Collectivités : Déclaration d’ouverture de chantier et péremption du permis de construire

L’article R.424-17 du code de l’urbanisme dispose que :

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

 Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (…). »

Pour échapper à la péremption de son permis de construire le pétitionnaire pourrait être tenté de déposer une Déclaration d’Ouverture de Chantier (DOC).

Une telle démarche reste toutefois, à elle seule, juridiquement insuffisante.

En effet, il a été jugé que les déclarations d’ouverture de chantier ne caractérisent pas un commencement suffisant des travaux :

« Considérant que l’ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE MARTINIQUAIS a demandé au juge des référés de suspendre l’exécution du permis de construire litigieux ; qu’il ressort des pièces du dossier que si ledit permis a, en application de l’article R. 431-32 précité du code de l’urbanisme, fait l’objet d’une prorogation pour une durée d’un an à compter du 18 décembre 2000, aucun élément n’établit que des travaux ont effectivement été entrepris avant la date du 18 décembre 2001 ; que la déclaration d’ouverture de chantier faite par la société bénéficiaire du permis et enregistrée à la mairie du Marin le 17 décembre 2001 ne peut, en l’absence de commencement d’exécution de travaux, faire obstacle à la péremption ; qu’ainsi, à la date à laquelle le pourvoi a été enregistré, l’arrêté attaqué était dépourvu de tout caractère exécutoire ; que, par suite, la demande tendant à ce qu’en soit ordonnée la suspension ne peut qu’être rejetée ; » (CE, 7 mai 2003, n°251196).

Il est d’ailleurs de jurisprudence constante que seuls des travaux significatifs sont de nature à interrompre le délai de péremption d’un permis de construire.

Il a ainsi été jugé que les travaux de démolition revêtant une certaine importance et non dissociables de l’opération de construction peuvent être pris en compte (CE 8 novembre 2000, n°197505, CAA Marseille 25 septembre 2003 n°99MA01443).

Toutefois, les faux-semblants de travaux ne sont pas retenus.

Tel est le cas :

  1. Du simple décapage d’un terrain et d’un accès au chantier et d’un sondage du sol (CE, 27 octobre 2006, n°278226 et CAA Marseille, 24 août 2017 n°17MA02353)
  2. De terrassements de faible importance entrepris peu avant la péremption (CAA Marseille, 5 mai 2011, n°09MA01703).
  3. De travaux de préparation du terrain. (CE, 4 juin 1982, n°26684)

A noter qu’en application d’une jurisprudence récente publiée au bulletin il a été jugé que malgré son effet rétroactif la péremption d’un permis de construire intervenue postérieurement à la conclusion d’une vente immobilière est insusceptible de remettre en cause la validité de la vente.

La Cour de cassation a en effet estimé que la conformité du bien aux stipulations contractuelles s’apprécie au jour de la signature de la vente, sans tenir compte des conséquences de la rétroactivité d’une caducité prononcée postérieurement à la vente.

« 9. La cour d’appel a énoncé, à bon droit, que la conformité du bien vendu et livré aux spécifications contractuelles s’apprécie au moment de la délivrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriété.

10. Elle a relevé qu’il résultait des termes de l’acte de vente et des documents annexés l’absence de recours contre le permis de construire et ses transferts successifs, ainsi que son absence de caducité au jour de la signature de l’acte authentique de vente, établie par un certificat du maire du 3 décembre 2007.

11. Elle en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au vice caché et à la délivrance d’un permis de régularisation, que peu importait l’effet rétroactif de la caducité, dès lors que celle-ci résultait d’un jugement rendu sur une demande postérieure à la vente. » (Cass. 3ème civ. 16 mars 2023, n° 21-19.460)

Jérôme MAUDET

Avocat associé

Droit pénal de l’urbanisme : nullité du procès-verbal de constat d’infraction en l’absence d’accord de l’occupant

Aux termes de l’article L.461-1 du Code de l’urbanisme les agents habilités à constater les infractions au Code de l’urbanisme disposent d’un délai de 6 ans à compter de l’achèvement des travaux pour visiter et s’assurer de la conformité des constructions.

L’article L.461-2 du même Code encadre ce droit de visite :

« Le droit de visite et de communication dans les lieux mentionnés à l’article L. 461-1 s’exerce entre 6 heures et 21 heures et, en dehors de ces heures, lorsque ces lieux sont ouverts au public.

Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent cependant être visités qu’en présence de leur occupant et avec son assentiment. »

C’est dispositions, dont la méconnaissance entache de nullité le procès-verbal de constat, s’appliquent aux résidences principales mais également aux résidences secondaires vient préciser la Cour de cassation dans un arrêt du 25 janvier 2022 au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme :

 » 8. Toute ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile doit être prévue par la loi.

9. Pour rejeter l’exception de nullité du procès verbal de constat, tirée de ce que les photographies jointes à ce document par l’agent, ont été prises depuis la propriété de M. [S], l’arrêt attaqué retient qu’avant l’entrée en vigueur de l’article L. 480-17 du code de l’urbanisme imposant l’accord écrit du propriétaire d’un domicile pour entrer dans sa propriété, l’article L. 461-1 du même code autorisait l’entrée dans une propriété privée en l’absence d’opposition expresse du propriétaire et que les photographies jointes aux procès-verbaux de 2013 et 2014, en ce qu’elles présentent toutes les faces du bâtiment, ont été prises à la fois depuis le domaine public et depuis la propriété de M. [S] en l’absence de celui-ci, et sans que la possibilité lui ait été offerte de s’y opposer.

10. Le juge d’appel relève également qu’à supposer que des photographies ont été prises depuis la propriété de M. [S], les constatations littérales figurant dans les procès-verbaux, relatives à la seule présence d’une habitation, puis à la pose d’un bardage sur celle-ci, peuvent sans difficulté être effectuées depuis le domaine public ou une autre parcelle. Il ajoute que la protection du domicile instituée par l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme n’a pas lieu à s’appliquer au chalet de M. [S], en précisant que l’intéressé demeure dans la commune de [Localité 3] et que le chalet construit par lui sur les rives du lac de Pareloup ne lui sert pas d’habitation permanente, mais de pied à terre pour profiter des lieux, s’y détendre ou pratiquer des loisirs et en concluant ainsi que ce lieu ne constitue pas le domicile de M. [S], sauf le temps où il y est physiquement présent.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

12. En effet, d’une part, la description du chalet comme lieu d’habitation et de villégiature, même non permanente, ne saurait à elle seule exclure sa qualification de domicile, au sens que lui confère l’article 8 de la Convention, de sorte que le recueil de l’accord du propriétaire, dont elle a constaté qu’il faisait défaut, était nécessaire à l’agent pour procéder à la visite.

13. D’autre part, en estimant que la nullité invoquée n’était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu’elle admettait que l’agent était bien entré dans la propriété sans autorisation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. » « Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2022, n°20-84.185).

Jérôme MAUDET

Avocat

L’agent immobilier est garant de la conformité de la construction et de la surface habitable

L’acquéreur d’un bien immobilier qui se révèle d’une surface inférieure à ce qui est mentionnée dans l’annonce ou qui découvre que la construction qu’il vient d’acquérir a été édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme est-il en capacité de rechercher la responsabilité de l’agent immobilier.

L’agent immobilier, qui n’est pas un professionnel de la construction, n’a pas à vérifier les surfaces habitables ou la conformité des travaux accomplis par le vendeur.

Et bien si…

En se bornant à reprendre les informations erronées fournies par les vendeurs sans effectuer les vérifications qui s’imposaient ni même solliciter les éléments justifiant de la surface habitable l’agent immobilier commet une faute engageant sa responsabilité.

En ce sens, la Cour d’Appel de COLMAR avait déjà jugé que :

« Ce faisant, l’agence immobilière s’est manifestement bornée à reprendre les informations, vagues et largement erronées, fournies par le vendeur, sans effectuer aucune vérification et sans même solliciter aucun justificatif de la part de ce dernier.

