Droit de l’environnement : Brèves de jurisprudence sur la protection de la biodiversité

Par Gaelle PAULIC, Avocate, Cabinet d’avocats Maudet-Camus

Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Ministre de la Transition écologique et solidaire- Société Provençale, n° 425395, 425399, 425425

Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Commune de Piana, n°422182

 

Par deux décisions en date du 3 juin 2020[1], le Conseil d’Etat est venu, tout à la fois, étoffer sa jurisprudence sur la notion de « raison impérative d’intérêt public majeur », l’un des motifs qui permet le jeu des dispositions dérogatoires au principe de protection des espèces protégées et d’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leurs habitats (article L. 411-1 du code de l’environnement) et apporter des précisions supplémentaires sur ces outils de connaissance de la biodiversité que constituent les inventaires ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) réalisés sous l’égide du ministère de l’environnement et du Muséum national d’histoire naturelle.

 

  • Sur la notion de raison impérative d’intérêt public majeur et l’apport de la décision Société Provençale

En admettant, pour la première fois, que l’exploitation d’une carrière puisse répondre à une « raison impérative d’intérêt public majeur », le Conseil d’Etat semble élargir la catégorie des projets pouvant prétendre à une éventuelle dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

Toutefois, il est délicat, à partir de cette décision, d’anticiper un éventuel assouplissement de la juridiction administrative sur les motifs énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement permettant de justifier d’une autorisation de dérogation, tant le Conseil d’Etat a pris soin de sérier, en l’espèce, l’enjeu européen attaché à ce projet de réouverture d’une carrière de marbre blanc dans les Pyrénées-Orientales.

En la matière, la police de protection des espèces et des habitats menacés repose sur une interdiction de principe énoncée à l’article L. 411-1 du code de l’environnement, laquelle prohibe toute destruction d’espèces protégées et de leurs habitats, ainsi que tout acte de perturbation du cycle de vie de ces espèces.

Cette disposition générale d’interdiction fait l’objet de tempéraments précisément énoncés à l’article L. 411-2 du même code puisque des autorisations portant dérogation à l’interdiction de destruction peuvent être accordées sous réserve de la réunion de trois conditions, tout à la fois distinctes et cumulatives :

  • le projet ne peut être autorisé qu’en l’absence de solution alternative satisfaisante ;
  • le projet ne doit pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • le projet doit justifier d’un des cas dans lesquels une dérogation peut être octroyée.

Et au titre du c) du 4° de l’article L. 411-2, un projet peut ainsi prétendre à la délivrance d’une dérogation à la condition de démontrer qu’il relève d’une raison impérative d’intérêt public majeur, tenant à l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques mais également à une raison impérative de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques pour l’environnement.

La notion de raison impérieuse d’intérêt général n’est définie ni par les textes, communautaires comme nationaux, ni par les juges même si la Cour de justice de l’Union Européenne en a dressé, par sa jurisprudence, quelques lignes de force en jugeant qu’un intérêt ne peut être majeur que lorsqu’il est « d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune, y compris de l’avifaune, et de la flore sauvages poursuivi par cette directive »[2].

Le Conseil d’Etat, par des décisions commentées, en avaient également fixé le cadre d’analyse applicable[3] et l’approche adoptée ici s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle.

Dans un premier temps de son raisonnement, la Haute Juridiction procède à une mise en balance entre l’intérêt du projet en litige et l’objectif de protection poursuivi :

« 9. Il résulte du point précédent que l’intérêt de nature à justifier, au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu’il y soit dérogé. Ce n’est qu’en présence d’un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Ce n’est qu’après la caractérisation de l’existence d’un intérêt public majeur que le juge vérifie également la réunion des autres conditions posées par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, à savoir l’absence d’alternative satisfaisante et l’absence de nuisance au maintien des espèces dans un état de conservation favorable.

Le second temps du raisonnement est plus intéressant et c’est sur l’appréciation faite, en l’espèce, de la raison impérative d’intérêt public majeur que la décision rendue retient l’attention en désavouant à la fois l’analyse faite par les juges du fond et en s’écartant des conclusions de son rapporteur public.

Tout en validant la méthode d’appréciation retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille, le Conseil d’Etat n’en a pas moins fait une lecture très différente relativement à l’importance de projet de réouverture de la carrière.

Alors que les juges d’appel avaient retenu, suivis en cette appréciation par le rapporteur public, que le projet de réouverture de la carrière ne justifiait pas d’un caractère exceptionnel en dépit des besoins éventuellement à satisfaire au niveau européen :

« Afin de justifier l’intérêt public majeur du projet, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer fait valoir que l’exploitation de la carrière de Nau‑Bouques devrait permettre le maintien de plus de quatre‑vingt emplois directs dans un département dont le taux de chômage, d’environ 15 %, est supérieur à la moyenne nationale de 10,4 % ainsi que la création d’emplois indirects, notamment dus à la sous‑traitance et l’activité économique générée dans le département des Pyrénées‑Orientales par l’exploitation de la carrière. Il fait également valoir que ce projet s’inscrit dans les principales préoccupations des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union Européenne qui visent à favoriser l’approvisionnement durable de secteurs d’industrie en matières premières en provenance de sources européennes. Au regard de ces considérations économiques et sociales, l’exploitation de la carrière de Nau Bouques présente un caractère d’intérêt général incontestable. Néanmoins, les créations d’emplois envisagées dans ce contexte de difficulté économique au niveau départemental et les besoins industriels à satisfaire en marbre blanc à partir de ce gisement à une échelle nationale voir même européenne comme il est prétendu mais dont les pièces du dossier ne démontrent pas le caractère indispensable, ne présentent pas un caractère exceptionnel »[4]

