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Collectivités : Une construction irrégulière ne peut pas donner lieu à indemnité d’expropriation

Par un arrêt du 15 février 2024, la Cour de cassation a estimé que le propriétaire d’une construction illégalement édifiée ne peut pas demander à être indemnisé de son préjudice en cas d’expropriation nonobstant le fait que les délais de prescription de l’action en démolition sont épuisés.

Pour la Cour de cassation l’indemnité d’expropriation ne peut porter que sur des droits juridiquement protégés.

Or, le propriétaire d’un immeuble illégalement édifié ne justifie pas d’un tel droit au jour de l’expropriation y compris lorsque la construction est achevée depuis plus de dix ans.

« 8. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu’il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu’il s’élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l’indemnité et à l’application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d’indemnités alternatives qu’il y a d’hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.

9. Aux termes du second, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

10. Il est jugé, en application de cette disposition, que seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation (3e Civ., 3 décembre 1975, pourvoi n° 75-70.061, Bull. n° 361 ; 3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-15.183 ; 3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.792, publié)

11. Dès lors, faute pour son propriétaire de pouvoir invoquer un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la dépossession d’une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible, n’ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation.

12. Pour fixer des indemnités alternatives selon que le caractère illégal de la construction sera judiciairement reconnu ou non, l’arrêt énonce que ne donne pas droit à indemnisation le préjudice afférent à une construction édifiée illégalement, sauf si l’infraction pénale est prescrite, et retient qu’il existe une contestation sérieuse, au sens de l’article L. 311-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, puisque l’expropriée indique que, même si la construction est irrégulière, la prescription est acquise, dans la mesure où la construction est présente depuis plus de dix années et que des poursuites judiciaires pour infractions au code de l’urbanisme ont été engagées contre elle.

13. En statuant ainsi, après avoir constaté l’irrégularité de la construction édifiée sur une parcelle inconstructible, dont il s’évinçait que, même si toute action en démolition était prescrite, l’expropriée ne pouvait invoquer un droit juridiquement protégé dont la perte pourrait ouvrir droit à indemnisation, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » (Cass Civ. 3e, 15 février 2024, n°22-16.460).

Jérôme MAUDET

Avocat associé

Fonction publique : conséquence de l’annulation d’un licenciement pour insuffisance professionnelle pour défaut de motivation

L’annulation par le juge administratif d’une décision de licenciement d’un agent stagiaire en cours de stage pour insuffisance professionnelle en raison d’un défaut de motivation implique la disparition rétroactive de l’éviction de l’agent.

La question se pose alors de savoir si cette annulation implique une reconstitution de la carrière de l’agent, sa titularisation voire son indemnisation.

Une réintégration purement juridique :

La jurisprudence considère que l’annulation du licenciement d’un agent stagiaire n’implique pas la titularisation de l’intéressé mais une simple réintégration juridique qui impliquera une nouvelle analyse de sa situation

« Que l’autorité de chose jugée s’attachant à l’arrêt du 23 mars 2009 qui a annulé la décision mettant fin à son stage au motif que l’abandon de poste qui la motivait n’était pas établi n’impliquait pas sa titularisation mais uniquement sa réintégration en qualité de stagiaire jusqu’à ce qu’il fût statué sur sa situation ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’arrêt du 23 mars 2009 n’impliquait pas la titularisation de Mme B…; que si la cour a dénaturé les faits de l’espèce en affirmant que l’intéressée n’établissait pas avoir accompli une durée de stage excédant la durée légale, elle ne pouvait en tout état de cause, ainsi qu’il vient d’être dit, qu’enjoindre au centre hospitalier de la réintégrer en qualité de stagiaire jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur sa situation » (C.E., 29 décembre 2014, n°369300).

Voir également en ce sens :

« 5. Considérant, d’une part, que l’annulation d’une mesure de licenciement en cours de stage d’un fonctionnaire stagiaire n’implique pas nécessairement, à titre de mesure d’exécution, qu’il soit procédé à sa titularisation ; que c’est dès lors à bon droit que le tribunal a enjoint au recteur de l’académie de Grenoble de seulement réexaminer la situation de MmeA… ; » (CAA Lyon, 20 avril 2017, N°15LY02680

