauration de zone humide fortement dégradée doivent atteindre une surface correspondant au minimum à 100 % de la surface impactée ; que, dans ces conditions, en prenant même en compte les 58,64 hectares précités, l’arrêté litigieux n’est pas compatible avec la disposition 6B-04 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée dont l’objectif est d’assurer, à travers les compensations nécessaires, la préservation des zones humides sur le site impacté ou à proximité de celui-ci ;

 

[4] CE, 21 novembre 2018, SOCIETE ROYBON COTTAGES, n°408175 aux conclusions contraires de Mme Julie Burguburu : « il nous semble que la cour pouvait, sans erreur de qualification juridique ni erreur de droit, déduire de l’écart significatif entre les 100% de compensation minimale et les 26% retenus que l’objectif de préservation des zones humides porté par la loi et encadré par le schéma n’était pas suffisamment respecté en quelque sorte – et c’est là que se tient la souplesse – pour être compatible. Dit autrement et pour reprendre votre décision Davalex, ce n’est pas la seule circonstance que la surface « qualitative » n’atteint pas le seuil de 100% qui est critiquée mais le fait qu’elle ne s’en approche même pas vraiment ou qu’elle en soit vraiment trop éloignée. Par suite compte tenu de l’importance de la mise en oeuvre des mesures d’évitement, réduction, compensation qui imprègne l’ensemble du SDAGE alors qu’était également en débat le principe de compensation à une échelle appropriée, la circonstance que l’objectif tenant à la préservation des zones humides n’était pas suffisamment pris en compte dans sa dimension tant qualitative que géographique, et ce même en tenant compte de la marge induite par le rapport de compatibilité, a pu conduire la cour à juger que l’autorisation n’était pas compatible avec le schéma directeur ».

[5] CAA Lyon, 21 mai 2019, SNC ROYBON COTTAGES, n°18LY04149.

 

 

 

 

La responsabilité des maires et le rôle de l’intercommunalité dans la gestion des risques sur leur territoire

 

 

Le 23 juin prochain, Jérôme MAUDET, avocat associé du Cabinet Cabinet d’avocats Maudet-Camus, interviendra lors des journées techniques des Territoires Alpins de Gestion Intégrée des Risques Naturels (TAGIRN).

Au programme :

  • Les pouvoirs et les responsabilités du Maire face aux risques majeurs
  • Le rôle et les responsabilités de l’intercommunalité

 

Droit de l’environnement : Brèves de jurisprudence sur la protection de la biodiversité

Par Gaelle PAULIC, Avocate, Cabinet d’avocats Maudet-Camus

Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Ministre de la Transition écologique et solidaire- Société Provençale, n° 425395, 425399, 425425

Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Commune de Piana, n°422182

 

Par deux décisions en date du 3 juin 2020[1], le Conseil d’Etat est venu, tout à la fois, étoffer sa jurisprudence sur la notion de « raison impérative d’intérêt public majeur », l’un des motifs qui permet le jeu des dispositions dérogatoires au principe de protection des espèces protégées et d’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leurs habitats (article L. 411-1 du code de l’environnement) et apporter des précisions supplémentaires sur ces outils de connaissance de la biodiversité que constituent les inventaires ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) réalisés sous l’égide du ministère de l’environnement et du Muséum national d’histoire naturelle.

 

  • Sur la notion de raison impérative d’intérêt public majeur et l’apport de la décision Société Provençale

En admettant, pour la première fois, que l’exploitation d’une carrière puisse répondre à une « raison impérative d’intérêt public majeur », le Conseil d’Etat semble élargir la catégorie des projets pouvant prétendre à une éventuelle dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

Toutefois, il est délicat, à partir de cette décision, d’anticiper un éventuel assouplissement de la juridiction administrative sur les motifs énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement permettant de justifier d’une autorisation de dérogation, tant le Conseil d’Etat a pris soin de sérier, en l’espèce, l’enjeu européen attaché à ce projet de réouverture d’une carrière de marbre blanc dans les Pyrénées-Orientales.

En la matière, la police de protection des espèces et des habitats menacés repose sur une interdiction de principe énoncée à l’article L. 411-1 du code de l’environnement, laquelle prohibe toute destruction d’espèces protégées et de leurs habitats, ainsi que tout acte de perturbation du cycle de vie de ces espèces.

Cette disposition générale d’interdiction fait l’objet de tempéraments précisément énoncés à l’article L. 411-2 du même code puisque des autorisations portant dérogation à l’interdiction de destruction peuvent être accordées sous réserve de la réunion de trois conditions, tout à la fois distinctes et cumulatives :

  • le projet ne peut être autorisé qu’en l’absence de solution alternative satisfaisante ;
  • le projet ne doit pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • le projet doit justifier d’un des cas dans lesquels une dérogation peut être octroyée.

Et au titre du c) du 4° de l’article L. 411-2, un projet peut ainsi prétendre à la délivrance d’une dérogation à la condition de démontrer qu’il relève d’une raison impérative d’intérêt public majeur, tenant à l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques mais également à une raison impérative de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques pour l’environnement.

La notion de raison impérieuse d’intérêt général n’est définie ni par les textes, communautaires comme nationaux, ni par les juges même si la Cour de justice de l’Union Européenne en a dressé, par sa jurisprudence, quelques lignes de force en jugeant qu’un intérêt ne peut être majeur que lorsqu’il est « d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune, y compris de l’avifaune, et de la flore sauvages poursuivi par cette directive »[2].

Le Conseil d’Etat, par des décisions commentées, en avaient également fixé le cadre d’analyse applicable[3] et l’approche adoptée ici s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle.

Dans un premier temps de son raisonnement, la Haute Juridiction procède à une mise en balance entre l’intérêt du projet en litige et l’objectif de protection poursuivi :

« 9. Il résulte du point précédent que l’intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu’il y soit dérogé. Ce n’est qu’en présence d’un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Ce n’est qu’après la caractérisation de l’existence d’un intérêt public majeur que le juge vérifie également la réunion des autres conditions posées par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, à savoir l’absence d’alternative satisfaisante et l’absence de nuisance au maintien des espèces dans un état de conservation favorable.