En première instance, le Tribunal administratif de Montpellier avait estimé, au regard des pièces produites, que l’intérêt économique d’une réouverture ne constituait pas, eu égard à la portée très locale des intérêts économiques en cause, une raison impérative d’intérêt public majeur :

« Considérant, d’autre part, que l’arrêté contesté est fondé sur le motif que l’exploitation de la carrière Nau Bouques à Vingrau et Tautavel présente des raisons impératives d’intérêt public majeur, de nature économique et sociale, grâce à l’activité économique qu’elle génère, mobilisant plus de 80 emplois directs dans le département ; qu’en défense la préfète des Pyrénées-Orientales et la société Provençale SA font en outre valoir l’importance du taux de chômage dans le département, ainsi que l’importance des répercussions en terme de richesses et d’emplois indirects de l’activité de la société ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’importante activité dans les Pyrénées-Orientales de la société Provençale SA, qui exploite des carrières et des usines de transformation sur deux autres sites en France et un dans le sud de l’Espagne, présente, sur les  plans économique et social, un intérêt général incontestable ; que toutefois, en admettant même que l’exploitation envisagée de la carrière de Nau Bouques, pour un  volume annuel de 145 000 tonnes, serait indispensable à la pérennisation des 87 emplois directs de la société sur le site et des emplois indirects invoqués, le seul projet de création d’une carrière par cette société, nonobstant son intérêt économique, ne saurait, par ses caractéristiques et sa nature, eu égard notamment à la portée très locale de l’intérêt économique avancé, être regardé comme constituant une raison impérative  d’intérêt public majeur au sens des dispositions analysées ci-dessus ; que la circonstance que le projet d’exploitation serait conforme aux dispositions du schéma départemental des carrières ne permet pas davantage d’assurer le respect de cette condition ; que le motif retenu, relatif à la raison impérative d’intérêt public majeur, ne pouvait donc légalement fonder la décision contestée »[5]

Le Conseil d’Etat a contrairement jugé, sur la base toutefois d’une argumentation du ministère qui s’était enrichie au fil des instances, que l’intérêt public majeur du projet était démontré par le caractère européen du projet, l’absence d’autre gisement de marbre blanc disponible en Europe et la contribution à l’émergence d’une filière industrielle française :

« 9. (…) Cependant, outre le fait que, comme l’a relevé la cour, l’exploitation de la carrière de Nau‑Bouques devrait permettre la création de plus de quatre‑vingts emplois directs dans un département dont le taux de chômage dépasse de près de 50 % la moyenne nationale, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques s’inscrit dans le cadre des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union Européenne qui visent à favoriser l’approvisionnement durable de secteurs d’industrie en matières premières en provenance de sources européennes, qu’il n’existe pas en Europe un autre gisement disponible de marbre blanc de qualité comparable et en quantité suffisante que celui de la carrière de Nau Bouques pour répondre à la demande industrielle et que ce projet contribue à l’existence d’une filière française de transformation du carbonate de calcium. Par suite, eu égard à la nature du projet et aux intérêts économiques et sociaux qu’il présente, la cour a commis une erreur de qualification juridique en estimant qu’il ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement »,

Sur la caractérisation de la raison impérative d’intérêt majeur et de l’importance d’un projet pour un territoire ou un Etat en termes d’emploi ou de répercussions économiques, la décision s’inscrit dans des précédents européens et notamment ceux cités par le rapporteur public sous la décision, lesquels ont permis de caractériser un tel intérêt public majeur dans la poursuite d’un projet européen stratégique[6], dans la mise en œuvre d’un plan-cadre visant à éviter la fermeture de charbonnage et la perte de 10 000 emplois[7] ou encore dans le développement d’axes de transport majeurs à l’échelle des territoires[8].

En présence d’intérêts stratégiques en termes d’industrialisation, de contribution à l’émergence d’une filière industrielle nationale ou européenne, il apparaît, par principe, que de tels enjeux sont susceptibles de caractériser une raison impérative d’intérêt public majeur.

A la lecture des conclusions, on peut s’interroger sur la caractérisation de ce motif de dérogation pour une carrière dont la réouverture ne permettait pas forcément d’identifier un effet économique majeur en termes de créations d’emploi sur le territoire local concerné ( et dont quelques doutes avaient été exprimés sur la quantification exacte), et dont la spécificité industrielle n’était visiblement pas apparue très manifeste aux juges du fond et au rapporteur public en cette affaire.

La raison impérative reconnue ne suffit cependant pas pour que la dérogation puisse être validée par le juge, la Cour administrative d’appel de Marseille sera appelée à se prononcer sur l’ensemble des conditions permettant de déroger à la protection des 28 espèces de faune et de flore identifiées sur le site à exploiter.

 

  • Sur l’absence d’effet juridique d’une décision portant délimitation d’un périmètre de ZNIEFF

Dans cette seconde espèce, se posait la question de savoir si le refus de l’autorité administrative de modifier le périmètre d’une ZNIEFF constituait ou pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

La question juridique du pourvoi n’est pas anodine puisqu’elle avait donné lieu à des réponses contradictoires du Tribunal administratif de Bastia et de la Cour administrative d’appel de Marseille.

En effet, devant le Tribunal administratif de Bastia, la commune de Piana avait sollicité l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision du Préfet de la Corse-du-Sud qui avait rejeté sa demande tendant à ce que soit réduit le périmètre de la ZNIEFF du « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots », ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l’environnement.