Or, en sa qualité de professionnelle, elle devait solliciter et transcrire des informations précises et exactes sur la surface du bien cédé, qui fait partie des caractéristiques essentielles de ce bien, dans le compromis de vente auquel elle prêtait son concours. En manquant à une obligation aussi élémentaire et en indiquant une surface largement erronée, elle a commis une faute à l’égard des acquéreurs, d’autant plus que sa qualité de professionnelle ne pouvait que mettre ces derniers en confiance lors de la signature du compromis de vente » (C.A. COLMAR, 14 janvier 2021, n°19/02767).

La Cour de cassation considère quant à elle que l’agence immobilière engage sa responsabilité en cas d’erreur sur la surface habitable :

« Mais attendu qu’ayant relevé que l’attestation de superficie établie par la Compagnie nationale d’expertise et de mesurage comportait une erreur de mesurage grave et manifeste, en ce qu’elle indiquait une surface de 79,21 m² au rez-de-chaussée, alors que cette mesure comprenait l’ancienne cave transformée en réserve située en sous-sol, et que la société Foncia, professionnel de l’immobilier, qui connaissait parfaitement le local, aurait dû se rendre compte de cette erreur et demander au métreur de la rectifier et qu’il appartenait à la société Foncia et au notaire, rédacteur des actes d’achat et de vente, de vérifier les indications de cette attestation et, soit de faire modifier la surface légale, soit de mentionner une réserve concernant la cave reliée au rez-de-chaussée dans la promesse de vente et dans l’acte notarié, et souverainement retenu que ces fautes avaient causé un préjudice à la société CHW, consistant en la perte de chance de vendre son bien au prix d’évaluation auquel il avait été proposé, la cour d’appel, qui en a déduit que la société Constatimmo, la société Allianz IARD, la société Foncia et la SCP notariale devaient réparer l’entier préjudice de la société CHW, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef » (C.Cass., 9 mars 2017, n°15-29.384).

Par un arrêt du 2 févier 2022, la Cour de cassation est venue confirmer que l’agent immobilier ne peut pas se retrancher derrière sa qualité de néophyte en matière de construction pour échapper à sa responsabilité :

« 4. L’agent immobilier fait grief à l’arrêt de le condamner, in solidum avec Mme [D] à payer aux acquéreurs, la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, alors « que l’agent immobilier, qui n’est pas un professionnel de la construction, n’a pas à vérifier la conformité des travaux accomplis par le vendeur sur le bien que ce dernier lui demande de vendre aux prescriptions du permis de construire obtenu par ce vendeur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu la responsabilité de la société JBS Conseil en considérant qu’elle était responsable de la publication d’une annonce mentionnant une superficie habitable de 110 m², et qu’elle avait admis avoir eu communication des permis de construire obtenus par M. et Mme [E], de sorte qu’elle avait nécessairement constaté que le permis de construire délivré en 1978 portait sur une surface habitable moitié moindre que celle précisée dans l’annonce et qu’il manquait sur le plan du permis la véranda, le garage et une troisième pièce ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que l’agent immobilier, qui devait seulement vérifier l’existence des permis de construire mentionnés par les époux vendeurs, n’était pas tenu, en revanche, de vérifier la conformité des travaux accomplis par M. et Mme [E] aux prescriptions des permis de construire dont ils lui avaient indiqué l’existence, au contraire des notaires intervenus lors de la conclusion de l’acte authentique, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l’article 1240 du même code.

5. Après avoir relevé que l’agent immobilier avait publié une annonce mentionnant que le bien avait une surface habitable de 110 m² et rédigé la promesse de vente au vu des permis de construire, qui comportaient une surface habitable moitié moindre et sur lesquels manquaient manifestement la véranda, le garage et une troisième pièce, et retenu qu’il avait une parfaite connaissance de la teneur de ces documents et des lieux, la cour d’appel a pu en déduire que celui-ci avait commis une négligence et engagé ainsi sa responsabilité. » (Cass, 2 février 2022, n° 20-18.388)

La Cour de cassation confirme par ailleurs que même en présence d’un dol du vendeur, le manquement imputé à l’agence immobilière implique qu’elle indemnise la perte de chance de l’acquéreur d’avoir pu négocier le prix :

« 8. Après avoir retenu que, si les acquéreurs avaient eu connaissance du caractère illégal des constructions réalisées et de l’inconstructibilité attachée au bien, ils auraient pu renoncer à l’acquérir ou l’obtenir à un prix plus bas, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que ceux-ci avaient perdu, par la faute de l’agent immobilier et le dol des vendeurs, la chance de le négocier à un tel prix et fixer, sans indemniser un préjudice hypothétique, le montant des dommages-intérêts à hauteur de la chance perdue. » (Cass, 2 février 2022, n° 20-18.388)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : La consolidation de la police de l’habitat : police partout, habitat indigne nulle part

 

« Il n’est pas d’œuvre humaine qui ne contienne en germe, dans son sein, le principe de sa dissolution ».

Eugène VIOLLET-LE-DUC,

Dictionnaire raisonné de l’architecture française

 

 

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité[1] ». Comme le reconnaît la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen elle-même, lorsqu’elle rencontre la nécessité publique, la propriété privée trouve là ses limites.

En matière de construction et d’habitation, ces dernières se trouvent renforcées à l’issue de l’entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2021 de l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.

Une telle consolidation de l’action publique en matière de lutte contre l’habitat indigne était attendue, et ce d’autant plus que le processus législatif avait démarré dès 2018, préfigurant déjà les contours d’une telle évolution.

En effet, dans un avis formulé par l’Assemblée Nationale et présenté par Monsieur le Député Guillaume VUILLETET, il était déjà prévu de permettre au Gouvernement de procéder par voie d’ordonnance sur ce sujet[2].

L’exigence de procéder par voie d’ordonnance fut ensuite clairement formulée par l’article 198 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (1) : Chapitre III : Lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil (Articles 185 à 200), dite Loi Elan.

Cet article indique les éléments qui devront figurer dans l’ordonnance qui sera prise, à savoir :

« 1° D’harmoniser et de simplifier les polices administratives mentionnées aux articles L. 123-1 à L. 123-4, L. 129-1 à L. 129-7, L. 511-1 à L. 511-7, L. 521-1 à L. 521-4, L. 541-1 à L. 541-6, L. 543-1 et L. 543-2 du code de la construction et de l’habitation et aux articles L. 1311-4, L. 1331-22 à L. 1331-30 et L. 1334-1 à L. 1334-12 du code de la santé publique, et de prendre les mesures de coordination et de mise en cohérence nécessaires pour favoriser la mise en œuvre effective des mesures prescrites par l’autorité administrative ;

2° De répondre plus efficacement à l’urgence, en précisant les pouvoirs dévolus au maire dans le cadre de ses pouvoirs de police générale en matière de visite des logements et de recouvrement des dépenses engagées pour traiter les situations d’urgence, et en articulant cette police générale avec les polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne ;

3° De favoriser l’organisation au niveau intercommunal des outils et moyens de lutte contre l’habitat indigne […] »

Conformément à ce qui était prescrit, l’ordonnance du 16 septembre 2020 et le décret du 24 décembre 2020[3] ont permis de simplifier (I), et d’optimiser (II) l’action de lutte contre l’habitat indigne.

 

I. La simplification de la lutte contre l’habitat indigne

 

L’exigence de simplification qui était prévue par la loi Elan s’est notamment trouvée concrétisée de deux façons dans le code de la construction et de l’habitation : d’une part, il a été procédé à une unification des polices (A) ; d’autres part, une répartition claire des compétences a été opérée (B).

 

A. L’unification de la lutte contre l’habitat indigne

    Auparavant dispersées entre le code de la santé publique[4] et le code de la construction et de l’habitation, et au sein même de ce dernier, réparties en diverses parties[5], les dispositions relatives à la lutte contre l’habitat indigne sont regroupées en un seul chapitre.