Le second temps du raisonnement est plus intéressant et c’est sur l’appréciation faite, en l’espèce, de la raison impérative d’intérêt public majeur que la décision rendue retient l’attention en désavouant à la fois l’analyse faite par les juges du fond et en s’écartant des conclusions de son rapporteur public.

Tout en validant la méthode d’appréciation retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille, le Conseil d’Etat n’en a pas moins fait une lecture très différente relativement à l’importance de projet de réouverture de la carrière.

Alors que les juges d’appel avaient retenu, suivis en cette appréciation par le rapporteur public, que le projet de réouverture de la carrière ne justifiait pas d’un caractère exceptionnel en dépit des besoins éventuellement à satisfaire au niveau européen :

« Afin de justifier l’intérêt public majeur du projet, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer fait valoir que l’exploitation de la carrière de Nau‑Bouques devrait permettre le maintien de plus de quatre‑vingt emplois directs dans un département dont le taux de chômage, d’environ 15 %, est supérieur à la moyenne nationale de 10,4 % ainsi que la création d’emplois indirects, notamment dus à la sous‑traitance et l’activité économique générée dans le département des Pyrénées‑Orientales par l’exploitation de la carrière. Il fait également valoir que ce projet s’inscrit dans les principales préoccupations des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union Européenne qui visent à favoriser l’approvisionnement durable de secteurs d’industrie en matières premières en provenance de sources européennes. Au regard de ces considérations économiques et sociales, l’exploitation de la carrière de Nau Bouques présente un caractère d’intérêt général incontestable. Néanmoins, les créations d’emplois envisagées dans ce contexte de difficulté économique au niveau départemental et les besoins industriels à satisfaire en marbre blanc à partir de ce gisement à une échelle nationale voir même européenne comme il est prétendu mais dont les pièces du dossier ne démontrent pas le caractère indispensable, ne présentent pas un caractère exceptionnel »[4]

En première instance, le Tribunal administratif de Montpellier avait estimé, au regard des pièces produites, que l’intérêt économique d’une réouverture ne constituait pas, eu égard à la portée très locale des intérêts économiques en cause, une raison impérative d’intérêt public majeur :

« Considérant, d’autre part, que l’arrêté contesté est fondé sur le motif que l’exploitation de la carrière Nau Bouques à Vingrau et Tautavel présente des raisons impératives d’intérêt public majeur, de nature économique et sociale, grâce à l’activité économique qu’elle génère, mobilisant plus de 80 emplois directs dans le département ; qu’en défense la préfète des Pyrénées-Orientales et la société Provençale SA font en outre valoir l’importance du taux de chômage dans le département, ainsi que l’importance des répercussions en terme de richesses et d’emplois indirects de l’activité de la société ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’importante activité dans les Pyrénées-Orientales de la société Provençale SA, qui exploite des carrières et des usines de transformation sur deux autres sites en France et un dans le sud de l’Espagne, présente, sur les  plans économique et social, un intérêt général incontestable ; que toutefois, en admettant même que l’exploitation envisagée de la carrière de Nau Bouques, pour un  volume annuel de 145 000 tonnes, serait indispensable à la pérennisation des 87 emplois directs de la société sur le site et des emplois indirects invoqués, le seul projet de création d’une carrière par cette société, nonobstant son intérêt économique, ne saurait, par ses caractéristiques et sa nature, eu égard notamment à la portée très locale de l’intérêt économique avancé, être regardé comme constituant une raison impérative  d’intérêt public majeur au sens des dispositions analysées ci-dessus ; que la circonstance que le projet d’exploitation serait conforme aux dispositions du schéma départemental des carrières ne permet pas davantage d’assurer le respect de cette condition ; que le motif retenu, relatif à la raison impérative d’intérêt public majeur, ne pouvait donc légalement fonder la décision contestée »[5]

Le Conseil d’Etat a contrairement jugé, sur la base toutefois d’une argumentation du ministère qui s’était enrichie au fil des instances, que l’intérêt public majeur du projet était démontré par le caractère européen du projet, l’absence d’autre gisement de marbre blanc disponible en Europe et la contribution à l’émergence d’une filière industrielle française :

« 9. (…) Cependant, outre le fait que, comme l’a relevé la cour, l’exploitation de la carrière de Nau‑Bouques devrait permettre la création de plus de quatre‑vingts emplois directs dans un département dont le taux de chômage dépasse de près de 50 % la moyenne nationale, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques s’inscrit dans le cadre des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union Européenne qui visent à favoriser l’approvisionnement durable de secteurs d’industrie en matières premières en provenance de sources européennes, qu’il n’existe pas en Europe un autre gisement disponible de marbre blanc de qualité comparable et en quantité suffisante que celui de la carrière de Nau Bouques pour répondre à la demande industrielle et que ce projet contribue à l’existence d’une filière française de transformation du carbonate de calcium. Par suite, eu égard à la nature du projet et aux intérêts économiques et sociaux qu’il présente, la cour a commis une erreur de qualification juridique en estimant qu’il ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement »,

Sur la caractérisation de la raison impérative d’intérêt majeur et de l’importance d’un projet pour un territoire ou un Etat en termes d’emploi ou de répercussions économiques, la décision s’inscrit dans des précédents européens et notamment ceux cités par le rapporteur public sous la décision, lesquels ont permis de caractériser un tel intérêt public majeur dans la poursuite d’un projet européen stratégique[6], dans la mise en œuvre d’un plan-cadre visant à éviter la fermeture de charbonnage et la perte de 10 000 emplois[7] ou encore dans le développement d’axes de transport majeurs à l’échelle des territoires[8].