Rien n’interdira donc à l’administration de reprendre une nouvelle décision de licenciement dûment motivée par l’insuffisance professionnelle de l’agent :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que, consécutivement à l’arrêt de la Cour de céans et postérieurement à l’introduction de la demande de M. X tendant à obtenir l’exécution dudit arrêt, le maire de Guebwiller a pris un nouvel arrêté en date du 8 octobre 2003 prononçant le licenciement de M. X pour insuffisance professionnelle à compter du 1er octobre 1997 ; que, d’une part, qu’il ressort des termes de l’arrêt précité, devenu définitif, que M. X a fait l’objet d’une mesure de licenciement en fin de stage consécutive à un refus de titularisation ; que, dès lors, compte tenu du motif d’annulation retenu par le juge d’appel, le maire de Guebwiller n’était pas tenu de titulariser l’agent évincé mais seulement de le réintégrer juridiquement aux fins de réexaminer ses droits à titularisation à la date de la décision annulée ; que l’annulation pour défaut de motivation de l’acte attaqué n’interdisait pas au maire, sous réserve de satisfaire aux exigences de forme imposées par l’arrêt, de prendre une nouvelle décision de licenciement fondée sur l’insuffisance professionnelle de l’agent ; que cette nouvelle mesure de licenciement fait obstacle à la réintégration effective de l’intéressé dans les effectifs de la commune ; que, d’autre part, eu égard au caractère précaire de la situation des stagiaires de la fonction publique, qui n’ont aucun droit à la titularisation, M. X ne saurait en tout état de cause se prévaloir d’un droit à la reconstitution de sa carrière ; qu’enfin, en l’absence de service fait, M. X ne peut prétendre, sous la forme de rappels de traitement, au paiement des rémunérations dont il a été privé depuis son éviction ; » (CAA Nancy, 2 décembre 2004, 04NC00277)

 

Une indemnisation limitée aux troubles dans les conditions d’existence

En application de la règles du service fait l’agent qui, par définition, n’a pas travaillé pour la collectivité durant sa période d’éviction ne peut pas prétendre au paiement des sommes qu’il aurait dû percevoir s’il était resté en poste.

Autrement dit, en l’absence de service fait, l’agent illégalement évincé n’a pas droit au rappel du traitement non perçu, mais à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Tout au plus l’intéressé pourrait donc prétendre à être indemnisé des troubles dans ses conditions d’existence.

Encore faudra-t-il qu’il démontre la matérialité de son préjudice et qu’il disposait de chances sérieuses d’être titularisé :

« Considérant qu’eu égard au comportement fautif de Mme BOUZAR, qui est demeurée absente de son service de la fin novembre 1994 au début du mois de mai 1995 sans fournir le moindre justificatif de son absence et n’a pas répondu aux relances de son administration avant que son traitement ne soit interrompu, la requérante n’est pas fondée à prétendre au bénéfice d’une indemnité à raison de la privation de son traitement d’avril 1995 à septembre 1995 ; qu’elle ne saurait davantage demander réparation des troubles dans les conditions d’existence qu’elle aurait subis du fait qu’elle n’a pas été admise à renouveler son stage, dès lors qu’elle n’avait aucun droit à titularisation ou à renouvellement de son stage et ne justifie pas qu’elle aurait perdu, à raison de sa révocation, des chances sérieuses de bénéficier d’un tel renouvellement ; » (CAA LYON, Chambre 3, 29 Mai 2000 – n° 98LY00455)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de l’urbanisme : quid de l’indemnisation lorsqu’un terrain devient inconstructible ?

Nul ne dispose de droit acquis au maintien du classement de sa parcelle.

En principe, la modification du classement d’une parcelle n’est pas de nature à ouvrir une action indemnitaire en vertu du principe de non indemnisation des servitudes d’urbanisme.

L’article 160-5 du Code de l’urbanisme dispose en effet que :

« N’ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d’hygiène et d’esthétique ou pour d’autres objets et concernant, notamment, l’utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l’interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones.

Toutefois, une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d’accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d’occupation des sols rendu public ou du plan local d’urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. »

Dès lors, ce n’est que s’il est porté atteinte aux droits acquis des propriétaires et à la modification de l’état antérieur des lieux que la responsabilité de la collectivité peut être recherchée.

L’atteinte aux droits acquis peut par exemple résulter de l’institution d’une servitude d’urbanisme faisant échec à la réalisation d’une opération qui doit se dérouler en plusieurs étapes.

Tel est notamment le cas de la remise en cause d’un projet de lotissement, postérieurement à la délivrance de la décision individuelle créatrice de droits qui autorise la division du terrain en vue de la cession des lots

La modification de l’état antérieur des lieux n’a jamais, à ma connaissance, pu fonder une indemnisation, car il a été jugé à maintes reprises que le fait de grever un terrain d’une servitude d’inconstructibilité n’est pas susceptible par lui-même de constituer un dommage dès lors que le terrain est maintenu dans son état actuel.