La simplification de cette nouvelle police de lutte contre l’habitat indigne transparaît à l’article L.511-1 du code de la construction et de l’habitation, selon lequel : « La police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations est exercée dans les conditions fixées par le présent chapitre et précisées par décret en Conseil d’Etat. »

Les différentes polices administratives se trouvent donc regroupées au sein d’une seule police, permettant d’apporter davantage de clarté s’agissant du champ d’application matérielle.

A ce titre, l’article L.511-2 du code de la construction et de l’habitation vient préciser, pour cette nouvelle police, les matières dans lesquelles elle peut intervenir, à savoir :

« 1° Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ;

[6] Le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, lorsqu’il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation ou d’utilisation ;

3° L’entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ;

4° L’insalubrité, telle qu’elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du code de la santé publique. »

L’unité du champ matériel ne fait cependant pas disparaître la nécessaire dualité organique. Cette dernière bénéficie désormais d’une répartition claire de ses compétences et de leur mise en œuvre.

 

B. Une répartition claire des compétences

    Il n’était pas possible pour l’ordonnance du 16 septembre 2020 d’éviter, à travers les nouveaux articles du code de la construction et de l’habitation, la traditionnelle dualité des acteurs locaux que sont le maire et le préfet.

Pour cette raison, l’article L.511-4 du code de la construction et de l’habitation vient préciser la répartition des pouvoirs qui est opérée entre ces deux autorités :

« L’autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police est :

1° Le maire dans les cas mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 511-2, sous réserve s’agissant du 3° de la compétence du représentant de l’Etat en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement prévue à l’article L. 512-20 du code de l’environnement ;

2° Le représentant de l’Etat dans le département dans le cas mentionné au 4° du même article. »

Au titre de la mise en œuvre de leurs compétences, il est important de noter que ces deux autorités peuvent se voir signaler des faits entrant dans leur champ de compétence par toute personne qui en aurait connaissance, ainsi que le prévoit l’article L.511-6 du code précité.

Par ailleurs, ces deux autorités, pour mettre en œuvre leurs compétences peuvent, en application de l’article L.511-7 du code de la construction et de l’habitation, faire procéder à toutes visites qui leurs paraissent utiles afin d’évaluer les risques qui se trouvent mentionnés par l’article L.511-2 du code de la construction et de l’habitation.

Ce pouvoir trouve toutefois deux limites. Tout d’abord, lorsque de telles visites se déroulent sur des lieux à usage totale ou partielle d’habitation, elles ne peuvent être effectuées qu’entre 6h et 21h. Par ailleurs, si l’occupant s’oppose à une telle visite ou si la personne ayant qualité pour autoriser l’accès aux lieux ne peut pas être atteinte, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux.

Ces deux autorités voient également leur décision être éclairée à la lumière d’un constat établit par un rapport.

Concrètement, pour la situation d’insalubrité, il s’agit d’un rapport du directeur général de l’agence régional de santé ou du directeur du service communal d’hygiène et de santé (Art. L.511-8 CCH). On se trouve ici dans une situation de compétence liée, dans la mesure où ce rapport est un préalable obligatoire à l’arrêté d’insalubrité.

S’agissant de l’arrêté de mise en sécurité qui est pris par le maire, il est pris sur la base d’un rapport établi par les services municipaux ou intercommunaux compétents. Le maire peut également demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert, qui doit se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation[7]. (Art. L.511-9 du CCH).

Cela étant, si l’expert conclu à l’existence d’un danger imminent, l’autorité compétente doit suivre une procédure particulière.

En effet, et s’agissant de l’arrêté de mise en sécurité, l’article L.511-9 du CCH précise que « Si le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un danger imminent, l’autorité compétente fait application des pouvoirs prévus par la section 3 du présent chapitre. »

En application des pouvoirs prévus par la section 3, l’autorité compétente ordonne par arrêté les mesures indispensables pour faire cesser le danger imminent dans un délai qu’elle fixe, sans procédure contradictoire préalable pour l’arrêté de mise en sécurité. (Art. L.511-19 du CCH).

On doit mentionner et regretter ici, eu égard à l’effort de clarification entrepris, un manque de précision relatif à la rédaction de l’article L.511-19 du code de la construction et de l’habitation ainsi formulé dans son premier alinéa :

« En cas de danger imminent, manifeste ou constaté par le rapport mentionné à l’article L. 511-8 ou par l’expert désigné en application de l’article L. 511-9, l’autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’elle fixe. »

Le premier manque de précision concerne l’utilisation même de la procédure prévue par cet article. En effet, ce dernier permet d’agir sans procédure contradictoire préalable et ce même en cas de danger simplement constaté. Or un danger constaté, mais qui n’a pas un caractère imminent ou manifeste ne fait pas nécessairement apparaître un caractère d’urgence, de tel sorte que les acteurs locaux peuvent hésiter sur la démarche à suivre en matière de contradictoire.

Il est donc nécessaire de faire œuvre de précaution et de recourir au contradictoire alors même que cela n’est pas forcément l’esprit du texte.

Le second manque de précision de cet article concerne le rapport qui est visé. Le rapport mentionné à l’article L.511-8[8] du CCH peut être le rapport de du directeur de l’Agence Régionale de Santé, comme le rapport des services municipaux ou intercommunaux.

A la lecture du second aliéna de l’article L.511-19 du CCH, qui évoque une procédure de démolition, on peut raisonnablement considérer qu’il est question du rapport des services municipaux et intercommunaux. Un plus grand degré de précision aurait toutefois permis d’éviter de telles suppositions.

En revanche, et de façon ordinaire, l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application de l’article L.511-10[9] du CCH se fait à l’issue d’une procédure contradictoire[10].

La possibilité de déroger à une telle obligation comme le prévoit le code de la construction et de l’habitation, participe, d’une certaine façon, à cette volonté d’optimiser la lutte contre l’habitat indigne.

 

II. L’optimisation de la lutte contre l’habitat indigne

L’optimisation correspond à l’action d’obtenir le meilleur. En cela, les nouvelles dispositions issues de l’ordonnance du 16 septembre 2020 sont censées permettre aux autorités compétences d’obtenir le meilleur résultat, eu égard aux prescriptions qui devront être adoptées. En effet, ces nouvelles dispositions permettent un renforcement des moyens d’action (A), et prévoit une forme de garantie de l’effectivité de ces dernières (B).

 

A. Un renforcement des moyens d’action

    Les articles L.511-11 et suivants du code de la construction et de l’habitation offrent aux autorités compétentes un large choix d’actions qu’elles peuvent utilement mettre en œuvre en fonction de la gravité des situations constatées.

L’article L.511-11[11] du code précité prévoit notamment ainsi que « L’autorité compétente prescrit, par l’adoption d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, la réalisation, dans le délai qu’elle fixe, de celles des mesures suivantes nécessitées par les circonstances :

1° La réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation y compris, le cas échéant, pour préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus ;

2° La démolition de tout ou partie de l’immeuble ou de l’installation ;

3° La cessation de la mise à disposition du local ou de l’installation à des fins d’habitation ;

4° L’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif. »

Par ailleurs, l’article L.511-11 du code de la construction et de l’habitation prévoit que l’arrêté doit mentionner qu’à l’expiration du délai fixé, la personne qui n’a pas exécuté les travaux[12] est redevable du paiement d’une astreinte par jour de retard. Le même article prévoit également que les travaux peuvent être exécutés d’office aux frais de la personne visée par l’arrêté[13].

Il est important de relever que la personne visée par l’arrêté, pour n’être pas tenu d’exécuter les mesures prescrites, peut notamment se libérer de son obligation par la conclusion d’un bail à réhabilitation. Elle peut également le faire si elle conclut un bail emphytéotique ou contre un contrat de vente moyennant paiement d’une rente viagère, « à charge pour les preneurs ou débirentiers d’exécuter les travaux prescrits et d’assurer, le cas échéant, l’hébergement des occupants ».

Si la personne exécute les travaux conformément à ce qui est prescrit, elle peut alors obtenir la mainlevée de l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, en application de l’article L.511-14 du code de la construction et de l’habitation.