En présence d’intérêts stratégiques en termes d’industrialisation, de contribution à l’émergence d’une filière industrielle nationale ou européenne, il apparaît, par principe, que de tels enjeux sont susceptibles de caractériser une raison impérative d’intérêt public majeur.

A la lecture des conclusions, on peut s’interroger sur la caractérisation de ce motif de dérogation pour une carrière dont la réouverture ne permettait pas forcément d’identifier un effet économique majeur en termes de créations d’emploi sur le territoire local concerné ( et dont quelques doutes avaient été exprimés sur la quantification exacte), et dont la spécificité industrielle n’était visiblement pas apparue très manifeste aux juges du fond et au rapporteur public en cette affaire.

La raison impérative reconnue ne suffit cependant pas pour que la dérogation puisse être validée par le juge, la Cour administrative d’appel de Marseille sera appelée à se prononcer sur l’ensemble des conditions permettant de déroger à la protection des 28 espèces de faune et de flore identifiées sur le site à exploiter.

 

  • Sur l’absence d’effet juridique d’une décision portant délimitation d’un périmètre de ZNIEFF

Dans cette seconde espèce, se posait la question de savoir si le refus de l’autorité administrative de modifier le périmètre d’une ZNIEFF constituait ou pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

La question juridique du pourvoi n’est pas anodine puisqu’elle avait donné lieu à des réponses contradictoires du Tribunal administratif de Bastia et de la Cour administrative d’appel de Marseille.

En effet, devant le Tribunal administratif de Bastia, la commune de Piana avait sollicité l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision du Préfet de la Corse-du-Sud qui avait rejeté sa demande tendant à ce que soit réduit le périmètre de la ZNIEFF du « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots », ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l’environnement.

La commune estimait qu’une surface d’environ treize hectares ne présentait pas de caractéristiques écologiques justifiant que ces espaces soient inclus dans cette ZNIEFF.

On rappellera que les ZNIEFF sont nées en 1982 de la volonté du ministère de l’environnement de recenser au sein d’un programme national le patrimoine naturel.

Instrument de travail collaboratif entre le ministère et le Muséum national d’histoire naturelle, la ZNIEFF ne trouve son assise législative qu’en 1993 avec l’article 23 de la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages puis avec la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité qui codifie l’Inventaire national du patrimoine naturel à l’article L. 411-5 du code de l’environnement, aujourd’hui L. 411-1 A dudit code.

L’objectif poursuivi par les inventaires ZNIEFF est de dresser une photographie de la biodiversité et des secteurs de grand intérêt écologique sur le territoire national en distinguant des espaces écologiquement homogènes constituant des zones remarquables du territoire (ZNIEFF de type I) et des espaces qui intègrent des ensembles naturels fonctionnels et paysagers (ZNIEFF de type II).

Les ZNIEFF sont ainsi des données brutes de la richesse écologique, collectées principalement au plus près des territoires par les personnes publiques et par les réseaux associatifs de protection de la nature. Ces données étant, par la suite, retraitées et corrélées par les services de l’Etat et les autorités scientifiques (conseil scientifique régional du patrimoine naturel et Muséum national d’histoire naturelle) pour validation.

Ce n’est qu’au terme de cette validation définitive par le MNHN (Muséum national d’histoire naturelle) que l’inscription d’un espace naturel en ZNIEFF se matérialise par une publication à l’inventaire des ZNIEFF sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).

En l’espèce, et au sujet de la ZNIEFF de type I du Capo Rosso, la commune de Piana avait sollicité les services préfectoraux et obtenu, dans un premier temps, la réduction du périmètre de la zone naturelle avant que celle-ci ne retrouve sa configuration initiale sur le site de l’INPN et que le Préfet de la Corse-du-Sud confirme à la commune le rejet de sa demande.

Devant le Tribunal administratif de Bastia et par un jugement n° 1500511 du 9 février 2017, la commune avait obtenu satisfaction puisque les premiers juges saisis avaient considéré « qu’en application des dispositions combinées du code de l’urbanisme et du schéma d’aménagement de la Corse, la présence d’une ZNIEFF de type I emportait présomption du caractère remarquable des espaces demeurés naturels couvert par ladite zone ; qu’il résultait ainsi de ces dispositions que le classement de parcelles en ZNIEFF de type I comportait des effets au titre du droit de l’urbanisme pour les communes concernées » et de conclure que le refus de déclassement de certaines parcelles à l’intérieur de ce périmètre constituait un acte susceptible de recours.

Amenée à se positionner sur l’appel formé par le ministère de l’environnement, la Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt n° 17MA01513 du 11 mai 2018, annulait le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia et retenait l’absence d’effet juridique des ZNIEFF sur les territoires délimités et le caractère non décisoire et ainsi insusceptible de recours de la décision portant refus de procéder au déclassement sollicité.

« Il résulte des dispositions de l’article L. 411‑5 du code de l’environnement que les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) constituent un outil d’inventaire scientifique du patrimoine naturel conduit sous la responsabilité scientifique du muséum national d’histoire naturelle. Cet inventaire comporte, notamment, des zones naturelles d’intérêt écologique, floristique et faunistique de type I, qui comprennent des secteurs de superficie généralement limitée, défini par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou de milieux rares, caractéristiques du patrimoine naturel national ou régional. Un tel inventaire, s’il est un élément d’expertise qui signale la présence d’habitats naturels et d’espèces remarquables ou protégées par la loi, n’emporte par lui‑même aucun effet juridique ni sur le territoire ainsi délimité, ni sur les activités humaines qui s’y exercent.