La commune estimait qu’une surface d’environ treize hectares ne présentait pas de caractéristiques écologiques justifiant que ces espaces soient inclus dans cette ZNIEFF.

On rappellera que les ZNIEFF sont nées en 1982 de la volonté du ministère de l’environnement de recenser au sein d’un programme national le patrimoine naturel.

Instrument de travail collaboratif entre le ministère et le Muséum national d’histoire naturelle, la ZNIEFF ne trouve son assise législative qu’en 1993 avec l’article 23 de la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages puis avec la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité qui codifie l’Inventaire national du patrimoine naturel à l’article L. 411-5 du code de l’environnement, aujourd’hui L. 411-1 A dudit code.

L’objectif poursuivi par les inventaires ZNIEFF est de dresser une photographie de la biodiversité et des secteurs de grand intérêt écologique sur le territoire national en distinguant des espaces écologiquement homogènes constituant des zones remarquables du territoire (ZNIEFF de type I) et des espaces qui intègrent des ensembles naturels fonctionnels et paysagers (ZNIEFF de type II).

Les ZNIEFF sont ainsi des données brutes de la richesse écologique, collectées principalement au plus près des territoires par les personnes publiques et par les réseaux associatifs de protection de la nature. Ces données étant, par la suite, retraitées et corrélées par les services de l’Etat et les autorités scientifiques (conseil scientifique régional du patrimoine naturel et Muséum national d’histoire naturelle) pour validation.

Ce n’est qu’au terme de cette validation définitive par le MNHN (Muséum national d’histoire naturelle) que l’inscription d’un espace naturel en ZNIEFF se matérialise par une publication à l’inventaire des ZNIEFF sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).

En l’espèce, et au sujet de la ZNIEFF de type I du Capo Rosso, la commune de Piana avait sollicité les services préfectoraux et obtenu, dans un premier temps, la réduction du périmètre de la zone naturelle avant que celle-ci ne retrouve sa configuration initiale sur le site de l’INPN et que le Préfet de la Corse-du-Sud confirme à la commune le rejet de sa demande.

Devant le Tribunal administratif de Bastia et par un jugement n° 1500511 du 9 février 2017, la commune avait obtenu satisfaction puisque les premiers juges saisis avaient considéré « qu’en application des dispositions combinées du code de l’urbanisme et du schéma d’aménagement de la Corse, la présence d’une ZNIEFF de type I emportait présomption du caractère remarquable des espaces demeurés naturels couvert par ladite zone ; qu’il résultait ainsi de ces dispositions que le classement de parcelles en ZNIEFF de type I comportait des effets au titre du droit de l’urbanisme pour les communes concernées » et de conclure que le refus de déclassement de certaines parcelles à l’intérieur de ce périmètre constituait un acte susceptible de recours.

Amenée à se positionner sur l’appel formé par le ministère de l’environnement, la Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt n° 17MA01513 du 11 mai 2018, annulait le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia et retenait l’absence d’effet juridique des ZNIEFF sur les territoires délimités et le caractère non décisoire et ainsi insusceptible de recours de la décision portant refus de procéder au déclassement sollicité.

« Il résulte des dispositions de l’article L. 411‑5 du code de l’environnement que les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) constituent un outil d’inventaire scientifique du patrimoine naturel conduit sous la responsabilité scientifique du muséum national d’histoire naturelle. Cet inventaire comporte, notamment, des zones naturelles d’intérêt écologique, floristique et faunistique de type I, qui comprennent des secteurs de superficie généralement limitée, défini par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou de milieux rares, caractéristiques du patrimoine naturel national ou régional. Un tel inventaire, s’il est un élément d’expertise qui signale la présence d’habitats naturels et d’espèces remarquables ou protégées par la loi, n’emporte par lui‑même aucun effet juridique ni sur le territoire ainsi délimité, ni sur les activités humaines qui s’y exercent.

Si les auteurs du schéma d’aménagement de la Corse ont entendu instituer des mesures de protection des espaces naturels en s’inspirant des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique délimitées par les services du ministère de l’environnement, ils ne se sont pas estimés liés par ces délimitations, dont ils se sont d’ailleurs écartés dans certains cas. Les ZNIEFF n’ayant ainsi servi que de simple référence, la modification du périmètre d’une de ces zones, postérieurement à l’approbation du schéma d’aménagement de la Corse, ne saurait avoir pour objet ou pour effet de modifier corrélativement, selon un régime que ni la loi ni le schéma lui‑même n’ont d’ailleurs prévu, les prescriptions de ce document de planification tel qu’il a été approuvé par décret en Conseil d’Etat. Il s’ensuit que le refus de modifier le périmètre de la ZNIEFF de « Capo Rosso » n’emporte par lui‑même aucun effet juridique. Ainsi, un tel refus ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation dont la commune de Piana a saisi le tribunal était irrecevable. La ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a fait droit à cette demande et à demander l’annulation du jugement attaqué »

 

Par sa décision en date du 3 juin 2020, le Conseil d’Etat confirme la lecture faite par les juges d’appel par un considérant n°3 lequel rappelle que :