De tels moyens d’action trouvent également la garantie de leur effectivité à travers deux créations de l’ordonnance du 16 septembre 2020 que sont la procédure d’urgence et les dispositions pénales, contribuant ainsi à optimiser les mesures prescrites.

 

B. Une garantie de l’effectivité des moyens d’action

    Pour apporter un peu plus de garanties dans les actions menées par cette nouvelle police de l’habitat, l’ordonnance prévoit une procédure d’urgence propre à permettre que l’action soit menée dans les temps.

En effet, les dispositions des articles L.511-19[14] à L. 511-21 du code de la construction et de l’habitation offrent la possibilité à l’autorité compétente de faire face à toutes les situations, y compris les plus urgentes et ce de manière prompt.

Contrairement à ce qui était prévu par l’ancien article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation, le maire n’est donc plus tenu de procéder contradictoirement que ce soit en cas de danger imminent, manifeste ou constaté.

Pour éviter tout risque et si aucune autre mesure ne permet d’écarter le danger, l’autorité compétente peut même aller jusqu’à faire procéder à la démolition complète de l’immeuble. Si une telle décision doit reposer sur un jugement du président du tribunal judiciaire, elle est le fruit d’une procédure accélérée au fond.

Par ailleurs, et de la même façon que pour la procédure ordinaire, si les mesures prescrites ne sont pas exécutées dans les délais, il est possible de les faire exécuter d’office, conformément à l’article L.511-20 du code précité.

Au-delà de cette optimisation temporelle, les nouvelles dispositions ne manquent pas de prévoir des sanctions pénales.

En effet, l’article L.511-22 du code de la construction et de l’habitation envisage des sanctions tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.

S’agissant des personnes physiques, les nouvelles dispositions prévoient des peines d’emprisonnement et d’amende, mais également la possibilité de confisquer les biens ou encore l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale, de même que l’interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce.

Les personnes morales quant à elles peuvent se voir également interdire d’acheter ou d’être usufruitier d’un bien immobilier à usage d’habitation ou d’un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage totale ou partiel d’hébergement. Ces mêmes personnes morales peuvent se voir aussi confisquer certains biens.

La propriété privée, droit inviolable et sacré, ne saurait donc l’emporter sur la nécessité publique de prévenir les risques liés aux habitats indignes. L’action publique se trouve largement fortifiée par les nouvelles dispositions du code de la construction et de l’habitation, telles qu’elles sont issues de l’ordonnance du 16 septembre 2020. Puisse l’habitat indigne s’en trouver diminué.

 

Aurélien DEBRAY

Docteur en droit et élève avocat

 

Jérôme MAUDET

Avocat

 

[1] Article 17, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

[2] Voir Article 58, « Simplifier par ordonnance les procédures de lutte contre l’habitat indigne », Avis fait au nom de la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur le Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n°846), enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2018.

[3] Décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020 relatif à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.

[4] Art. L.129-1 CSP ; Art. L.1331-22 CSP ; Art. L.1331-23 CSP ; Art. L.1331-24 CSP ; Art. L.1331-25 CSP ; Art. L.1331-26 CSP ; Art. L.1331-26-1 CSP.

[5] Art. L.129-1 CCH ; Art. L.129-4-1 CCH ; Art.L.511-2 CCH ; Art. L.511-3 CCH.

[6] Voir également Art. R.511-1 CCH.

[7] Voir également Art. R.511-2 et R.511-4 CCH.

[8] Voir aussi l’Art. R.511-3 CCH.

[9] Voir également Art. R.511-3 et R.511-5 CCH.

[10] V. Art. R.511-8 CCH.

[11] Voir aussi Art. R.511-4 CCH.

[12] Article R.511-6 du code de la construction et de l’habitation : « Le délai d’exécution des mesures de réparation ou de démolition ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de la notification de l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, sauf dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article L. 511-19. »

[13] Voir Art. R.511-9 CCH.

[14] Voir également l’Art. R.511-6 et Art. R.511-8 CCH.

Droit pénal de l’urbanisme : focus sur le constat des infractions au droit de l’urbanisme

Afin de sanctionner le bénéficiaire qui aurait méconnu les autorisations d’urbanisme délivrée par le maire d’une commune ou pour sanctionner l’administré qui aurait exécuté des travaux sans autorisation, le recours aux dispositions des articles L. 480-1 et suivants du code de l’urbanisme est indispensable.

Il ressort notamment des dispositions de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme que :

« Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. (…)

Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal.

 Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public ».

A la lecture de cette disposition, le constat d’une infraction au code de l’urbanisme obéit aussi bien à des conditions de fond et de forme particulièrement précises que je vous propose d’étudier plus en avant.

I. Le constat d’une infraction : une situation de compétence liée

  1. Il ressort des dispositions précitées que :

« Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal »

Autrement dit, le maire se trouve en situation de compétence liée lorsqu’il a eu connaissance d’une infraction au code de l’urbanisme et notamment à son article L. 480-4.

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Marseille juge simplement que :

« 7. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme lorsqu’il a connaissance d’une infraction mentionnée à l’article L. 480-4, résultant soit de l’exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées. Si, après établissement d’un procès-verbal, le maire peut, dans le second cas, prescrire par arrêté l’interruption des travaux, il est tenu de le faire dans le premier cas » (C.A.A. Marseille, 15 juillet 2020, n°19MA00227).

La carence de l’autorité administrative compétente pour dresser procès-verbal de constatation d’infraction est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

En ce sens, le Conseil d’Etat a jugé que :

« que, par suite, en refusant de constater cette infraction et en ne vérifiant pas si ces travaux pouvaient être ou non autorisés, le maire de la commune de Pineuilh (Gironde), agissant au nom de l’Etat, ainsi que les services de la direction départementale de l’équipement ont commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard des époux A » (C.E., 10 juillet 2006, n°267943).

Dès lors, le maire d’une commune qui a connaissance d’une infraction au code de l’urbanisme telle que prévue par les dispositions des articles L. 480-4 et L. 610-1 dudit code serait tenu de dresser ou faire dresser procès-verbal de constatation d’infractions ; sauf à engager la responsabilité de l’Etat.

Les dispositions de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme pourrait alors être utilement mobilisées dans la mesure où cet article dispose notamment que :

« Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d’une amende (…) ».

 

  1. Il importe toutefois d’attendre que la matérialité de l’infraction soit constituée.

En ce sens, et aux visas de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé que :

« qu’il résulte de ces dispositions, d’une part, que si le maire est tenu, lorsqu’il a connaissance d’une infraction à la législation de l’urbanisme d’en faire dresser procès-verbal, il est cependant nécessaire que l’élément matériel de l’infraction puisse être constaté » (C.A.A. Nancy, 30 avril 2008, n°07NC00536).

Dans le même sens, et plus récemment, la Cour administrative d’appel de DOUAI a jugé que :

« que s’il résulte des termes de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme précité que l’autorité administrative est tenue, lorsqu’elle a connaissance d’une infraction à la législation de l’urbanisme d’en faire dresser procès-verbal, il est cependant nécessaire que l’élément matériel de l’infraction puisse être constaté » (C.A.A. Douai, 23 octobre 2014, n°13DA01431).

Il est donc indispensable que les faits réprimés aient effectivement été commis.

 

II. Sur l’autorité compétente pour constater une infraction au code de l’urbanisme

L’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme dresse une liste exhaustive des autorités pouvant dresser constat des infractions aux code de l’urbanisme.

Selon une logique de l’entonnoir, cet article dispose que :

« Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés ».

 

  1. S’agissant des officiers ou agents de police judiciaire

1.1 A titre liminaire, et bien évidemment, le maire a compétence en la matière pour constater les infractions éventuelles aux règles d’urbanisme applicables.

Cette compétence s’étend également à ses adjoints et ce, en application des dispositions de l’article 16 du code de procédure pénale aux termes desquelles notamment :

« Ont la qualité d’officier de police judiciaire :

 1° Les maires et leurs adjoints ».