Naturellement, si le classement venait à s’avérer illégal en raison d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, l’illégalité fautive de l’administration serait de nature à ouvrir une action indemnitaire au bénéfice du propriétaire.

Voir en ce sens :

« 11. Considérant que le changement de classement du lotissement de la  » Couturelle  » et de l’emplacement réservé du  » clairon  » a consisté à faire passer ces terrains d’une zone UCb, définie au règlement du plan local d’urbanisme comme une zone  » urbaine mixte de densité moyenne assurant la transition entre les quartiers centraux et les quartiers de plus faible densité avec une dominante d’habitats « , en une zone UBb, définie comme une zone  » urbaine mixte de densité élevée, affectée à l’habitat, pouvant comporter des commerce, des services, des bureaux, des activités artisanales et industrielles, des équipement publics, compatibles avec un environnement urbain  » ; que cette nouvelle zone correspond, comme en l’espèce, à un secteur proche du centre ville ; que ce changement répond à la volonté de la communauté urbaine d’augmenter la densité de l’habitat dans cet espace, tout en permettant la construction de logements sociaux ; que, dans ces conditions, cette modification du zonage et du coefficient associé n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur le détournement de pouvoir :

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en adoptant lamodificationdu plan local d’urbanisme en litige, qui vise notamment à permettre la construction de logements sociaux, la communauté urbaine aurait poursuivi à un but étranger à l’intérêt général ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; » (CAA DOUAI, 7 janvier 2015, N° 13DA00249)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Droit pénal de l’urbanisme : qui est responsable en cas d’irrégularité d’un arrêté interruptif de Travaux ?

Seule la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être recherchée à raison de l’irrégularité d’un arrêté interruptif de travaux.

En effet, l’arrêté interruptif de travaux est un acte administratif s’inscrivant dans le cadre d’une procédure judiciaire durant laquelle le maire agit au nom de l’État :

« 3. Considérant que si le maire, agissant au nom de l’Etat en sa qualité d’auxiliaire de l’autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du même code, une infraction mentionnée à l’article L. 480-4, résultant soit de l’exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code de l’urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées, il ne peut légalement prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision et ce même s’il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d’urbanisme et notamment le document local d’urbanisme ; » (CE, 26 juin 2013, n° 344331)

Jérôme MAUDET

Avocat

Concession d’aménagement : le candidat doit justifier de ses capacités

Par un arrêt du 12 novembre 2015, le Conseil d’Etat a sanctionné l’attribution d’une concession d’aménagement à un candidat qui n’avait pas transmis ses références dans le cadre de son offre.

Le juge administratif a en effet considéré que la collectivité à l’origine de la consultation n’avait pas été en mesure de vérifier de manière effective les références du candidat :

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige :  » L’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. L’attribution des concessions d’aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. (…)  » ; qu’aux termes de l’article R*. 300-8 du même code :  » Le concédant choisit le concessionnaire en prenant notamment en compte les capacités techniques et financières des candidats et leur aptitude à conduire l’opération d’aménagement projetée, après avoir engagé librement toute discussion utile avec une ou plusieurs personnes ayant remis une proposition  » ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions précitées que le concédant doit tenir compte des capacités techniques et financières des candidats à l’opération d’aménagement ; que s’il a la faculté de demander à un candidat, dans le respect du principe d’égalité, de compléter son dossier afin qu’il puisse justifier de ses aptitudes, ainsi d’ailleurs que le prévoyait l’article 5 du règlement de consultation de l’opération litigieuse mis au dossier du juge du fond, il ne peut légalement sélectionner l’offre d’un candidat n’ayant pas justifié de ses capacités ; que par suite, en jugeant que le concédant pouvait sélectionner un candidat qui n’a pas justifié de ses capacités techniques et financières, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; » (CE, 12 novembre 2015 n°386578)

La collectivité ne peut donc pas se contenter de la notoriété du candidat qu’elle retient.

Elle doit procéder à une vérification minutieuse des références et des capacités techniques de l’entreprise qui soumissionne.

Jérôme MAUDET

Collectivité : bornes rétractables réglementant l’accès aux secteurs piétonniers et responsabilité de la commune

L’hypothèse est classique…

Un automobiliste tente d’accéder à une voie piétonne alors qu’il ne dispose pas du badge d’accès nécessaire pour permettre d’abaisser la borne rétractable.