« Les inventaires des richesses écologiques, faunistiques et floristiques réalisés par zone sous la responsabilité scientifique du Museum national d’histoire naturelle, sous l’appellation de zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), constituent un outil d’inventaire scientifique du patrimoine naturel permettant d’apprécier l’intérêt environnemental d’un secteur pour l’application de législations environnementales et urbanistiques mais sont, par eux-mêmes, dépourvus de portée juridique et d’effets. Par suite, si les données portées à l’inventaire que constitue une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique sont susceptibles d’être contestées à l’occasion du recours formé contre une décision prise au titre de ces législations, la constitution d’un inventaire en une zone n’est pas un acte faisant grief. Il en est de même, par voie de conséquence, du refus de modifier les ZNIEFF existantes. Par suite, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le refus de modifier les limites de la zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots » ne fait pas grief. Il en résulte que le pourvoi doit être rejeté »

Cette solution n’est en soi pas nouvelle et elle est en cohérence avec la logique de l’article L. 411-1-A du code de l’environnement lequel ne contient aucune disposition conférant une juridicité à l’outil ZNIEFF et le fait que cet outil institue un zonage ne suffit donc pas à conférer aux espaces ainsi délimités une quelconque protection juridique comme le mentionnait le rapporteur public dans ses conclusions sous cette affaire.

Outil de connaissance scientifique et non juridique, tel était déjà le sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat lorsque la Haute juridiction ne voyait dans les ZNIEFF que des indices permettant d’identifier une Zone Spéciale de Conservation[9], un espace naturel remarquable au sens de la loi Littoral[10] mais non un outil à portée réglementaire[11].

Plus intéressante est l’argumentation de la commune qui faisait ainsi valoir que si la ZNIEFF n’avait pas d’effet juridique direct, une telle délimitation n’en produisait pas moins des effets notables, lesquels pouvaient se traduire de facto, sur un plan urbanistique, par des inconstructibilités.

Se posait ainsi la question de savoir si des orientations ou des prises de position d’autorités administratives, lorsqu’elles seraient de nature à produire des effets notables ou à exercer une influence sur les comportements, seraient susceptibles de recours pour excès de pouvoir[12].

Suivant en tous points les conclusions de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a ici rappelé que la ZNIEFF constitue un outil de connaissance scientifique et non une prise de position d’une autorité administrative sur la nécessité d’une protection des espaces. Le juge administratif décorrèle ainsi la procédure d’identification de ces espaces de la question des procédures de protection de ces mêmes milieux.

Si les données qui alimentent ces zonages et l’existence d’une ZNIEFF sur des espaces peuvent être pris en compte pour l’élaboration d’autres actes qui peuvent être susceptibles de recours, cette « justiciabilité », pour reprendre les termes du rapporteur public, « ne se transmet pas, par capillarité, à l’acte de création ou de modification de la ZNIEFF »[13].

Pour autant, la solution ainsi dégagée pour les ZNIEFF laisse entière la question de la portée juridique des autres inventaires naturels pouvant relever de différentes réglementations et pour lesquels le positionnement de la juridiction administrative pourrait être différent notamment pour les sites Natura 2000.

Gaelle PAULIC,

Avocate

 

[1] Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Ministre de la Transition écologique et solidaire- Société Provençale, n° 425395, 425399,425425 et Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Commune de Piana, n°422182

[2] CJUE, Grande Chambre, 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie ASBL, Affaire C-411/17.

[3] A propos du projet de centre commercial Val Tolosa, voir CE,25 mai 2018, Société PCE et autre, n°413267 et CE, 24 juillet 2019, Société PCE et autre, n°414353.

[4] CAA Marseille, 14 septembre 2018, Société Provençale SA, n°16MA02625 et n°16MA02626.

[5] TA Montpellier, 3 mai 2016, Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales et M. C, n°1502035.

[6] Avis de la Commission Européenne du 19 avril 2000 sur l’extension d’un site de l’entreprise Daimler Chrysler Aerospace.

[7] Avis de la Commission Européenne du 24 avril 2003 sur le plan-cadre d’exploitation du charbonnage Prosper Haniel pour la période 2001-2019.

[8] Avis de la Commission Européenne du 19 novembre 2019 sur l’aménagement du Danube comme voie navigable entre Straubing et Vilshofen.

[9] CE, 16 janvier 2008, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Association Manche Nature, n°292489.

[10] CE, 3 septembre 2009, Commune de Canet-en-Roussillon et Seran, n°306298 et 306468.

[11] CE, 22 mai 2012, Association de défense des propriétaires privés fonciers et autres et Association des habitants de Pibrac et des communes voisines pour la sauvegarde de l’environnement, n°333654 et 334103.

[12] En ce sens, voir CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°368082 et CE, CE, Ass., 19 juillet 2019, Mme Le Pen, n°426389.

[13] Conclusions de Monsieur Olivier Fuchs sous ladite décision.

Aménagement commercial : Brèves de jurisprudence

 

 

 

Permis de construire- dualité des moyens- surface de vente- doute – inopérante des moyens tirés du défaut d’autorisation d’exploitation commerciale

La CAA de Marseille juge que les moyens dirigés contre une autorisation d’urbanisme qui n’a pas été soumise à l’examen pour avis de la CDAC fondés sur la méconnaissance du code de commerce sont inopérants, nonobstant les doutes qui ressortiraient de l’analyse des pièces du dossier quant à la surface de vente effectivement réalisée. (CAA Marseille, 5 mars 2020, n° 19MA03044)

 

 

Aménagement commercial – Une commune d’implantation est-elle recevable à solliciter du juge administratif l’annulation d’un avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), sur le fondement duquel elle avait dû refuser la délivrance d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ? (CAA Nantes, 28 février 2020, n°19NT02099 Commune de GUIGNEN (1)

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et le décret n°2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, le contentieux de l’urbanisme commercial ne cesse de soulever des interrogations entre l’articulation des anciennes et nouvelles règles en matière de délivrance des autorisations d’exploitations commerciales et, comme l’illustre ce récent arrêt, du caractère faisant grief des avis rendus par les commissions d’aménagement commercial.