1.2 S’agissant des policiers municipaux, ils ne sont pas des agents de police judiciaire au sens des dispositions de l’article 20 du Code de procédure pénale.

Cet article réserve la qualification d’agent de police judiciaire aux gendarmes n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire et aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale, titulaires et stagiaires, n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire.

Les policiers municipaux sont visés par les dispositions de l’article 21 du Code de procédure pénale qui les qualifient d’agents de police judiciaire adjoints.

Ils ne tirent donc pas leur compétence éventuelle en matière de constat des infractions de cette qualité d’agents de police judiciaire.

Il est indispensable qu’ils aient été commissionnés à cet effet par le maire.

A ce titre, il relève à mon sens de la deuxième catégorie, à savoir les agents des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire et assermentés.

 

  1. S’agissant des fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés

Il ressort des dispositions même de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme que tout fonctionnaire ou agent ne peut pas dresser procès-verbal de constat d’une infraction au code de l’urbanisme.

Encore faut-il que ce fonctionnaire ou agent soit commissionné par le maire de la commune sur laquelle il agit et qu’il soit également assermenté.

Ces notions sont différentes et encadrées par les dispositions des articles R. 610-1 et suivants du code de l’urbanisme.

 

2.1. S’agissant du commissionnement, il s’agit d’une habilitation donnée aux agents municipaux par le maire de la commune pour constater et verbaliser les infractions aux dispositions du code de l’urbanisme.

Ce commissionnement doit prendre la forme d’un arrêté pris par le maire de la commune accordant à l’agent expressément nommé le pouvoir de constater les infractions visées par les articles L. 480-1 et suivants du code de l’urbanisme.

Ce formalisme est indispensable pour éviter toute difficulté tenant à la validité du procès-verbal de constat et donc, in fine, à la procédure pénale qui en constituera la suite.

De la même manière, au moment de constater l’infraction, l’agent doit être porteur de ce commissionnement et ce, conformément aux dispositions de l’article R. 610-3 du code de l’urbanisme.

 

2.2. S’agissant de l’assermentation, cette condition est expressément encadrée par les dispositions de l’article R. 610-1 du code de l’urbanisme.

Il s’agit d’une prestation de serment devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel les fonctionnaires ou agents concernés sont domiciliés.

A cet effet, ils prêtent le serment suivant :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l’occasion de leur exercice ».

Ce serment n’a pas besoin d’être renouvelé en cas de mutation (article R. 610-2 du Code de l’urbanisme).

 

2.3. Ces deux conditions sont cumulatives de sorte que le non-respect de l’une d’entre elles affectera nécessairement la légalité du procès-verbal de constat de l’infraction.

Cette illégalité pourrait avoir des conséquences notamment sur les suites pénales réservées à ce procès-verbal en ce que ce dernier constitue un document nécessaire et préalable au déclenchement des poursuites par le Procureur de la République.

Son illégalité pourrait alors vicier l’intégralité de la procédure.

 

2.4. A ce titre, le cas particulier des policiers municipaux doit être étudié.

Ces derniers sont en mesure de dresser un procès-verbal de constat d’infraction à la condition qu’ils aient reçu un commissionnement du maire à cet effet.

En ce sens, et en réponse à une question portant justement sur le commissionnement d’un policier municipal pour constater une infraction au code de l’urbanisme, le ministère de l’intérieur a indiqué que :

« Dans le cadre de l’article L. 480-1 précité, les agents de police municipale sont, en application de leur statut, assermentés et ont la qualité de fonctionnaire territorial de leur commune. Dans cette mesure, ils entrent dans le champ d’application de l’article L. 480-1. Cependant, ils doivent recevoir un commissionnement de leur maire pour constater les infractions aux règles du code de l’urbanisme sur le territoire de la commune qui les emploie. Le commissionnement permet d’adapter l’étendue des missions confiées aux qualifications propres des agents et à la situation locale » (Réponse ministérielle n°12223 ; publiée au JO SENAT du 9 octobre 2014).

 

2.5. La lecture combinée des dispositions notamment des articles L. 480-1, R. 480-1 et R. 610-1 et suivants du code de l’urbanisme encadre strictement les personnes habilitées à dresser constat d’une infraction au code de l’urbanisme.

Les modalités de visites sont aussi strictement encadrées.

 

III. Sur les modalités de visite pour constater l’infraction au code de l’urbanisme

 

  1. Aux termes des dispositions de l’article L. 480-17 du Code de l’urbanisme, créées par la loi ELAN :

« I.-Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 480-1 recherchent et constatent les infractions prévues par le présent code en quelque lieu qu’elles soient commises.

 Toutefois, ils sont tenus d’informer le procureur de la République, qui peut s’y opposer, avant d’accéder aux établissements et locaux professionnels. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux avant 6 heures et après 21 heures. En dehors de ces heures, ils y accèdent lorsque les locaux sont ouverts au public.

 II.-Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé. Si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention au procès-verbal, ainsi que de son assentiment ».

Cet article encadre le droit de visite applicable aux infractions au code de l’urbanisme.

A ce titre, le lieu de constatation de l’infraction est indifférent dès lors que les autorités compétentes pour constater les infractions prévues par le code de l’urbanisme peuvent intervenir « en quelque lieu qu’elles soient commises ».

De la même manière, le jour de constatation de l’infraction semble également être indifférent dans la mesure où la seule limite temporelle imposée par les textes est celle d’une interdiction d’entrer dans les lieux à visiter avant 6h et après 21h (sauf à ce que les locaux soient ouverts au public en dehors de ces horaires).

Cet article fixe néanmoins deux limites selon les locaux visés.

 

  1. S’agissant des locaux et établissements professionnels, avant tout procès-verbal de constat d’infraction, les autorités compétentes doivent informer au préalable le Procureur de la République qui pourra s’opposer à l’accès.

S’agissant des domiciles et locaux comportant des parties à usage d’habitation, l’occupant doit donner son assentiment ou, à défaut, la visite ne peut se faire qu’accompagner d’un officier de police judiciaire au sens des dispositions de l’article 20 du code de procédure pénale.

Pour cela, un document doit être impérativement rempli que l’occupant ait ou non donner son accord.

A ce titre, la jurisprudence est particulièrement libérale sur la notion de domicile en ce qu’elle est définie de la manière suivante :

« le domicile étant le lieu où, qu’elle y habite ou non, une personne a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » (C. Cass., 19 octobre 2004, n°04-82620).

Cette position particulièrement large est susceptible de poser difficulté en ce que rien ne s’oppose à ce que le pétitionnaire soutienne, dans le cadre d’un bâtiment édifié et destiné à usage professionnel, qu’il a vocation à s’y établir pour y demeurer.

  1. Cependant, afin de résoudre une éventuelle difficulté tenant à cette qualification, il me semble que deux pistes pourraient être exploitées.

La première est fonction de la typographie des lieux et déterminer si l’infraction peut être ou non constatée depuis la voie publique.

Si tel est le cas, rien n’interdit d’y constater une édification ou une activité non autorisée.

La seconde tient au fait qu’aucun élément du dossier ne permet de déterminer que la construction envisagée avait pour objet de recevoir la qualification de domicile.

En ce sens, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que :

« Attendu que, pour considérer au regard de l’action civile, que le délit de violation de domicile n’était pas établi, les juges du second degré retiennent, par motifs propres et adoptés, que le château de Bridoire n’est ni habité ni habitable en l’état ; qu’il ajoutent que la partie civile n’a sous aucune forme, depuis de nombreuses années, manifesté une présence en ce lieu dont pourrait se déduire son intention de s’y établir pour y demeurer ou y séjourner momentanément ;

 Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ;

 Qu’en effet, seul constitue un domicile, au sens de l’article 226-4 du Code pénal, le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux, ce texte n’ayant pas pour objet de garantir les propriétés immobilières contre une usurpation » (C. Cass., 26 juin 2002, n°01-88474).