Naturellement, la borne en se relevant occasionne des dégâts sur son véhicule.

Le conducteur tente alors de rechercher la responsabilité de la commune à raison du dysfonctionnement de la borne.

La Cour administrative d’appel de Nantes, vient de débouter l’automobiliste imprudent en ces termes :

« 2. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l’ouvrage, des dommages qu’il a subis, l’usager de la voie publique doit démontrer, d’une part, la réalité de son préjudice et, d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage ; que pour s’exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d’ouvrage, soit d’établir qu’elle a normalement entretenu l’ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l’existence d’un événement de force majeure ;

3. Considérant que les requérants soutiennent, d’une part, que le jour de l’accident, lorsque M.B…, conducteur du véhicule et gérant de la société JRD, s’est avancé dans la rue Parisie, la borne rétractable destinée à réguler l’accès à ce secteur piétonnier était abaissée et qu’elle s’est relevée alors que le véhicule était déjà engagé, et, d’autre part, que les conditions d’accès à cette rue n’étaient pas rappelées ;

4. Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction que la rue Parisie dans laquelle s’est engagé le véhicule se trouve dans la zone piétonne délimitée par un arrêté du maire d’Orléans du 7 août 2009, réglementant la circulation dans le centre ancien de la ville ; que l’accès à cette rue est régulé, pour les véhicules autorisés à y circuler, par une borne automatique rétractable, bien visible aux dates et heures de l’accident ; que les conditions de circulation étaient clairement rappelées à l’entrée de la rue par un panneau de signalisation ; qu’il est constant par ailleurs que le véhicule de la société JRD n’était pas détenteur d’un badge l’habilitant à franchir la borne et à circuler en zone piétonne ; qu’il résulte également de l’instruction et notamment du relevé informatique retraçant le fonctionnement de la borne, lequel est dépourvu d’ambiguïté, que le dispositif fonctionnait normalement à l’heure de l’accident et que quatre véhicules avaient pu la franchir pour pénétrer dans la zone piétonne à 15H05, 15H07, 15H08 et 15H11, puis qu’elle était en position haute à partir de 15H11 minutes et 49 secondes mais, alors que le feu était au rouge, s’est placée en position intermédiaire à 15h34minutes 36 secondes, heure de l’accident, ce qui témoigne de la détection d’un véhicule se trouvant devant la borne ; que, dans ces conditions, le choc du véhicule de la société JRD contre la borne automatique, qui a endommagé l’avant du véhicule ainsi qu’il ressort des termes du rapport d’expertise qui mentionne le remplacement du radiateur et du ventilateur, n’a pas été provoqué par le fonctionnement défectueux du dispositif automatique en cause, mais est entièrement imputable à l’imprudence du conducteur du véhicule ; que, par suite, c’est à juste titre que les juges de première instance ont estimé que la responsabilité de la commune d’Orléans ne pouvait être engagée sur le fondement du défaut d’entretien normal de cet ouvrage ; » (CAA NANTES, 18 Février 2016, N°15NT00323)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Collectivités : dommages de travaux publics et exclusion de garantie de l’assureur

Par un arrêt du 4 décembre 2014, la Cour administrative d’appel de Nantes est venue rappeler la compétence du juge administratif pour connaître d’une demande de garantie formée par une commune contre son assureur.

Dès lors que le prétendu sinistre est la conséquence de l’exercice d’une mission de service public, l’assureur n’est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître de l’action en garantie.

« Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative opposée par la société AIG Chartis Europe Limited :

2. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, qu’une partie des travaux qui sont à l’origine des dommages invoqués a été réalisée pour le compte d’une société privée est sans incidence dès lors que ces travaux répondaient à une mission de service public tendant à promouvoir le développement économique du territoire ; qu’ils ont de ce fait revêtu le caractère de travaux publics ; qu’il s’ensuit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande indemnitaire de la SARL Tweed ; que l’exception d’incompétence opposée à nouveau en appel par la société AIG Chartis Europe Limited doit, dès lors, être écartée ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

L’arrêt revient également sur les conditions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité d’une collectivité à raison des dommages subis par les riverains d’une voie publique.