En l’espèce, et après un premier avis défavorable de la CNAC en novembre 2018, une nouvelle autorisation d’exploitation commerciale avait été sollicitée par le porteur du projet sur le territoire de la commune de Guignen pour la création d’un supermarché et d’un drive. Le projet, remanié après le refus essuyé, avait reçu l’avis favorable de la CDAC d’Ile et Vilaine en janvier 2019.

Plusieurs exploitants concurrents ont formé devant la CNAC un recours à l’encontre de cet avis favorable, laquelle a émis le 4 avril 2019 un avis défavorable, contraignant ainsi le maire de la commune à refuser la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.

Saisissant la cour administrative d’appel de Nantes, la commune d’implantation sollicitait l’annulation de l’avis défavorable de la CNAC.

Se posait néanmoins la question de la recevabilité de cette contestation car au regard de positions récentes du Conseil d’Etat et notamment de l’avis contentieux « Difradis » du 15 avril 2019 (2) ainsi que de la décision Société SODIPAZ du 27 janvier 2020 (3), l’acte par lequel la CNAC se prononce sur le projet d’équipement commercial a, après la mise en vigueur fixée au 15 février 2015 des dispositions de l’article 6 du décret du 12 février 2015, le caractère d’une simple mesure préparatoire et non d’un acte décisoire susceptible d’un recours pour excès de pouvoir.

Pour autant et relativement à des communes en compétence liée de refuser la délivrance du permis de construire valant AEC lorsqu’un avis défavorable des commissions d’aménagement commercial est ainsi rendu, les juges du fond font montre d’une jurisprudence plus pragmatique des dispositions de l’article L.425-4 du code de l’urbanisme.

Poursuivant sa jurisprudence en la matière, la Cour administrative d’appel de NANTES a, en l’espèce, jugé :

« En vertu des dispositions de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme (…)  en vertu des dispositions de l’article L. 752‑1 du code de commerce (…)». De l’ensemble des dispositions rappelées ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 juin 2014 de laquelle elles sont issues, il résulte que le législateur a entendu que, pour tout projet simultanément soumis à autorisation d’exploitation commerciale et à permis de construire, toute contestation touchant à la régularité ou au bien-fondé d’une autorisation d’exploitation commerciale ne puisse désormais être soulevée que dans le cadre du recours introduit, le cas échéant, contre le permis de construire finalement délivré, en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

Il résulte de ces dispositions et en particulier de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, que lorsque l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial est défavorable, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivré. Le maire étant ainsi tenu de refuser le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, il est de ce fait recevable, le cas échéant, à solliciter directement devant le juge l’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial » (CAA Nantes, 28 février 2020, n°19NT02099 Commune de GUIGNEN (1)

Et confirme ainsi la lecture faite des dispositions combinées des articles L425-4 du Code de l’urbanisme et des articles L 752-1 et suivants du Code de commerce par cette même cour dans un arrêt du 15 septembre 2017 :

« Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : «  Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial.(…)/ A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l’article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. » ; qu’aux termes de l’article L. 752-17 du code de commerce : « I.-Conformément à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, le demandeur, le représentant de l’Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial, tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial. / La Commission nationale d’aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l’absence d’avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d’implantation du projet et le représentant de l’Etat dans le département ne sont pas tenus d’exercer ce recours préalable (…)» ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsque l’avis de la commission nationale d’aménagement commercial est favorable, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne peut être refusé sur le fondement des dispositions de l’article L. 752-1 et suivants du code de commerce ; que dans ces conditions, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale est recevable à solliciter devant le juge de l’excès de pouvoir l’annulation de l’avis rendu par la commission nationale d’aménagement commercial qui présente à son égard un caractère décisoire ; qu’il suit de là, que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société L. doit être écartée ; » (4) ;

 

Il est à noter également que la cour administrative d’appel de Bordeaux a également pris position en ce sens dans un arrêt en date du 2 novembre 2017(5).

Ces dernières décisions n’ont pas été frappées de pourvoi. Toutefois, et au regard de la décision société SODIPAZ du Conseil d’Etat  précitée, il pourrait en être différemment pour cet arrêt du 28 février 2020, dont la solution ne deviendra définitive qu’à l’échéance du délai de pourvoi.

 

Céline CAMUS- Avocate associée – Cabinet d’avocats Maudet-Camus

Gaëlle PAULIC – Avocate Cabinet d’avocats Maudet-Camus

 

  • CAA Nantes, 28 février 2020, Commune de Guignen, n°19NT02099
  • Conseil d’Etat, 15 avril 2019, Société DIFRADIS, n°425854
  • Conseil d’Etat, 27 janvier 2020, Société SODIPAZ et autres, n°423529
  • CAA Nantes, 15 septembre 2017, Commune de Loudéac et Communauté intercommunale pour le développement de la région et des agglomérations de Loudéac, n°16NT00526
  • CAA Bordeaux, 2 novembre 2017, Société EURO DEPOT IMMOBILIER, n°16BX03230

Poison d’avril… nouvelles règles en matière de fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales

Aux grands maux les grands remèdes.

Prise en application de l’article 11 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 l’Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 vise à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19.

 

Une extension sous contrôle des pouvoirs de l’exécutif :

L’article 1er de l’ordonnance offre de plein droit aux exécutifs locaux, sans qu’une délibération ne soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes peuvent habituellement leur déléguer par délibération, afin de faciliter la prise des décisions dans les matières permettant d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les attributions confiées aux exécutifs locaux feront l’objet d’un double contrôle :

  • Les organes délibérants doivent être informés des décisions prises dans le cadre de ces délégations, ils pourront dès leur première réunion modifier ou supprimer les délégations, et ils pourront in fine, après avoir repris leurs attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis.

 

  • Les décisions prises dans le cadre de ces délégations devront être systématiquement soumises au contrôle de légalité.

 

Limitation des conditions de quorum :

L’article 2 étend le dispositif de l’article 10 de la loi n° 2020-290 en fixant pendant la durée de l’état d’urgence au tiers, au lieu de la moitié, le quorum de membres nécessaires pour une réunion non seulement de l’organe délibérant des collectivités et des groupements, mais également des commissions permanentes des collectivités et des bureaux des EPCI à fiscalité propre.

Le quorum de l’ensemble de ces instances s’apprécie en fonction des membres présents ou représentés.

Les membres de ces instances peuvent être porteurs de deux pouvoirs, contre un seul aujourd’hui.

 

Des réunions facilitées :

L’article 3 facilite la réunion de l’assemblée délibérante des collectivités territoriales à la demande de ses membres.

Il abaisse la proportion de membres nécessaire pour provoquer une réunion de l’organe délibérant des collectivités et des groupements.

Aujourd’hui fixée à la moitié ou au tiers, cette proportion sera fixée, pendant la durée de l’état d’urgence, au cinquième.

Lorsqu’une demande est présentée, le chef de l’exécutif de la collectivité ou du groupement disposera d’un délai de six jours pour organiser la réunion, le cas échéant par téléconférence.

 

Allègement des consultations préalables obligatoires :

L’article 4 allège les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités territoriales.

S’il est fait application de cette possibilité d’allègement, le maire ou le président de l’organe délibérant fait part sans délai de cette décision aux commissions ou conseils concernés, leur communique par tout moyen les éléments d’information relatifs aux affaires sur lesquelles ils n’ont pu être consultés et les informe des décisions prises.

L’article suspend par ailleurs l’obligation pour les organes délibérants des collectivités territoriales de se réunir au moins une fois par trimestre.

 

Fonctionnement et prolongement des mandats des représentants des EPCI :

L’article 5 traite différentes questions relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires.

Il prolonge notamment le mandat des représentants de chaque ancien établissement public de coopération intercommunale au sein d’organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la veille du premier tour, jusqu’à ce que l’organe délibérant de l’établissement public en ait décidé autrement.

 

Autorisation de la téléconférence :

L’article 6 autorise la réunion à distance des organes des collectivités territoriales et de leurs groupements.

S’il est fait usage de cette nouvelle faculté, le chef de l’exécutif doit utiliser tous les moyens dont il dispose pour convoquer les membres de l’organe délibérant. Lors des réunions en téléconférence, il ne peut être recouru qu’au vote au scrutin public.

Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance.

Pour les organes délibérants soumis à obligation de publicité, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

L’assemblée délibérante peut également continuer à décider de se réunir à huis clos.

 

Assouplissement du formalisme des transmissions au contrôle de légalité et de publicité :

L’article 7 assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information @ctes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).

L’ordonnance autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.

Par ailleurs, l’article 7 facilite l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales, qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours.

Il prévoit, à titre dérogatoire, que la publication des actes réglementaires puisse être assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe, sous réserve qu’ils soient publiés dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions permettant d’en assurer la conservation, d’en garantir l’intégrité et d’en effectuer le téléchargement.

 

Réduction des délais de convocation des conseils d’administration des SDIS

L’article 8 permet de réduire le délai de convocation en urgence des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours.

Il rend par ailleurs applicables à ces conseils les dispositions de l’article 6 s’agissant de l’organisation de réunions par téléconférence.

 

Du temps pour les EPCI :

L’article 9 accorde un temps supplémentaire aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans leurs délibérations en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines.

Cet article prévoit ainsi de maintenir trois mois supplémentaires les syndicats infracommunautaires existant au 1er janvier 2019, le temps que la communauté de communes ou d’agglomération titulaire de la compétence délibère sur une délégation de compétence en faveur de ces syndicats, conformément aux dispositions de la loi n° 2019-1461 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Cette disposition ne compromet pas la possibilité de délibérer sans attendre la fin de ce délai de trois mois supplémentaires, soit en vue de déléguer, soit en vue de ne pas y pourvoir, entraînant alors la dissolution de la structure syndicale.

Une deuxième disposition donne trois mois supplémentaires aux organes délibérants des communautés de communes ou d’agglomération pour statuer, conformément à la loi n° 2019-1461, sur une demande de délégation de compétence de tout ou partie des compétences relatives à l’eau, l’assainissement et la gestion des eaux pluviales urbaines formulée par l’une de leurs communes membres entre janvier et mars 2020.

Enfin, la dernière disposition de cet article 9 proroge de trois mois le délai prévu au III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités pour la délibération de l’organe délibérant en vue du transfert de la compétence d’organisation de la mobilité à la communauté de communes, lorsqu’il n’y a pas déjà été procédé.

Cette délibération devra ainsi intervenir avant le 31 mars 2021 au lieu du 30 décembre 2020, pour que le transfert de compétence prenne effet au 1er juillet 2021.