  1. En cas d’opposition du propriétaire ou du responsable, celui-ci s’expose à une sanction pénale prévue par l’article L. 480-12 du Code de l’urbanisme.

Cet article dispose que :

« Le fait de faire obstacle aux fonctions exercées par les autorités, fonctionnaires et agents habilités à exercer les missions de contrôle administratif prévues au chapitre Ier du titre VI du présent livre ou de recherche et de constatation des infractions prévues par le présent code est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende ».

 

IV. Sur le contenu du procès-verbal de constat d’infraction

Le respect du formalisme s’impose aussi s’agissant du contenu même du procès-verbal de constat dès lors qu’il constitue le premier acte de la procédure.

Ainsi ce document doit identifier avec précision :

– la qualité de l’agent verbalisateur,

– l’identité de la personne mise en cause (et s’il s’agit d’une personne morale sa dénomination précise, son siret, son siège social et son représentant) ;

– le cas échéant : l’accord ou le refus pour l’entrée dans les lieux,

– la date et l’heure de la visite et de l’établissement du procès-verbal,

– le lieu de l’infraction,

– les faits constatés,

– la qualification et le fondement juridique des infractions commises et constatées, ainsi que le rappel des articles ouvrant les poursuites.

A ces premiers éléments d’identification indispensables, s’ajoutent aussi des éléments davantage factuels pour constater la matérialité de l’infraction.

Ainsi et selon les cas, il faudra par exemple y annexer la copie de l’arrêté portant refus du permis de construire modificatif accompagné le cas échéant du dossier de demande et tout autre élément nécessaire à la bonne compréhension du dossier par les autorités de poursuites.

Cette précision du Procès-verbal est indispensable car il permettra ensuite au Procureur de la République de qualifier exactement les faits portés à sa connaissance et d’en apprécier les suites.

 

V. Sur les suites du procès-verbal de constat d’infraction

  1. A titre liminaire, une fois le procès-verbal de constat d’infraction rédigé, il n’a pas à être adressé au pétitionnaire et encore moins être signé par lui.

En ce sens, la Cour de cassation juge que :

« Attendu que, pour renvoyer la prévenue des fins de la poursuite du chef de construction sans permis, l’arrêt attaqué retient que le procès-verbal d’infraction n’est pas signé de l’intéressée et ne lui a pas été envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception afin de lui permettre de présenter ses observations sous huitaine, de sorte que la procédure doit être annulée ;

 Mais attendu qu’en se déterminant ainsi , alors que les formes prétendument violées ne résultent d’aucun texte ni d’aucun principe substantiel de procédure pénale, la cour d’appel, qui ne pouvait, au surplus, soulever d’office une exception de nullité dont elle n’était pas saisie, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés » (C. Cass., 10 octobre 2006, n°06-81841).

 

  1. Cependant, il est indispensable que les autorités de poursuites soient destinataires d’une copie dans les meilleurs délais et ce, en application des dispositions de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme.

L’objectif est de permettre l’interruption immédiat du délai de prescription qui est de six années mais aussi permettre au Procureur de la République de lancer les poursuites.

Un éventuel retard dans la transmission du procès-verbal pourrait avoir pour conséquence la prescription de l’action publique.

Dès lors aucun acte de poursuite ne serait possible.

Il n’affecterait cependant pas les droits de la défense dès lors que c’est cette transmission qui déclenche l’action publique.

En ce sens, la Cour de cassation a jugé que :

« Attendu que, pour écarter l’exception de nullité prise de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 480-1, alinéa 4, du Code de l’urbanisme, l’arrêt attaqué énonce que la règle posée par ce texte n’est pas prescrite à peine de nullité et qu’il n’est en l’espèce ni allégué ni établi que le délai dans lequel le procès-verbal de la direction départementale de l’équipement a été transmis au ministère public ait porté atteinte aux droits de la défense ;

 Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision » (C. Cass., 3 novembre 2004, n°04-82713).

En conséquence et sauf prescription, le retard de transmission n’affecterait pas la légalité de la procédure.

Ce retard de transmission est toutefois susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat en cas de préjudice revendiqué notamment par un voisin immédiat.

En ce sens, le Conseil d’Etat juge de longue date que :

« Cons. qu’il résulte de l’instruction que, par une lettre du 20 novembre 1978, les époux Y… ont informé le directeur départemental de l’équipement de l’édification d’un garage sans permis de construire par M. X…, sur un terrain jouxtant leur propriété ; qu’un procès verbal constatant l’infraction commise par ce dernier a été dressé le 5 octobre 1979 seulement, et transmis au procureur de la République le 14 janvier 1980 ; que, dans ces conditions le retard mis par l’autorité administrative à exécuter les obligations que lui imposent les dispositions sus-rappelées de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat envers M. et Mme Y » (C.E., 21 octobre 1983, n°31728 et repris par C.A.A. Nantes, 20 juin 2019, n°17NT02535).

Par ailleurs, une fois ce procès-verbal dressé, le maire agissant au nom de la commune peut inviter le contrevenant à présenter ses observations sur la situation, puis le mettre en demeure d’avoir à procéder aux mises en conformité exigées.

Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte de 500 € par jour de retard sur le délai fixé et ce, dans la limite totale de 25 000 € (article L. 481-1 du code de l’urbanisme).

 

Louis-Marie Le Rouzic

Avocat au Barreau de Nantes

Droit pénal de l’urbanisme : un nouvel outil dissuasif, rapide et efficace pour les collectivités !

La Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est venue offrir aux collectivités de nouveaux moyens pour lutter contre les infractions au Code de l’urbanisme.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi et en complément des poursuites pénales qui peuvent être menées, les maires disposent d’une nouvelle arme : la mise en demeure assortie d’une astreinte pouvant aller jusqu’à 500 euros par jour de retard dans la limite de 25 000 €.

L’article L.481-1 du Code de l’urbanisme nouvellement créé dispose en effet que :

« I.-Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l’article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu’un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu’elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

II.-Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l’infraction constatée et des moyens d’y remédier. Il peut être prolongé par l’autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l’intéressé pour s’exécuter.

III.-L’autorité compétente peut assortir la mise en demeure d’une astreinte d’un montant maximal de 500 € par jour de retard. »

L’article L. 481-2 précise pour sa part les modalités de fixation et de recouvrement de l’astreinte :

« I.- L’astreinte prévue à l’article L. 481-1 court à compter de la date de la notification de l’arrêté la prononçant et jusqu’à ce qu’il ait été justifié de l’exécution des opérations nécessaires à la mise en conformité ou des formalités permettant la régularisation. Le recouvrement de l’astreinte est engagé par trimestre échu.

II.- Les sommes dues au titre de l’astreinte sont recouvrées, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’immeuble ayant fait l’objet de l’arrêté. Dans le cas où l’arrêté a été pris par le président d’un établissement public de coopération intercommunale, l’astreinte est recouvrée au bénéfice de l’établissement public concerné.

III.- L’autorité compétente peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait. »

 

L’article L. 481-3 prévoit enfin une possibilité de faire procéder à la consignation des sommes équivalentes au montant des travaux à réaliser :

« I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 est restée sans effet au terme du délai imparti, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut obliger l’intéressé à consigner entre les mains d’un comptable public une somme équivalant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’intéressé au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites.

Pour le recouvrement de cette somme, il est procédé comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine et l’Etat bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts.

L’opposition devant le juge administratif à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité compétente n’a pas de caractère suspensif. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Pour le Conseil d’Etat les notaires ont droit au numérique pendant la crise

 

Le 3 avril 2020, le Premier ministre a autorisé l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.

Durant cette période, le notaire instrumentaire peut donc établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées.

Un membre de la profession soutenait que cette mesure présentait un doute sérieux quant à sa légalité et qu’il y avait donc de la suspendre en urgence.

Il soutenait notamment :

  • qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté puisque le Décret serait entaché d’incompétence et dépourvu de base légale dès lors que seule une ordonnance, de valeur législative, pourrait déroger à l’article 1371 du code civil ;
  • que ledit Décret méconnaît l’article 1371 du code civil en dispensant le notaire de constater la présence physique des parties à un acte notarié, d’autant que le  « système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat » n’offre pas de garantie équivalente à celle qu’offre la comparution physique des parties.