 » Sur la responsabilité de la commune de Bourges :

3. Considérant qu’il appartient au riverain d’une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu’il estime avoir subis à l’occasion d’une opération de travaux publics à l’égard de laquelle il a la qualité de tiers d’établir, d’une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d’autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d’intérêt général ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise établi par M. B…que si l’accès au parking situé en face du magasin de la SARL Tweed a été supprimé en raison de la mise en place d’une palissade de chantier en juin 2007, l’enseigne du magasin est toujours restée visible et sa fréquentation stable ; que la baisse de chiffre d’affaires invoquée par l’intéressée n’est apparue qu’en juin 2008, soit un an après le début des travaux, et s’explique par une baisse du montant moyen des achats par client et par une conjoncture économique défavorable pour le secteur de l’ameublement au cours de la période 2008-2011 ; qu’il ressort de l’instruction que l’accès aux piétons est demeuré possible pendant la durée des travaux ; que la circonstance que la circulation automobile a été interdite dans la rue Sous les Ceps à plusieurs reprises, et notamment du 27 février au 3 avril 2009, et que pour des raisons qui n’ont pas été explicitées par la société requérante le chiffre d’affaires du mois de mars 2009 ne s’est élevé qu’à 180 euros ne suffit pas à elle seule à caractériser un dommage anormal et spécial ; que les parkings situés à proximité du magasin étaient accessibles et, s’ils connaissaient des saturations rendant le stationnement difficile pour la clientèle, ce phénomène était de nature à affecter tout le quartier concerné et non de manière spécifique le commerce en litige ; qu’en outre la SARL Tweed ne conteste pas qu’à la date à laquelle elle s’est installée en 2005-2006 elle avait connaissance du projet d’aménagement de ce quartier ; qu’enfin la commune soutient sans être contredite que les principaux clients de la société sont constitués d' » institutionnels « , qui représentent la part essentielle de son chiffre d’affaires et étaient peu susceptibles d’être affectés par l’environnement du magasin ; que, dans ces conditions, la SARL Tweed n’établit pas avoir subi un préjudice anormal et spécial à l’occasion des travaux d’aménagement de l’ensemble commercial dénommé Avaricum à proximité de son magasin ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Tweed n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande et a mis les frais et honoraires d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 793.57 euros, à sa charge définitive ;

Sur les conclusions de la commune de Bourges :

6. Considérant qu’à défaut de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions de la commune de Bourges tendant à la condamnation de son assureur, la société AIG Chartis Europe Limited, à la garantir se trouvent dépourvues d’objet ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : responsabilité pénale des agents

Les agents publics sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales pour les infractions qu’ils seraient susceptibles de commettre à l’occasion de leurs fonctions.

Le droit pénal français obéit au principe de légalité des délits et des peines : les crimes et délits sont déterminés limitativement par la loi, et nul ne peut être poursuivi pour un fait ou un comportement qui ne soit pas caractérisé par un texte comme constitutif d’une infraction.

Les qualifications sont diverses :

  • Prise illégale d’intérêt,
  • Délit de favoritisme,
  • Concussion,
  • Faux en écriture publique,
  • Mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation particulière de prudence…

C’est à l’agent poursuivi qu’il reviendra d’assumer les conséquences pénales de ses actes et en particulier le paiement d’une éventuelle amende laquelle ne pourra pas être prise en charge par une quelconque assurance.

En matière de responsabilité pénale, le critère du rattachement de la faute à l’accomplissement du service est inopérant.

La décision est examinée en tant que telle aux fins d’apprécier si elle est ou non constitutive de l’infraction.

La responsabilité pénale de l’agent public pourra en conséquence être engagée, même à raison d’une faute de sa part qui n’est pas détachable du service.

Tout agent intervenant de manière déterminante dans l’élaboration d’un acte administratif est susceptible de faire l’objet de poursuites pénales.

Or, dans les collectivités locales, les services sont très largement associés à l’élaboration des actes.

Comme en matière de marchés publics, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est une opération complexe qui nécessite l’addition de compétences administratives, juridiques et techniques.

De ce fait, la procédure implique généralement la collaboration de plusieurs personnes, ce qui peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité pénale de plusieurs intervenants à cette procédure.

Les personnes qui ont concouru à l’élaboration de l’acte sans en être directement l’auteur peuvent néanmoins être entendues dans le cadre d’une procédure pénale, voire être poursuivis au titre de la complicité pour certains délits.

Pour qu’elles soient susceptibles d’être poursuivies, il convient d’apprécier si elles ont accompli des actes ayant influencé la prise de la décision.

L’article 122-4 du Code pénal prévoit que :

« n’est pas pénalement responsable la personne qui accompli un acte commandé par l’autorité légitime. »

Ce principe ne souffre qu’une limite, en droit pénal, l’hypothèse où l’ordre donné est manifestement illégal.