L’article 10 apporte des compléments nécessaires à la bonne application de l’

ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

 

Entrée en vigueur :

L’article 11 précise les dates d’entrée en vigueur et de fin des dispositions de la présente ordonnance.

A noter que les articles 3, 4 et 6 à 8 sont rétroactivement applicables à compter du 12 mars 2020 et pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-20 du code de la santé publique, déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

 

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

 

Source : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/covid-19-notice-explicative-lordonnance-visant-a-assurer-continuite-fonctionnement-des-institutions

 

Collectivités : Formation sur le cadre juridique encadrant la création et la gestion des terrains familiaux

Prenez soin de vous. Restez chez vous.

Le confinement n’interdit pas aux élus et agents des collectivités de se former surtout avec  idealCO : https://www.idealco.fr/

J’intervenais ce matin pour évoquer le cadre juridique applicable aux terrains familiaux d’accueil des gens du voyage.

 

Au programme  :

I.La Loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil des gens du voyage 

II.La Circulaire du 17 décembre 2003

III.La Loi ALUR

IV.Le Décret du 27 avril 2015

V.Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

VI.LOI n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

VII. Décret n°2019-1478 du 26 décembre 2019

Merci à l’équipe d’idealCO et aux nombreux participants pour leur écoute et la qualité de nos échanges.

 

Jérôme MAUDET

Avocat 

URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance

COVID-19 : LES IMPACTS DE LA LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 SUR L’URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance (JORF n°0072 du 24 mars 2020)

La loi d’urgence publiée ce jour autorise, dans son article 11 du Titre II intitulé  « Mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 », le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois, à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle :

a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;

b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19 ;

Les procédures d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme ainsi que les procédures contentieuses en matière d’urbanisme sont bien concernées par de telles mesures ainsi que cela ressort des discussions sur le projet de loi relatives aux amendements (n°16 et 41) présentés respectivement par Mr SCHELLENBERGER et Mr FURST et visant notamment à s’assurer que l’adaptation des délais applicables en matière d’urbanisme et de construction relèvent bien de ces mesures.

Si l’amendement n°16 a été retiré, l’amendement 41 a été rejeté considérant que c’est l’ensemble des délais d’instruction et procédures qui feront l’objet d’une ordonnance globale, et non spécifiquement l’urbanisme, ordonnance qui devrait intervenir dans les tous prochains jours.

En tout état de cause, plusieurs recommandations du Ministère de la Cohésion des territoires figurent dans un document mis à jour le 21 mars 2020 et intitulé « Continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » nous confirment que :

1.       « Les services chargés de recueillir les demandes d’autorisation d’urbanisme, sont considérés comme « facultatifs » et « non essentiels », : ils peuvent en conséquence être fermés sur décision de l’autorité locale compétent (p.6)

2.       Les services d’urbanisme pourront voir leur activité réduite dès lors que le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité d’un service ne générera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune. (p.6)

Votre attention sera attirée sur le terme « suspension » utilisé et non « interruption » ce qui signifie qu’il conviendra de comptabiliser le délai qui a déjà commencé à courir ce qui n’est pas sans poser difficulté notamment lorsque la période de confinement sera terminée.

Une prolongation de ces délais d’instruction nous parait nécessaire tout comme la prorogation du délai de validité des autorisations d’urbanisme.

Il convient donc désormais d’attendre l’ordonnance à intervenir …

Céline CAMUS

Avocate associée

CORONAVIRUS : Quels seront les impacts sur les procédures en cours et à venir

Les mesures de confinement affectent l’ensemble du système judiciaire.

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a annoncé samedi la fermeture de tous les tribunaux au public.

Seule l’activité essentielle est maintenue.

Le Conseil national des Barreaux a indiqué que :

 » Dès le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d’activité seront actionnés dans l’ensemble des juridictions pour éviter la propagation du virus. Les juridictions seront donc fermées sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels :

  • Les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ;
  • Les audiences de comparution immédiate ;
  • Les présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ;
  • Les audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
  • Les audiences du tribunal pour enfants et du juge pour enfant pour la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
  • Les permanences du parquet ;
  • Les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence, et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales (notamment immeubles menaçant ruine, éviction conjoint violent) ;
  • Les audiences auprès d’un juge des libertés et de la détention civil (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;
  • Les permanences au tribunal pour enfants, l’assistance éducative d’urgence ;
  • Les audiences de la chambre de l’instruction pour la détention ;
  • Les audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences. »

Dans un communiqué daté du 17 mars 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser de son côté que :

« 1.    Toutes les séances de jugement sont annulées à l’exception des référés.

2.    La présence de personnes aux audiences de référé sera limitée :

a. La présence physique des requérants n’est pas obligatoire (la procédure étant écrite)

b. L’accès du public sera très restreint

3.    Les requêtes des personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, devront être déposées via le site internet (www.telerecours.fr)  ou par fax au 01 40 20 80 08.

4.    Les événements publics (colloques, conférences…) sont annulés/reportés. »

Les délais de procédure ne sont toutefois ni prorogés ni interrompus et l’instruction des dossiers se poursuit.

Les clôtures ne seront pas reportées sauf cas particulier.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Confinement : Le Cabinet Cabinet d’avocats Maudet-Camus reste mobilisé

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Les mesures de confinement n’auront aucune incidence sur les délais de procédure et les clôtures fixées.

Pour les clôtures il est cependant possible d’en demander des modifications.

Devant la juridiction administrative tout suit son cours.

Il n’y aura que les audiences qui sont reportées à des dates non déterminées.