Si les auteurs du schéma d’aménagement de la Corse ont entendu instituer des mesures de protection des espaces naturels en s’inspirant des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique délimitées par les services du ministère de l’environnement, ils ne se sont pas estimés liés par ces délimitations, dont ils se sont d’ailleurs écartés dans certains cas. Les ZNIEFF n’ayant ainsi servi que de simple référence, la modification du périmètre d’une de ces zones, postérieurement à l’approbation du schéma d’aménagement de la Corse, ne saurait avoir pour objet ou pour effet de modifier corrélativement, selon un régime que ni la loi ni le schéma lui‑même n’ont d’ailleurs prévu, les prescriptions de ce document de planification tel qu’il a été approuvé par décret en Conseil d’Etat. Il s’ensuit que le refus de modifier le périmètre de la ZNIEFF de « Capo Rosso » n’emporte par lui‑même aucun effet juridique. Ainsi, un tel refus ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation dont la commune de Piana a saisi le tribunal était irrecevable. La ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a fait droit à cette demande et à demander l’annulation du jugement attaqué »

 

Par sa décision en date du 3 juin 2020, le Conseil d’Etat confirme la lecture faite par les juges d’appel par un considérant n°3 lequel rappelle que :

« Les inventaires des richesses écologiques, faunistiques et floristiques réalisés par zone sous la responsabilité scientifique du Museum national d’histoire naturelle, sous l’appellation de zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), constituent un outil d’inventaire scientifique du patrimoine naturel permettant d’apprécier l’intérêt environnemental d’un secteur pour l’application de législations environnementales et urbanistiques mais sont, par eux-mêmes, dépourvus de portée juridique et d’effets. Par suite, si les données portées à l’inventaire que constitue une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique sont susceptibles d’être contestées à l’occasion du recours formé contre une décision prise au titre de ces législations, la constitution d’un inventaire en une zone n’est pas un acte faisant grief. Il en est de même, par voie de conséquence, du refus de modifier les ZNIEFF existantes. Par suite, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le refus de modifier les limites de la zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots » ne fait pas grief. Il en résulte que le pourvoi doit être rejeté »

Cette solution n’est en soi pas nouvelle et elle est en cohérence avec la logique de l’article L. 411-1-A du code de l’environnement lequel ne contient aucune disposition conférant une juridicité à l’outil ZNIEFF et le fait que cet outil institue un zonage ne suffit donc pas à conférer aux espaces ainsi délimités une quelconque protection juridique comme le mentionnait le rapporteur public dans ses conclusions sous cette affaire.

Outil de connaissance scientifique et non juridique, tel était déjà le sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat lorsque la Haute juridiction ne voyait dans les ZNIEFF que des indices permettant d’identifier une Zone Spéciale de Conservation[9], un espace naturel remarquable au sens de la loi Littoral[10] mais non un outil à portée réglementaire[11].

Plus intéressante est l’argumentation de la commune qui faisait ainsi valoir que si la ZNIEFF n’avait pas d’effet juridique direct, une telle délimitation n’en produisait pas moins des effets notables, lesquels pouvaient se traduire de facto, sur un plan urbanistique, par des inconstructibilités.

Se posait ainsi la question de savoir si des orientations ou des prises de position d’autorités administratives, lorsqu’elles seraient de nature à produire des effets notables ou à exercer une influence sur les comportements, seraient susceptibles de recours pour excès de pouvoir[12].

Suivant en tous points les conclusions de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a ici rappelé que la ZNIEFF constitue un outil de connaissance scientifique et non une prise de position d’une autorité administrative sur la nécessité d’une protection des espaces. Le juge administratif décorrèle ainsi la procédure d’identification de ces espaces de la question des procédures de protection de ces mêmes milieux.

Si les données qui alimentent ces zonages et l’existence d’une ZNIEFF sur des espaces peuvent être pris en compte pour l’élaboration d’autres actes qui peuvent être susceptibles de recours, cette « justiciabilité », pour reprendre les termes du rapporteur public, « ne se transmet pas, par capillarité, à l’acte de création ou de modification de la ZNIEFF »[13].

Pour autant, la solution ainsi dégagée pour les ZNIEFF laisse entière la question de la portée juridique des autres inventaires naturels pouvant relever de différentes réglementations et pour lesquels le positionnement de la juridiction administrative pourrait être différent notamment pour les sites Natura 2000.

Gaelle PAULIC,

Avocate

 

[1] Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Ministre de la Transition écologique et solidaire- Société Provençale, n° 425395, 425399,425425 et Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Commune de Piana, n°422182

[2] CJUE, Grande Chambre, 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie ASBL, Affaire C-411/17.

[3] A propos du projet de centre commercial Val Tolosa, voir CE,25 mai 2018, Société PCE et autre, n°413267 et CE, 24 juillet 2019, Société PCE et autre, n°414353.

[4] CAA Marseille, 14 septembre 2018, Société Provençale SA, n°16MA02625 et n°16MA02626.

[5] TA Montpellier, 3 mai 2016, Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et M. C, n°1502035.

[6] Avis de la Commission Européenne du 19 avril 2000 sur l’extension d’un site de l’entreprise Daimler Chrysler Aerospace.

[7] Avis de la Commission Européenne du 24 avril 2003 sur le plan-cadre d’exploitation du charbonnage Prosper Haniel pour la période 2001-2019.

[8] Avis de la Commission Européenne du 19 novembre 2019 sur l’aménagement du Danube comme voie navigable entre Straubing et Vilshofen.

[9] CE, 16 janvier 2008, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Association Manche Nature, n°292489.

[10] CE, 3 septembre 2009, Commune de Canet-en-Roussillon et Seran, n°306298 et 306468.

[11] CE, 22 mai 2012, Association de défense des propriétaires privés fonciers et autres et Association des habitants de Pibrac et des communes voisines pour la sauvegarde de l’environnement, n°333654 et 334103.

[12] En ce sens, voir CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°368082 et CE, CE, Ass., 19 juillet 2019, Mme Le Pen, n°426389.

[13] Conclusions de Monsieur Olivier Fuchs sous ladite décision.

Droit pénal de l’urbanisme : un nouvel outil dissuasif, rapide et efficace pour les collectivités !

La Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est venue offrir aux collectivités de nouveaux moyens pour lutter contre les infractions au Code de l’urbanisme.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi et en complément des poursuites pénales qui peuvent être menées, les maires disposent d’une nouvelle arme : la mise en demeure assortie d’une astreinte pouvant aller jusqu’à 500 euros par jour de retard dans la limite de 25 000 €.

L’article L.481-1 du Code de l’urbanisme nouvellement créé dispose en effet que :

« I.-Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l’article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu’un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu’elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

II.-Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l’infraction constatée et des moyens d’y remédier. Il peut être prolongé par l’autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l’intéressé pour s’exécuter.

III.-L’autorité compétente peut assortir la mise en demeure d’une astreinte d’un montant maximal de 500 € par jour de retard. »

L’article L. 481-2 précise pour sa part les modalités de fixation et de recouvrement de l’astreinte :

« I.- L’astreinte prévue à l’article L. 481-1 court à compter de la date de la notification de l’arrêté la prononçant et jusqu’à ce qu’il ait été justifié de l’exécution des opérations nécessaires à la mise en conformité ou des formalités permettant la régularisation. Le recouvrement de l’astreinte est engagé par trimestre échu.

II.- Les sommes dues au titre de l’astreinte sont recouvrées, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’immeuble ayant fait l’objet de l’arrêté. Dans le cas où l’arrêté a été pris par le président d’un établissement public de coopération intercommunale, l’astreinte est recouvrée au bénéfice de l’établissement public concerné.

III.- L’autorité compétente peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait. »

 

L’article L. 481-3 prévoit enfin une possibilité de faire procéder à la consignation des sommes équivalentes au montant des travaux à réaliser :

« I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 est restée sans effet au terme du délai imparti, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut obliger l’intéressé à consigner entre les mains d’un comptable public une somme équivalant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’intéressé au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites.

Pour le recouvrement de cette somme, il est procédé comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine et l’Etat bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts.

L’opposition devant le juge administratif à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité compétente n’a pas de caractère suspensif. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Collectivités : Pouvoirs de police du maire et obligation de raccordement au réseau d’assainissement

L’obligation de raccordement :

Aux termes de l’article L.1331-1 du Code de la santé publique :

« Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. »

Le coût du raccordement n’est pas un motif permettant au propriétaire de s’exonérer de son obligation de raccordement :

« Attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés que la propriété de M. X… pouvait être techniquement raccordée au réseau public d’assainissement mis en place par la commune de Valentine et que les devis produits et la réalisation effective du branchement du lot voisin montraient que le coût de réalisation des ouvrages nécessaires n’était pas excessif, la cour d’appel, qui a exactement retenu que l’article 11/2 du règlement d’assainissement de la commune ne visait que les réseaux privés d’assainissement et non les parties de raccordement situés sur la propriété privée et qui n’était pas tenue de répondre au moyen que ses constatations rendait inopérant, tiré de la condition de prise en charge par la commune de l’extension du réseau public jusqu’au droit de son lot mise par M. X… à son acceptation du branchement, a retenu à bon droit que celui-ci ne pouvait se soustraire à l’obligation de raccordement de son lot au réseau public d’assainissement ; » (Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n° 11-16.026).

Un contrôle sous la responsabilité du Maire :

En tant qu’autorité chargée d’assurer la police de la salubrité publique, c’est au Maire, qu’il incombe en principe de s’assurer du respect par les propriétaires de l’obligation qu’ils ont de raccorder, leurs constructions aux réseaux.

A défaut sa responsabilité peut être recherchée pour carence dans l’exercice de ses pouvoirs de Police :

« Considérant (…) qu’en application de ces dispositions le maire d’Angoulême était tenu, en tant qu’autorité chargée d’assurer la police de la salubrité publique, de réaliser la partie publique du branchement permettant de relier l’immeuble de M. Y… à la canalisation d’égout de la rue Saint Roch et d’inciter ce dernier à raccorder sa construction au réseau public d’assainissement ; qu’en ne satisfaisant pas à cette obligation avant l’intervention de Mme X… en 1986 alors que la canalisation publique d’évacuation des eaux usées qui dessert la rue Saint Roch a été mise en place au début des années 1960, il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu’aucune faute susceptible de réduire la responsabilité encourue par la commune d’Angoulême ne peut être retenue à l’encontre de Mme X… »  (CAA Bordeaux, 16 avril 1992, N°90BX00586).

Possibilité d’octroyer des délais :

L’article L.1331-1 du Code de la Santé publique précise toutefois que les collectivités disposent d’une certaine marge de manœuvre pour octroyer des délais :

« Un arrêté interministériel détermine les catégories d’immeubles pour lesquelles un arrêté du maire, approuvé par le représentant de l’Etat dans le département, peut accorder soit des prolongations de délais qui ne peuvent excéder une durée de dix ans, soit des exonérations de l’obligation prévue au premier alinéa.

Il peut être décidé par la commune qu’entre la mise en service du réseau public de collecte et le raccordement de l’immeuble ou l’expiration du délai accordé pour le raccordement, elle perçoit auprès des propriétaires des immeubles raccordables une somme équivalente à la redevance instituée en application de l’article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales.

La commune peut fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales. »

Les contrôles :

L’article L.1331-4 du code de la santé publique précise également que la commune peut contrôler le bon état de l’installation :

« Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l’article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d’exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement. »

Ce contrôle peut être effectué à tout moment par la commune et les agents du service d’assainissement lesquels ont accès aux propriétés privées :

  • Pour l’application des articles L. 1331-4 et L. 1331-6 ;
  • Pour procéder à la mission de contrôle des installations d’assainissement non collectif prévue au III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;
  • Pour procéder à l’entretien et aux travaux de réhabilitation et de réalisation des installations d’assainissement non collectif en application du même III ;
  • Pour assurer le contrôle des déversements d’eaux usées autres que domestiques et des utilisations de l’eau assimilables à un usage domestique.