Après avoir rappelé le contexte de crise dans un considérant particulièrement circonstancié le Conseil d’Etat a décidé de rejeter le référé suspension dirigé contre le Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire.

Pour le Conseil d’Etat en l’absence de disposition législative imposant une comparution physique des parties, le Premier Ministre avait bien compétence pour mettre en oeuvre un dispositif dérogatoire :  

« Sur les circonstances :

2. L’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par des arrêtés des 17, 19, 20, 21 mars 2020.

3. Par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Leurs effets ont été prolongés par décret du 27 mars 2020, puis par décret du 14 avril 2020. (…) »

Sur la demande en référé :

 (…)

5. Aux termes de l’article 1371 du code civil :   » L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. En cas d’inscription de faux, le juge peut suspendre l’exécution de l’acte « . Le moyen tiré de ce que le décret attaqué dérogerait à des règles législatives, en particulier aux dispositions de l’article 1371 du code civil, en ce qu’il autorise l’établissement de l’acte notarié sur support électronique à distance n’est pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité, alors qu’il ne résulte d’aucune disposition législative que la mission du notaire instrumentaire ne puisse être accomplie que dans le cas d’une comparution physique des parties et que le décret se borne à déroger temporairement aux modalités, qui résultent du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, en vertu desquelles l’officier public peut établir un acte authentique.

Jérôme MAUDET

Avocat

Un mois majoré et puis s’en va….

ATTENTION : modification des délais en matière d’urbanisme

L’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de Covid-19 apporte des aménagements et compléments aux dispositions prises sur ce fondement par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et par l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Elle rappelle qu’à ce jour, et aux termes des dispositions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été instauré pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur soit jusqu’au 24 mai 2020, de sorte que la « période juridiquement protégée » s’achèverait un mois plus tard. » (sauf prorogation par la loi ou cessation anticipée par décret).

Le rapport au Président de la République de ladite ordonnance précise à nouveau que « la date d’achèvement de ce régime dérogatoire n’est toutefois ainsi fixée qu’à titre provisoire » et qu’au regard des modalités de sortie du confinement, « il conviendra d’adapter en conséquence la fin de la «période juridiquement protégée» pour accompagner, le cas échéant plus rapidement qu’il était initialement prévu, la reprise de l’activité économique et le retour aux règles de droit commun de computation des délais ».

En tout état de cause, et dès à présent, ladite ordonnance créée des dispositions spécifiques aux délais applicables notamment en matière de contentieux et d’instruction des autorisations d’urbanisme.

 

  1. Sur les délais de recours applicables aux autorisations de construire (y compris les déférés préfectoraux)

L’article 8 de ladite ordonnance, modifiant l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (art 12 bis), crée des dispositions spécifiques au contentieux des autorisations d’urbanisme en suspendant les délais de recours à la seule durée de l’état d’urgence sanitaire et en supprimant le délai majoré d’un mois.

 

  • Ainsi les délais de recours qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 sont suspendus :

L’article 12 bis précise que les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable, d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’un permis de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont à cette date suspendus.

Ils recommenceront à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée (soit à ce jour à compter du 25 mai 2020) pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.

Il faut ainsi computer le délai qui s’est écoulé avant le 12 mars 2020, en tenant compte d’un délai minimal de 7 jours.

 

  • Le point de départ des délais qui aurait dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (24 mai 2020) est reporté à l’achèvement de celle-ci.

Aussi le délai de recours contentieux commence à courir le 25 mai 2020. (étant rappelé la nécessité d’un affichage continu sur le terrain d’assiette)

 

  1. Sur les délais d’instruction des demandes d’autorisation de construire et des certificats d’urbanisme

 

Ladite ordonnance (art. 8) prévoit une dérogation en matière d’instruction des autorisations et certificats d’urbanisme (art. 12ter) en supprimant le délai majoré d’un mois.

 

  • Les délais d’instruction qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 sont suspendus

Ainsi pour les délais d’instruction qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 et qui n’ont pas expiré : le délai est suspendu jusqu’au 24 mai 2020 (date de cessation de l’état d’urgence sanitaire).

Il reprend son cours le 25 mai 2020.

Il conviendra donc d’être vigilant sur la computation des délais (demande de pièces complémentaires, décisions implicites d’acceptation ….)

 

  • Les délais d’instruction qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (24 mai 2020) sont reportés

Pour les délais d’instruction qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 : le point de départ du délai d’instruction est reporté à l’achèvement de la date de cessation d’urgence sanitaire, soit au 24 mai 2020.

Les délais reprennent donc le 25 mai 2020.

En conséquence, aucune décision implicite en matière d’autorisation d’urbanisme ou de certificat d’urbanisme ne peut intervenir entre le 12 mars et le 24 mai 2020.

Il n’y a plus de délai majoré d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

 

  1. Sur les délais relatifs aux procédures de préemption

L’article 12 quater prévoit la même adaptation des délais relatifs à l’exercice du droit de préemption impartis pour répondre à une déclaration d’intention d’aliéner.

Les délais sont suspendus à la seule période de l’état d’urgence sanitaire.

Les délais qui ont commencés à courir avant le 12 mars 2020, sont suspendus.

Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire pour la durée restant à courir le 12 mars 2020.

Le point de départ des délais qui auraient dû courir pendant la période de l’état d’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.

 

  1. Sur la consultation ou la participation du public

L’article 5 modifie les délais : Afin de ne pas retarder l’organisation et la tenue de procédures de consultation et de participation du public engagées avant la déclaration de l’état d’urgence, ces délais sont suspendus jusqu’à l’expiration d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (et non plus d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire).

 

  1. Sur les travaux de récolement

L’article 6 modifie l’article 8 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 qui suspend les délais dans lesquels les personnes publiques et privées doivent réaliser des travaux et des contrôles ou se conformer à des prescriptions de toute nature.

Il précise que l’autorité administrative peut néanmoins, pendant la période du 12 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, exercer ses compétences pour modifier ces obligations ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifie, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu’elle détermine.

Dans tous les cas, l’autorité administrative tient compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire.

*

***

 

Telles sont les principales mesures modifiées en matière d’urbanisme.

Prudence donc dans la computation des délais à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ….

Etant précisé que ces délais sont encore susceptibles d’être modifiés au regard des informations susvisées figurant dans le rapport au Président de la République de ladite ordonnance.

 

 

Céline CAMUS- Avocate associée Cabinet d’avocats Maudet-Camus

16/04/2020

 

Collectivités : comment obtenir la remise en état des lieux devant le juge civil ?

Édifier une construction en méconnaissance des règles d’urbanisme constitue un délit.

S’agissant d’un délit l’action publique se prescrit par 6 ans alors que l’action civile demeure ouverte pendant 10 années à compter de l’achèvement des travaux.

Aux termes des dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme :

« La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux ».

Il ressort de cette disposition que le seul fait générateur de l’action de la commune est la constatation de l’édification ou de l’installation d’un ouvrage sans autorisation pourtant indispensable à cette fin et prévue au livre IV du code de l’urbanisme « Régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions ».

En d’autres termes, la seule constatation d’une construction illicite suffit pour que la démolition de la construction illégalement édifiée soit ordonnée par le juge civil.

Ainsi, la Cour de cassation juge que :

« Mais attendu que, M. N… s’étant borné à faire valoir dans ses conclusions d’appel que lui avait été délivrée le 30 juin 2016 une décision de non-opposition à la déclaration préalable qu’il avait présentée le 6 novembre 2015 en vue de la création d’une chambre sur terrasse existante, sans soutenir qu’il avait obtenu un permis de construire emportant régularisation de l’ensemble des travaux de surélévation précédemment entrepris, la cour d’appel, qui a constaté que ces travaux avaient été réalisés sans permis de construire, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions ni d’examiner une pièce que ses constatations rendaient inopérantes, qu’il y avait lieu d’en ordonner la démolition » (C. Cass., 7 mars 2019, n°17-31177).