Durant la période de confinement toute l’équipe reste mobilisée en télétravail pour répondre aux attentes et interrogations de ses clients et tout particulièrement des collectivités locales.

Pour obtenir les coordonnées directes des avocats : 

 

 

CONTACTEZ-NOUS PAR MAIL

 

 

Formation droit pénal de l’urbanisme

Le 14 février 2020 le Cabinet d’avocats Maudet-Camus organisait un petit déjeuner studieux de formation sur le contentieux pénal de l’urbanisme.

Un seul objectif :

  • Déterminer les moyens dont disposent les collectivités pour faire respecter la règle d’urbanisme et réprimer les infractions sur leurs territoires.

Nous avons été contraints de nous serrer un peu mais les échanges étaient de qualité.

Merci à tous les participants !!!

Expulsion : un nouveau juge de l’expulsion à compter du 1er janvier 2020 …

Le juge d’instance est mort…

Vive le juge des contentieux de la protection !

A compter du 1er janvier 2020, le contentieux de l’expulsion des immeubles bâtis est confié au juge des contentieux de la protection.

En pratique rien de révolutionnaire puisqu’avec la réforme ce nouveau magistrat composant le Tribunal judiciaire aura pour mission de juger les affaires jusqu’alors confiées au juge d’instance.

L’article L.213-4-3 du Code de l’organisation judiciaire dispose en effet que :

« Le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre. »

Rappelons que la notion d’immeuble bâti n’est pas cantonnée aux immeubles d’habitation et qu’elle comprend également les immeubles à usage de bureaux ou les entrepôts.

En effet, la circonstance qu’à l’origine les locaux ne soient pas destinés à l’habitation est inopérante.

Voir en ce sens :

«  Aux termes de l’ article R 221-5 du code de l’organisation judiciaire , le tribunal d’instance connaît, à charge d’appel, des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.

La compétence de cette juridiction s’étend donc à l’expulsion des locaux qui, bien que n’étant pas normalement à usage d’habitation, le sont de fait.

Peu importe, dès lors, que l’immeuble propriété de la Sci Les Aigles soit à usage de bureaux et de foyer, puisque M. Louis et M. Stree en avaient fait leur domicile personnel et y résidaient effectivement.

L’action tendant à les déclarer occupants sans droit ni titre et à les expulser relevait donc de la compétence d’attribution du tribunal d’instance et non du tribunal de grande instance. » (23 Janvier 2012, N° 40, 11/00053, la Cour d’appel de Toulouse a rappelé)

L’expulsion des occupants sans droit ni titre de terrains non bâtis, ce compris les voiries, (anciennement dévolue aux tribunaux de Grande Instance) relèvera dès le 1er janvier 2020 de la compétence du Tribunal judiciaire.

Naturellement, les occupations des autres dépendances du domaine public demeureront de la compétence du juge administratif.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : les chambres d’hôtes ne sont plus des meublés de tourisme

Publics concernés : loueurs en meublés de tourisme, collectivités territoriales, agences locales de développement touristique

Un décret n°2019-1325 du 9 décembre 2019 est venu modifier les articles D. 324-1 et D. 324-1-1 du code du tourisme relatifs à la définition et aux modalités de déclaration des meublés de tourisme par téléservice

Ce décret désormais en vigueur met en conformité les dispositions réglementaires du code du tourisme relatives aux meublés de tourisme avec les dispositions législatives issues de la loi ELAN.

Les chambres d’hôtes échappent désormais aux obligations qui régissent la location sous forme de meublé de tourisme qui deviennent de plus en plus contraignantes notamment dans les villes de plus de 200.000 habitants.

A titre d’exemple par délibération n°2018-77 du conseil métropolitain de Nantes Métropole en date du 22 juin 2018, subordonne l’autorisation de changement d’usage d’un local d’habitation pour la création d’un meublé de tourisme à compensation si la demande émane :

  • d’une personne physique, à compter de la deuxième demande d’autorisation ;
  • d’une personne morale, dès la première demande d’autorisation.

A titre d’exemple à Nantes, comme le prévoit l’article 7 de la délibération précitée :

« La compensation consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un usage autre que l’habitation au 1er janvier 1970 ou ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme changeant leur destination postérieurement au 1er janvier 1970 et n’ayant pas déjà été utilisés à titre de compensation.

 Les locaux proposés en compensation doivent cumulativement :

  – correspondre à la typologie de logement et être de surface habitable au moins équivalente à celles faisant l’objet de la demande de changement d’usage ;

– se situer dans le même quartier que les locaux d’habitations faisant l’objet du changement d’usage. Les périmètres de quartiers applicables sont ceux des onze quartiers nantais…. »

Cette délibération prise en application de l’article L.631-7 du Code de la construction et l’habitation lequel dispose notamment que :

« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable »

Ce texte s’applique aux principales villes françaises de plus de 200.000 habitants.

L’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi ELAN, exclut la « chambre chez l’habitant » de la définition du meublé de tourisme.

Rappelons que cet article impose que les meublés de tourisme soient déclarés à la mairie du territoire sur lequel il se situe.

Le décret adapte en conséquence la définition réglementaire de cette catégorie d’hébergement touristique marchand, en en excluant « une partie d’un tel meublé », c’est-à-dire la « chambre chez l’habitant ».

Le décret met par ailleurs en cohérence l’article D. 324-1-1 avec la nouvelle rédaction de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

La location de chambres d’hôtes n’est toutefois pas exonérée de toute formalité administrative et fiscale…

 

Jérôme MAUDET

Avocat