En pratique ces contrôles sont souvent opérés à l’occasion de la vente des immeubles concernés ou en cas de pollution constatée.

Les sanctions :

Le fait qu’un immeuble ne soit pas raccordé au réseau d’assainissement alors qu’il devrait l’être expose son propriétaire à des sanctions financières voire à un raccordement forcé.

Le maire peut aller jusqu’à contraindre un de ses administrés à procéder au raccordement au réseau collectif avoisinant y compris si l’installation d’assainissement non collectif est conforme à la réglementation.

Dès l’établissement du branchement, les fosses et autres installations de même nature sont mises hors d’état de servir ou de créer des nuisances à venir, par les soins et aux frais du propriétaire (article L.1331-5 du Code de la santé publique).

L’article L.1331-6 du Code de la santé publique prévoit enfin que :

« Faute par le propriétaire de respecter les obligations édictées aux articles L. 1331-1, L. 1331-1-1, L. 1331-4 et L. 1331-5, la commune peut, après mise en demeure, procéder d’office et aux frais de l’intéressé aux travaux indispensables. »

Autrement dit, après mise en demeure restée infructueuse la commune peut faire réaliser d’initiative les travaux de raccordement pour permettre la mise en conformité et ensuite émettre un titre destiné à l’intéressé qui n’a pas daigné faire réaliser les travaux qui s’imposaient.

En pratique, la collectivité devra toutefois par précaution se faire autoriser par le juge judiciaire à procéder d’office aux travaux en pénétrant sur la propriété concernée.

L’article L.1331-8 du même Code précise enfin que :

« Tant que le propriétaire ne s’est pas conformé aux obligations prévues aux articles L. 1331-1 à L. 1331-7-1, il est astreint au paiement d’une somme au moins équivalente à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau ou équipé d’une installation d’assainissement autonome réglementaire, et qui peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : publicité des précisions sur les enseignes et préenseignes

Aux termes de l’article L.581-3 du Code de l’environnement :

« 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ;

2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ;

3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée. »

L’implantation des enseignes est strictement encadrée par l’article R581-64 du Code de l’environnement :

« Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d’une baie d’un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu’elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie.

Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d’une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s’exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions.

Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée. »

Une société avait décidé d’implanter sur le parking de son local commercial plusieurs dispositifs destinés à signaler l’activité qu’elle exerce.

Ces dispositifs étaient constitués de drapeaux fixés sur des mâts implantés au sol sur le parc de stationnement desservant ce local, le long de la route nationale qui borde le terrain.

Le préfet des Hautes-Alpes a mis en demeure une société de déposer sous astreinte plusieurs de ces dispositifs publicitaires implantés à proximité de ses locaux commerciaux dans un délai de quinze jours.

Estimant qu’il ne s’agissait pas d’enseignes ou de préenseignes au regard de leur implantation en retrait de son bâtiment, la société E. R. a demandé au Tribunal administratif de Marseille d’annuler les arrêtés et décisions préfectorales.

Par un jugement du 25 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a effectivement annulé ces arrêtés et ces décisions.

Par un arrêt n° 16MA01608 du 26 janvier 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel interjeté par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer en ces termes :

« 2. Considérant que pour annuler les arrêtés en litige, le tribunal administratif, après avoir rappelé les dispositions légales en vigueur et les conditions dans lesquelles étaient installés les dispositifs d’information, a relevé qu’ils ne pouvaient être regardés comme des  » inscriptions, formes ou images apposées sur la façade ou devanture du lieu même où s’exerce l’activité  » et ne pouvaient donc recevoir la qualification d’enseignes au sens de l’article L. 581-3 du code de l’environnement ; qu’il en a déduit que les dispositions de l’article R. 581-64 de ce code ne trouvaient pas en l’espèce à s’appliquer et que le préfet des Hautes-Alpes ne pouvait, en conséquence, se fonder sur ces dispositions pour mettre en demeure la SARL E. R. de s’y conformer. » (CAA Marseille, 26 janvier 2018, N°16MA01608)

Saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat est venu contredire les juges du fond et préciser la notion d’enseigne et de préenseigne :

« 3. Il résulte de ces dispositions que doit être qualifiée d’enseigne, l’inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s’exerce l’activité signalée. S’agissant d’un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l’entrée du local où s’exerce l’activité est sans incidence sur la qualification d’enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s’exerce cette activité et est relatif à cette dernière. Par suite, en estimant que les dispositifs signalant l’activité de la SARL E. R. implantés sur le terrain du local commercial ne pouvaient être qualifiés d’enseignes, au motif qu’ils n’étaient pas installés à proximité immédiate de l’entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. »

L’éloignement du dispositif par rapport au lieu d’exercice de l’activité n’est donc pas de nature à permettre d’écarter la qualification d’enseigne s’il demeure situé sur le terrain où s’exerce l’activité.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Vie du cabinet : Cabinet d’avocats Maudet-Camus rejoint l’association française des avocats-conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC)

Par l’intermédiaire de Jérôme MAUDET, le Cabinet d’avocats Maudet-Camus a choisi de rejoindre et d’adhérer à l’Association Française des Avocats-Conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC).

 

 

 

 

Depuis 1991, l’AFAC fédère des avocats tous attachés à une même exigence : l’excellence du conseil et de l’assistance juridiques aux collectivités territoriales.

Réunissant des confrères dont l’activité dominante est tournée vers les collectivités, le réseau AFAC, par la mutualisation des compétences qu’il regroupe et par l’échange d’expériences, œuvre pour une spécialisation toujours plus pointue permettant à ses membres d’apporter à leurs clients les réponses qu’ils attendent.