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence applicable que la collectivité n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice particulier pour solliciter la démolition de la construction édifiée sans autorisation.

En ce sens, la Cour de cassation juge sans ambiguïté que :

« Mais attendu que l’action attribuée à la commune par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;

 Que la volonté du législateur d’attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d’un préjudice que l’action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d’urbanisme ; » (C. Cass., 16 mai 2019, n°17-31757).

Dans le même sens, la Cour de Cassation juge que :

« attendu que la commune dispose d’une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières ; que la cour d’appel, qui a constaté l’irrégularité des ouvrages construits par M. E…, sans avoir obtenu un permis de construire ou une autorisation préalable, dans le site naturel de la vallée de la Loue classé en zone Natura 2000, devant rester libre de toute construction et répertorié en aléa très fort de risque de glissement de terrain, en a exactement déduit que la demande de démolition devait être accueillie, alors que M. E… ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens » (C. Cass., 13 février 2020, n°19-16299).

Par conséquent, en raison de l’édification sans autorisation de l’ensemble des structures et constructions présentes sur la parcelle une collectivité est bien fondée à solliciter de la juridiction de céans leur démolition.

Cette dernière n’aura d’autres choix que de faire droit à cette demande.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge en effet que les dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme doivent être appliquées dès lors que les ouvrages litigieux n’ont pas fait l’objet des autorisations d’urbanisme nécessaires à leur construction.

Plus précisément, elle a jugé que :

« ces dispositions doivent être appliquées dès lors que, comme en l’espèce, la commune a saisi le tribunal, dans les 10 ans de la réalisation de l’ouvrage litigieux, sans que celui-ci ait jamais fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à sa construction » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013).

Par ailleurs, le contrevenant ne saurait invoquer la violation de dispositions relatives au respect du droit à la vie privée et familiale dès lors que la démolition sollicitée n’est pas contraire aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge que :

« le fait pour l’autorité communale légalement investie de la police de l’urbanisme, afin notamment de lutter contre le développement anarchique de constructions qui portent gravement et durablement atteinte à l’ordre public, de solliciter la démolition d’une construction illicite pour avoir été réalisée sans l’autorisation administrative préalable prévue par la loi, fût-elle, comme en l’espèce le domicile de Mme X… et de sa famille, ne constitue pas, au sens de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme précitée, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à la protection de son domicile » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013

Louis-Marie LE ROUZIC

Avocat

 

Urbanisme : Le droit de visite des agents

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a modifié les conditions d’exercice du droit de visite en matière d’urbanisme.

Cette réforme a été motivée par le renforcement de la protection du droit au respect de la vie privée et familiale.

Postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme, par un arrêt du 16 mai 2019 n° 66554/14 la Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs jugé que les visites domiciliaires telles que prévues antérieurement en matière d’urbanisme méconnaissaient l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN deux hypothèses se distinguent :

  • Le droit de visite et de communication dans un contexte d’autorisation d’urbanisme délivrée régulièrement (articles L.461-1 et suivants du Code de l’urbanisme)
  • Le droit de visite de constructions en cas de méconnaissance des règles d’urbanisme (articles L.480-17 et suivant du même Code)

 

I. L’exercice du droit de visite et de communication

Dans sa nouvelle rédaction l’article L.461-1 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Le préfet et l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 ou leurs délégués, ainsi que les fonctionnaires et les agents mentionnés à l’article L. 480-1 peuvent visiter les lieux accueillant ou susceptibles d’accueillir des constructions, aménagements, installations et travaux soumis aux dispositions du présent code afin de vérifier que ces dispositions sont respectées et se faire communiquer tous documents se rapportant à la réalisation de ces opérations.

Le droit de visite et de communication prévu au premier alinéa du présent article s’exerce jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux. »

L’article L.461-2 du même Code précise que :

« Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent cependant être visités qu’en présence de leur occupant et avec son assentiment. »

Ce droit de visite peut s’exercer jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux.

S’il est établi qu’une construction a été édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme l’autorité compétente peut mettre en demeure le maître d’ouvrage, dans un délai qui ne peut excéder six mois, de déposer, selon le cas, une demande de permis ou une déclaration préalable.

En cas de refus d’accès par l’occupant du domicile ou si la personne ayant qualité pour autoriser l’accès n’est pas joignable, les visites doivent être autorisées par le juge des libertés et de la détention

L’article L. 461-3 précise que :

« l’ordonnance comporte l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ces agents sont autorisés à se présenter ».

Si l’occupant ou son représentant est absent, l’ordonnance doit alors être notifiée à l’intéressé après la visite par courrier recommandé avec accusé de réception.

A défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par voie d’huissier.

En l’absence de l’occupant, les agents chargés de la visite ne pourront procéder aux constats qu’en présence de deux témoins qui ne doivent pas être placés sous leur autorité.

Le juge des libertés et de la détention a la possibilité de se rendre sur place pendant la visite qui s’effectue sous son contrôle et son autorité.

En application de l’article L.461-3 le procès-verbal doit être dressé « sur-le-champ ». Il devra donc être rédigé de manière manuscrite et relater les modalités et le déroulement de la visite.

Les agents y consignent leurs constatations.

Ce procès-verbal est signé par les personnes présentes.

L’original du procès-verbal mentionnant les délais et voies de recours doit être adressé au juge de la liberté et de la détention et une copie est remise ou adressée par courrier recommandé à l’occupant des lieux ou à son représentant.

Le procès-verbal mentionne le délai et les voies de recours.

 

II. Le droit de visite applicable aux infractions au code de l’urbanisme

L’article L.480-1 du code de l’urbanisme dispose que :

« Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire.

Les infractions mentionnées à l’article L. 480-4 peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé de la culture et assermentés lorsqu’elles affectent des immeubles soumis aux dispositions législatives du code du patrimoine relatives aux monuments historiques, aux abords des monuments historiques ou aux sites patrimoniaux remarquables ou aux dispositions législatives du code de l’environnement relatives aux sites et qu’elles consistent soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé. Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine.

Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal. »

Dans cette hypothèse, le constat d’infraction n’a pas obligatoirement à être rédigé sur place et une copie du procès-verbal devra être transmise dans un délai de cinq jours au ministère public.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait, objet de leur procès-verbal.»

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

La Loi ELAN a créé l’article L.480-17 du code de l’urbanisme pour encadrer les constatations et le droit de visite des agents :

« I.- Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 480-1 recherchent et constatent les infractions prévues par le présent code en quelque lieu qu’elles soient commises.

Toutefois, ils sont tenus d’informer le procureur de la République, qui peut s’y opposer, avant d’accéder aux établissements et locaux professionnels. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux avant 6 heures et après 21 heures. En dehors de ces heures, ils y accèdent lorsque les locaux sont ouverts au public.

II.- Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé. Si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention au procès-verbal, ainsi que de son assentiment. »

Cet article permet un droit de visite dans la perspective de dresser procès-verbal de constat d’infraction.

Concernant les établissements et locaux professionnels, ces agents sont dans l’obligation d’en informer le Procureur de la République, qui peut s’opposer à cette visite.

Ce droit de visite ne peut s’exercer qu’aux heures ouvrées sauf si les locaux sont ouverts au public.

Concernant les domiciles et locaux comprenant des parties à usage d’habitation, les visites ne peuvent se dérouler que de 6 heures à 21 heures, et avec l’assentiment de l’occupant.

En cas de refus, cette visite ne pourra s’effectuer qu’en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction.

En cas d’obstacle à ces deux droits de visite, l’article L.480-12 prévoit que :

« Le fait de faire obstacle aux fonctions exercées par les autorités, fonctionnaires et agents habilités à exercer les missions de contrôle administratif prévues au chapitre Ier du titre VI du présent livre ou de recherche et de constatation des infractions prévues par le présent code est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat