Collectivités : Une construction irrégulière ne peut pas donner lieu à indemnité d’expropriation
Par un arrêt du 15 février 2024, la Cour de cassation a estimé que le propriétaire d’une construction illégalement édifiée ne peut pas demander à être indemnisé de son préjudice en cas d’expropriation nonobstant le fait que les délais de prescription de l’action en démolition sont épuisés.
Pour la Cour de cassation l’indemnité d’expropriation ne peut porter que sur des droits juridiquement protégés.
Or, le propriétaire d’un immeuble illégalement édifié ne justifie pas d’un tel droit au jour de l’expropriation y compris lorsque la construction est achevée depuis plus de dix ans.
« 8. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu’il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu’il s’élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l’indemnité et à l’application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d’indemnités alternatives qu’il y a d’hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.
9. Aux termes du second, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
10. Il est jugé, en application de cette disposition, que seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation (3e Civ., 3 décembre 1975, pourvoi n° 75-70.061, Bull. n° 361 ; 3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-15.183 ; 3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.792, publié)
11. Dès lors, faute pour son propriétaire de pouvoir invoquer un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la dépossession d’une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible, n’ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation.
12. Pour fixer des indemnités alternatives selon que le caractère illégal de la construction sera judiciairement reconnu ou non, l’arrêt énonce que ne donne pas droit à indemnisation le préjudice afférent à une construction édifiée illégalement, sauf si l’infraction pénale est prescrite, et retient qu’il existe une contestation sérieuse, au sens de l’article L. 311-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, puisque l’expropriée indique que, même si la construction est irrégulière, la prescription est acquise, dans la mesure où la construction est présente depuis plus de dix années et que des poursuites judiciaires pour infractions au code de l’urbanisme ont été engagées contre elle.
13. En statuant ainsi, après avoir constaté l’irrégularité de la construction édifiée sur une parcelle inconstructible, dont il s’évinçait que, même si toute action en démolition était prescrite, l’expropriée ne pouvait invoquer un droit juridiquement protégé dont la perte pourrait ouvrir droit à indemnisation, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » (Cass Civ. 3e, 15 février 2024, n°22-16.460).
Jérôme MAUDET
Avocat associé