Vie du cabinet : Céline CAMUS rejoint la liste des associés du cabinet Maudet-Camus

Un peu plus d’un an après sa création, le Cabinet d’avocats Maudet-Camus est fier de vous annoncer que Maître Céline CAMUS avocate Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme va rejoindre la liste des associés du cabinet qu’elle avait rejoint le 29 juin 2018.

Le cabinet Maudet-Camus, premier cabinet d’avocats dédié aux acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire et Jérôme MAUDET avocat spécialiste en droit public se sont associés au mois de mai 2018 pour créer le Cabinet d’avocats Maudet-Camus.

L’objectif de la création de cette structure est d’offrir aux acteurs publics et à leurs partenaires dans l’Ouest une assistance de proximité et de haute technicité pour tous leurs besoins juridiques.

Cabinet d’avocats Maudet-Camus est un cabinet à vocation régionale tourné vers le secteur public qui combine à la fois le savoir-faire reconnu d’une structure nationale spécialisée et les atouts d’un ancrage territorial fort, propice à la réactivité.

Particulièrement actif en droit public, droit des collectivités, droit de la construction et de l’immobilier, droit de l’environnement, droit pénal de l’urbanisme, droit de l’urbanisme et de l’urbanisme commercial et droit routier, Cabinet d’avocats Maudet-Camus peut s’appuyer sur l’expertise des équipes Seban & Associés dans tous les autres domaines du droit.

Le cabinet implanté à Nantes dispose également d’un bureau secondaire en Vendée à la Roche-sur-Yon.

 


Céline CAMUS, avocate au Barreau de Nantes

Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme

Membre du Conseil Régional de discipline

Membre de la Commission Administrative du Barreau de NANTES

Ancien Membre du conseil de l’ordre (2016-2018)


Formation :

(2014) Certificat de spécialisation en Droit Immobilier qualification « Urbanisme », Conseil National des Barreaux

(2002) Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), CRFPA de POITIERS

(2001) D.E.S.S. Droit de la Construction– Université de POITIERS, sous la direction de Messieurs Christian DEBOUY et Hugues PERINET-MARQUET


Expériences professionnelles :

2003-2016 : collaboratrice libérale puis avocate associée de la SCP LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS-ALEO (Nantes)

Novembre 2016-juin 2018 : Collaboratrice libérale du Cabinet Publi-Juris


Enseignements et formations : 

Formations auprès de l’Association des Maires de France (AMF) (Contentieux de l’urbanisme- urbanisme commercial),

Vacataire à la Faculté de Nantes (Droit de l’urbanisme- Master 2 Droit des Opérations Immobilières)

Professeur à l’Institut de la Construction et de l’Habitation (ICH)  (urbanisme/ Urbanisme Commercial)

Vacataire à la Faculté de POITIERS (Droit de l’Urbanisme Commercial – Master II Droit de la construction et de l’Urbanisme)


Domaines de compétences : 

Assiste et conseille au quotidien des collectivités de toutes tailles, des entreprises chargées d’une mission de service public, des promoteurs et des enseignes dans les domaines suivants :

  • Urbanisme
  • Urbanisme commercial
  • Aménagement
  • Expropriation/ préemption
  • Droit pénal de l’urbanisme

Collectivités victimes : conditions de recevabilité de la constitution de partie civile

Pollutions, dégradations, vols, violences commises contre les agents ou les biens des collectivités, atteinte à l’image… les hypothèses où la collectivité apparaît légitime à voir reconnaître sa qualité de victime sont nombreuses.

Comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mars 2019, une collectivité en charge de l’intérêt général n’est toutefois pas une victime comme les autres.

L’article 2 du Code de procédure pénale prévoit que :

« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

La renonciation à l’action civile ne peut arrêter ni suspendre l’exercice de l’action publique, sous réserve des cas visés à l’alinéa 3 de l’article 6. »

L’article 85 du même Code dispose que :

« Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42.

Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites, soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. Cette condition de recevabilité n’est pas requise s’il s’agit d’un crime ou s’il s’agit d’un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral (…). »

L’article 87 précise que :

« La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction.

Elle peut être contestée par le procureur de la République ou par une partie.

En cas de contestation, ou s’il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d’instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l’intéressé peut interjeter appel.

Si la contestation d’une constitution de partie civile est formée après l’envoi de l’avis de fin d’information prévu à l’article 175, elle ne peut être examinée ni par le juge d’instruction, ni, en cas d’appel, par la chambre de l’instruction, sans préjudice de son examen, en cas de renvoi, par la juridiction de jugement.»

De longue date, la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu la possibilité pour une collectivité de se constituer partie civile :

« Attendu que les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l’action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public ; » (Cass. Crim., 7 avril 1999 N° de pourvoi: 98-80067)

Selon la jurisprudence, les circonstances sur lesquelles s’appuient la constitution de partie civile doivent permettre à la juridiction d’instruction d’admettre comme possibles, non seulement l’existence du préjudice allégué, mais aussi la relation directe de celui-ci avec l’infraction poursuivie.

« s’il est vrai que la constitution de partie civile peut avoir pour seul objet de corroborer l’action publique, encore faut-il, pour qu’elle soit recevable, que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent à la juridiction d’instruction d’admettre comme possibles, non seulement l’existence du préjudice allégué, mais aussi la relation directe de celui-ci avec l’infraction poursuivie ; que, tel n’étant pas le cas en l’espèce, les moyens doivent être écartés ; » (Cass. crim., 19 février 2002, N° de pourvoi: 00-86244).

Par un arrêt du 12 mars 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue confirmer sa jurisprudence en rejetant pour irrecevabilité la constitution de partie civile de la Ville de NICE à la suite de l’attentat perpétré le 14 juillet 2016 sur la promenade des anglais.

La Cour a en effet estimé que, faute de lien direct entre, ni le préjudice matériel invoqué par la commune, ni le préjudice résultant de l’atteinte à son image ne lui confèrent qualité pour agir dans le cadre de l’instance pénale dirigée contre les auteurs.

« Attendu que la commune de Nice s’est constituée partie civile, par voie incidente, en invoquant d’une part, un préjudice matériel résultant tant de sa qualité de subrogée dans les droits de plusieurs fonctionnaires municipaux dont elle aura à avancer les frais et honoraires de leurs avocats, dès lors que certains d’entre eux sont susceptibles de se constituer partie civile, que du dommage occasionné au mobilier urbain par le véhicule utilisé lors de sa course, d’autre part, un préjudice d’image, occasionné par l’atteinte que l’attentat a porté à l’attractivité de la ville ; que le juge d’instruction a déclaré sa constitution partiellement recevable ; que le procureur de la République a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer l’ordonnance précitée et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la commune de Nice, l’arrêt énonce que les préjudices, tant matériel, que moral, allégués par la partie civile sont dépourvus de lien direct avec les poursuites engagées des chefs visés ci-dessus ; que les juges relèvent que, ni le préjudice matériel résultant des dégradations occasionnées au matériel urbain et de l’intervention des agents de la police municipale, ni le préjudice moral occasionné par l’atteinte à l’attractivité de la ville et les conséquences économiques qui en découlent, n’ont directement pour origine les infractions à la législation sur les armes et les crimes de tentatives d’assassinats, de complicité d’assassinats, de complicité de tentatives d’assassinat et d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste visés au réquisitoire introductif ; qu’ils ajoutent que les dommages subis par la ville de Nice, à l’origine desdits préjudices, ne prennent pas davantage leur source dans les faits constitutifs du crime de participation à un groupement en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes en relation avec une entreprise terroriste et ne constituent pas des conséquences directes et personnelles de cette infraction ; qu’ils en déduisent que la partie civile ne justifie pas de préjudices personnels directement causés par les infractions poursuivies ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision dès lors que, s’il suffit pour admettre la recevabilité d’une constitution de partie civile incidente que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent à la juridiction d’instruction d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué, les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d’un préjudice résultant de l’ensemble des éléments constitutifs de l’une des infractions visées à la poursuite ;

Que ni le préjudice matériel invoqué par la commune sur le territoire de laquelle les faits constitutifs de ces infractions ont été commis, ni le préjudice allégué par cette dernière résultant de l’atteinte à son image consécutive auxdits faits ne découle de l’ensemble des éléments constitutifs des infractions à la législation sur les armes ou de l’un des crimes contre la vie ou l’intégrité des personnes, ou du crime de participation à un groupement en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes, toutes infractions en relation avec une entreprise terroriste dont le juge d’instruction est saisi, seules infractions des chefs desquels l’information a été ouverte, une telle entreprise terroriste n’étant susceptible d’avoir porté directement atteinte, au-delà des victimes personnes physiques, qu’aux intérêts de la nation ; » (Cass Crim, 12 mars 2019, N°18-80911)

Jérôme MAUDET

Avocat

Expulsion : une cabane flottante ou pas… est-elle un domicile ?

Les occupations sans droit ni titre sont protéiformes et les occupants rivalisent souvent d’imagination lorsqu’il s’agit de fixer leur résidence.

Tipis, yourtes et autres cabanes perchées ou même flottantes permettent-ils à leurs occupants de se prévaloir de la protection particulière offerte aux résidents d’immeubles à usage d’habitation ?

La question peut paraître saugrenue, mais la réponse est lourde de conséquences puisqu’il s’agit ni plus ni moins de déterminer la juridiction compétente et le régime juridique qui leur est applicable.

En effet, si la construction précaire est qualifiée d’immeuble à usage d’habitation, les occupants peuvent prétendre au bénéfice des délais prévus aux articles L 412-1 à 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs au commandement de quitter les lieux à l’expiration d’un délai de deux mois et à la trêve hivernale.

Rappelons qu’aux termes de l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. »

L’article L.412-4 du même Code porte ce délai jusqu’à trois ans :

« La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. »

L’occupant sans droit ni titre a donc tout intérêt a faire qualifier son habitat de domicile.

Par ailleurs, si la construction est considérée comme un immeuble bâti le Tribunal d’instance sera compétent alors que dans l’hypothèse inverse c’est vers le Tribunal de Grande Instance que le propriétaire devra se tourner.

Dans son pragmatisme la jurisprudence considère majoritairement que l’occupation d’un terrain faite en fraude des droits de son propriétaire ne peut légitimement permettre à son constructeur de se prévaloir de la qualité de domicile du dit local :

« C’est à bon droit que le premier juge après avoir noté que les consorts X… occupaient le terrain litigieux sous la forme d’une cabane précaire et une vieille caravane immobilisée propriété du GRAND LYON en a justement déduit, par une motivation que la cour adopte, que cette occupation sans droit ni titre caractérise une atteinte manifeste au droit de propriété protégé tant par la constitution que par l’article 1er du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’une telle atteinte manifestement illicite est susceptible de permettre même au juge du provisoire d’ordonner l’expulsion des dits occupants.

Reste à savoir si le premier juge pouvait aménager sa décision en faisant bénéficier les consorts X… de délais pour quitter les lieux.

 Il est constant en droit qu’une simple occupation de terrain ne permet ni l’application des dispositions de l’article L 613-1 du code de la construction et de l’habitation, réservée aux occupants de locaux d’habitation, ni l’article 62 de la loi du 9 juillet 1991, également réservé à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef.

L’occupation d’un tel terrain faite en fraude des droits de son propriétaire ne peut légitimement permettre à son constructeur de se prévaloir de la qualité de domicile du dit local au seul motif qu’il y a subrepticement construit un abri précaire, un état de fait illégal réalisé en fraude des droits du propriétaire du support ne pouvant être créateur de droits au profit du fautif (CA Lyon, 10 mai 2011, N°10/07971).

 La cabane édifiée illégalement en fraude des droits du propriétaire n’est donc pas un domicile.

 

Jérôme MAUDET

Avocat