Voir notamment en ce sens une réponse ministérielle du ministère de l’équipement du transport et du tourisme publiée au journal officiel de l’Assemblée nationale du 9 janvier 1995 :

« En particulier, il est clair qu’un agent de l’Etat ne saurait participer à l’établissement d’un acte illégal sans porter atteinte à ses devoirs et sans risquer d’engager sa responsabilité pénale. Si donc le maire lui donnait des instructions qui ne lui paraitraient pas conformes au droit, le service instructeur ne pourrait que faire part au maire de son analyse et lui proposer un acte qu’il estime légal. Bien entendu, le maire garde son pouvoir d’appréciation et peut établir et délivrer l’acte qu’il souhaite s’il ne partage pas l’analyse du service instructeur. Les agents de ce service restent, en outre, placés sous l’autorité hiérarchique du chef du service de l’Etat auquel ils appartiennent. »

L’article 28 du statut général de la fonction publique subordonne l’engagement de la responsabilité pénale au fait que l’illégalité compromette gravement un intérêt public.

Cette condition est toutefois presque toujours remplie lorsqu’une sanction pénale est encourue.

Il appartient donc à l’agent qui aurait connaissance d’une illégalité de refuser de proposer une solution non conforme à la légalité, sous peine d’engager sa propre responsabilité.

Si l’auteur de l’acte venait à passer outre, seule sa responsabilité pourrait alors être utilement recherchée.

Pour se prémunir des risques, l’agent a toujours la possibilité de souscrire une assurance défense pénale et protection juridique.

Par cette garantie l’assureur s’engage généralement :

“à défendre devant les tribunaux répressifs, lorsqu’ils sont personnellement impliqués à l’occasion d’un dommage garanti par le présent contrat, le maire, les adjoints, les conseillers municipaux et les délégués spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions….”.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit de la santé : Responsabilité d’un CHU pour retard de diagnostic

Par un jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal administratif de Nantes a décidé de condamner un centre hospitalier départemental en raison du préjudice subi par un patient à la suite d’un diagnostic tardif d’une tumeur cérébrale.

La juridiction administrative a considéré que la requérante rapportait bien la preuve qui lui incombait de l’existence d’un lien de causalité entre le retard fautif dénoncé et le préjudice qu’elle a subi à raison de la dégradation de son état de santé.

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « (…) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise établi le 18 novembre 2010 par le docteur C, neuropsychiatre, assisté du docteur V en qualité de sapiteur neuro-ophtalmologiste, désignés par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nantes du 8 janvier 2009, que la prise en charge de Mlle D par le CHU de Nantes en décembre 2003, tant aux urgences qu’en unité psychiatrique, n’a pas été conforme aux règles de l’art ; que ces experts soulignent ainsi que le médecin urgentiste a eu tort, notamment, de ne pas prendre en considération des symptômes aussi évocateurs que l’association de troubles de la marche, de céphalées et de vomissements et de s’abstenir de prendre l’avis d’un neurologue ou de faire pratiquer une imagerie ; que les médecins psychiatres, au cours de l’hospitalisation de la patiente, n’ont pas davantage pensé à solliciter l’avis d’un neurologue ou de tout autre médecin somaticien ; qu’enfin, ils soulignent que, si Mlle D avait été opérée lors de sa première hospitalisation le 19 décembre 2003, elle n’aurait très probablement eu aucune séquelle visuelle ; que si le CHU soutient que sa responsabilité ne saurait seule être engagée, les docteurs B et M, médecins libéraux que Mlle D a consultés en décembre 2003, ayant selon lui également contribué au retard de diagnostic en cause, le docteur C indique que ceux-ci ne peuvent faire l’objet de critiques ; que l’expert précise encore que les dommages dont souffre la requérante sont imputables à 75% au défaut de prise en charge de la part du CHU et à 25% au développement de la tumeur ; que, dès lors, l’évolution de l’état de santé de Mlle D apparaît comme étant la conséquence directe et certaine des fautes liées au retard de diagnostic relevées lors de son hospitalisation ; qu’il suit de là que Mlle D est fondée à soutenir que le retard de diagnostic est fautif et de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes à son égard ; » (TA de Nantes, 14 janvier 2015, n°1109666)

Le Tribunal rappelle également que la victime est bien fondée à solliciter réparation au titre de la perte de chance qu’elle a subie:

« Sur la perte de chance :

4. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ; »

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES