Urbanisme ordonnance du 25 mars 2020 : Entre interruption et suspension….

 

 

Entre interruption et suspension….

Les impacts sur l’urbanisme et l’urbanisme commercial de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire

A ce jour, et ainsi qu’indiqué à l’article 4 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de ladite loi, soit jusqu’au 24 mai 2020, étant précisé que l’état d’urgence sanitaire peut être prolongé par la loi ou abrégé par un décret en conseil des ministres.

 

  • DISPOSITIONS GENERALES SUR LA PROROGATION DES DELAIS

 

  1. La période concernée par l’ordonnance

L’article 1er précise que les dispositions du Titre I de l’ordonnance sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé, soit pour l’heure entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

Ne sont pas concernés :

  • les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020: leur terme n’est pas reporté;

 

  • Mais, surtout, les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire: ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés.

 

  • Les conséquences sur les délais de recours gracieux, contentieux, de retrait des autorisations d’urbanisme

Les actions en justice, recours, notifications, prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, qui devaient être réalisés entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, seront réputés avoir été faits à temps s’ils ont été effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir mais dans la limite de 2 mois. (art 2)

Les délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et, pour l’heure, le 24 juin 2020, sont interrompus pendant toute cette période et prorogés à compter de cette période d’un délai qui ne peut excéder le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois ;

Ainsi, les délais de recours recommenceront à courir à compter du 25 juin 2020 pour leur durée initiale dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 25 aout 2020.

 

Il est toutefois possible de former un recours durant cette période.

 

L’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée : elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

Ainsi, s’agissant des autorisations d’urbanisme, dont le délai de recours des tiers – qui expire, pour rappel, à l’issue d’un affichage continu de deux mois – prendrait fin entre le 12 mars et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, le délai de recours serait automatiquement prorogé.

Les tiers disposent donc ainsi de deux mois à compter du 25 juin 2020 pour introduire un recours (gracieux ou contentieux), et ce peu importe la durée de l’affichage qui aurait commencé à courir, ce qui induit une prolongation des délais de recours contentieux peu favorable pour les porteurs de projet

 

  • Quelles conséquences sur les mesures administratives ou juridictionnelles ?

L’article 3 fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois, (soit à ce jour le 24 juin 2020) dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.

 

Lorsque ces mesures ont été prononcées avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.

 

Il s’agit des mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale, des mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation, des mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction.

 

Ledit article précise également le sort des autorisations, permis et agrément en cours de validité et dont la péremption intervient pendant la période de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois :

 

La loi prévoit ainsi une prorogation de plein droit des « Autorisations, permis et agréments » pour une durée de 2 mois commençant à courir à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois.

Ainsi les autorisation d’urbanisme, autorisation d’exploitation commerciale (….) qui arrivaient à expiration pendant cette période sont prorogés de plein droit de deux mois à compter du 24 juin 2020.

 

  • Report des effets des clauses résolutoires et celles prévoyant une déchéance insérée dans les promesses en cours de validité

L’article 4 prévoit que les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, sont suspendues.

 

Elles produiront effet un mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.

 

Les astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 voient quant à elles leur cours suspendu pendant la période définie au I de l’article 1er, elles reprendront effet dès le lendemain.

 

Ainsi et plus particulièrement, les clauses prévoyant une date limite pour le dépôt d’une demande de permis de construire ne sauraient, à mon sens, prendre effet pendant la période d’urgence sanitaire.

 

  • DISPOSITIONS PARTICULIERES AUX DELAIS ET PROCEDURES EN MATIERE ADMINISTRATIVE

 

  • Quelles sont les conséquences sur les délais impartis à l’administration pour émettre un avis, une décision ou un accord

L’article 7 prévoit que les délais de l’action administrative sont suspendus.

 

Les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er soit jusqu’au 24 juin 2020

 

Le point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir pendant cette période interviendra à l’achèvement de celle-ci.

 

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.

 

Sont ainsi concernées les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes (demandes d’autorisation d’urbanisme, DIA…..)

 

Il en est de même pour les délais de consultation ou la participation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative.

 

Pour les autorisations de construire dont l’instruction aurait dû commencer à courir à compter du 12 mars, le point de départ du délai d’instruction est l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit à ce jour le 24 juin 2020. C’est un report complet

 

Il en va de même de la vérification de la complétude d’un dossier ou de la demande de pièce complémentaire : c’est un report complet

Pour les demandes en cours d’instruction au 12 mars 2020 : les délais sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020. C’est une suspension pas un report complet : il conviendra donc d’être vigilant sur la computation des délais

 

Des exceptions : un décret pourra préciser les catégories d’actes, de procédure et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.

 

  • Report des délais pour réaliser des contrôles et des travaux :

L’article 8 suspend les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles (cas des DAACT par exemple) et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, (soit le 24 juin 2020) sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.

 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette même période est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

Ainsi qu’indiqué précédemment, un décret pourra préciser les catégories d’actes, de procédure et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.

 

  • Quelles conséquences sur les enquêtes publiques : uniquement celles en cours ou devant être organisées pendant la période d’urgence sanitaire

A compter du 12 mars 2020 et pour la durée de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, les procédures d’enquête publique relatives à des projets présentant tout à la fois un intérêt national et un caractère d’urgence peuvent être aménagées si le retard est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de ces projets:

  • L’autorité compétente pour organiser l’enquête peut, pour toute enquête publique déjà ouverte relative à un tel projet, décider qu’elle se poursuit uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
  • Toute nouvelle enquête publique relative à un tel projet sera ouverte et conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

Si la durée de l’enquête publique excède celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, l’autorité qui l’organise peut choisir de l’achever selon les mêmes modalités dématérialisées ou de l’achever selon les modalités de droit commun.

Les autres enquêtes publiques devraient donc être reportées après la fin de la période d’état d’urgence sanitaire.

***

Telles sont les dispositions des présentes ordonnances qui ne manqueront pas, dans la pratique, de soulever de nombreuses difficultés.

Céline CAMUS-

Avocate associée Cabinet d’avocats Maudet-Camus

 

URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance

COVID-19 : LES IMPACTS DE LA LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 SUR L’URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance (JORF n°0072 du 24 mars 2020)

La loi d’urgence publiée ce jour autorise, dans son article 11 du Titre II intitulé  « Mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 », le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois, à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle :

a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;

b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19 ;

Les procédures d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme ainsi que les procédures contentieuses en matière d’urbanisme sont bien concernées par de telles mesures ainsi que cela ressort des discussions sur le projet de loi relatives aux amendements (n°16 et 41) présentés respectivement par Mr SCHELLENBERGER et Mr FURST et visant notamment à s’assurer que l’adaptation des délais applicables en matière d’urbanisme et de construction relèvent bien de ces mesures.

Si l’amendement n°16 a été retiré, l’amendement 41 a été rejeté considérant que c’est l’ensemble des délais d’instruction et procédures qui feront l’objet d’une ordonnance globale, et non spécifiquement l’urbanisme, ordonnance qui devrait intervenir dans les tous prochains jours.

En tout état de cause, plusieurs recommandations du Ministère de la Cohésion des territoires figurent dans un document mis à jour le 21 mars 2020 et intitulé « Continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » nous confirment que :

1.       « Les services chargés de recueillir les demandes d’autorisation d’urbanisme, sont considérés comme « facultatifs » et « non essentiels », : ils peuvent en conséquence être fermés sur décision de l’autorité locale compétent (p.6)

2.       Les services d’urbanisme pourront voir leur activité réduite dès lors que le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité d’un service ne générera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune. (p.6)

Votre attention sera attirée sur le terme « suspension » utilisé et non « interruption » ce qui signifie qu’il conviendra de comptabiliser le délai qui a déjà commencé à courir ce qui n’est pas sans poser difficulté notamment lorsque la période de confinement sera terminée.

Une prolongation de ces délais d’instruction nous parait nécessaire tout comme la prorogation du délai de validité des autorisations d’urbanisme.

Il convient donc désormais d’attendre l’ordonnance à intervenir …

Céline CAMUS

Avocate associée

Formation droit pénal de l’urbanisme

Le 14 février 2020 le Cabinet d’avocats Maudet-Camus organisait un petit déjeuner studieux de formation sur le contentieux pénal de l’urbanisme.

Un seul objectif :

  • Déterminer les moyens dont disposent les collectivités pour faire respecter la règle d’urbanisme et réprimer les infractions sur leurs territoires.

Nous avons été contraints de nous serrer un peu mais les échanges étaient de qualité.

Merci à tous les participants !!!

Collectivités : les chambres d’hôtes ne sont plus des meublés de tourisme

Publics concernés : loueurs en meublés de tourisme, collectivités territoriales, agences locales de développement touristique

Un décret n°2019-1325 du 9 décembre 2019 est venu modifier les articles D. 324-1 et D. 324-1-1 du code du tourisme relatifs à la définition et aux modalités de déclaration des meublés de tourisme par téléservice

Ce décret désormais en vigueur met en conformité les dispositions réglementaires du code du tourisme relatives aux meublés de tourisme avec les dispositions législatives issues de la loi ELAN.

Les chambres d’hôtes échappent désormais aux obligations qui régissent la location sous forme de meublé de tourisme qui deviennent de plus en plus contraignantes notamment dans les villes de plus de 200.000 habitants.

A titre d’exemple par délibération n°2018-77 du conseil métropolitain de Nantes Métropole en date du 22 juin 2018, subordonne l’autorisation de changement d’usage d’un local d’habitation pour la création d’un meublé de tourisme à compensation si la demande émane :

  • d’une personne physique, à compter de la deuxième demande d’autorisation ;
  • d’une personne morale, dès la première demande d’autorisation.

A titre d’exemple à Nantes, comme le prévoit l’article 7 de la délibération précitée :

« La compensation consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un usage autre que l’habitation au 1er janvier 1970 ou ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme changeant leur destination postérieurement au 1er janvier 1970 et n’ayant pas déjà été utilisés à titre de compensation.

 Les locaux proposés en compensation doivent cumulativement :

  – correspondre à la typologie de logement et être de surface habitable au moins équivalente à celles faisant l’objet de la demande de changement d’usage ;

– se situer dans le même quartier que les locaux d’habitations faisant l’objet du changement d’usage. Les périmètres de quartiers applicables sont ceux des onze quartiers nantais…. »

Cette délibération prise en application de l’article L.631-7 du Code de la construction et l’habitation lequel dispose notamment que :

« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable »

Ce texte s’applique aux principales villes françaises de plus de 200.000 habitants.

L’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi ELAN, exclut la « chambre chez l’habitant » de la définition du meublé de tourisme.

Rappelons que cet article impose que les meublés de tourisme soient déclarés à la mairie du territoire sur lequel il se situe.

Le décret adapte en conséquence la définition réglementaire de cette catégorie d’hébergement touristique marchand, en en excluant « une partie d’un tel meublé », c’est-à-dire la « chambre chez l’habitant ».

Le décret met par ailleurs en cohérence l’article D. 324-1-1 avec la nouvelle rédaction de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

La location de chambres d’hôtes n’est toutefois pas exonérée de toute formalité administrative et fiscale…

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de la construction : en l’absence de réserve à la réception impossible de rechercher la responsabilité contractuelle du Maître d’Oeuvre

Par un arrêt du 2 décembre 2019 qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions d’engagement de la responsabilité contractuelle d’un maître d’oeuvre à la suite des opérations de réception.

Les juges du palais Royal ont d’abord rappelé que :

« la réception d’un ouvrage est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve et qu’elle vaut pour tous les participants à l’opération de travaux. »

Il en résulte, selon eux, que même si elle n’est prononcée qu’à l’égard de l’entrepreneur elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage.

Elle interdit, par conséquent, au maître de l’ouvrage sous réserve de la garantie de parfait achèvement d’invoquer :

  • des désordres apparents causés à l’ouvrage
  • des désordres causés aux tiers pour lesquels il est réputé avoir renoncé à demander réparation .

Le Conseil d’Etat poursuit en indiquant que :

« 7. Si, aux termes des stipulations de l’article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, applicable au marché de maîtrise d’oeuvre en cause :  » Les prestations faisant l’objet du marché sont soumises à des vérifications destinées à constater qu’elles répondent aux stipulations prévues dans le marché (…) « , et aux termes des stipulations de l’article 33.2 du même cahier :  » La personne responsable du marché prononce la réception des prestations si elles répondent aux stipulations du marché. La date de prise d’effet de la réception est précisée dans la décision de réception ; à défaut, c’est la date de notification de cette décision (…) « , il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’indépendamment de la décision du maître d’ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d’oeuvre prévue par les stipulations précitées de l’article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, la réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage.

8. Il suit de là qu’en justifiant par le fait que la réception de l’ouvrage n’a pas pour objet de constater les éventuelles fautes de conception imputables au maître d’oeuvre de l’opération, lesquelles ont vocation à être constatées et réservées, le cas échéant, à l’occasion de la réception des prestations du marché de maîtrise d’oeuvre, le constat que cette réception ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d’oeuvre soit recherchée à raison des fautes de conception qu’ils ont éventuellement commises, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit. » (CE 2 décembre 2019, n°423544)

 

En revanche, la réception demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif.

Seule l’intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d’interdire au maître de l’ouvrage toute réclamation à cet égard.

Dans le cas d’espèce, la responsabilité solidaire des maîtres d’oeuvre demeure donc engagée dès lors que nonobstant la réception, le maître d’ouvrage est fondé à rechercher et appeler en garantie le maître d’oeuvre sur le fondement de la faute à la double condition cumulative :

  • que la nécessité de procéder à des travaux complémentaires ne soit apparue que postérieurement à la passation du marché en raison d’une mauvaise évaluation initiale
  • que le maître d’ouvrage établisse qu’il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s’il en avait été avisé en temps utile

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : abattage d’arbres sur une parcelle privée et voie de fait

Par un arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de cassation a considéré que l’abattage d’arbres par une collectivité pourtant dépourvu de titre, n’était pas constitutif d’une voie de fait.

La Cour considère en effet qu’un tel acte, n’est pas insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration.

Dès lors, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître d’une demande indemnitaire dirigée contre la collectivité.

« Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble l’article 76, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que l’abattage, même sans titre, d’une haie implantée sur le terrain d’une personne privée qui en demande la remise en état ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration et n’a pas pour effet l’extinction d’un droit de propriété, de sorte que la demande de remise en état des lieux relève de la seule compétence de la juridiction administrative ; qu’il y a donc lieu de relever d’office l’incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative ; » (Cass. 24 octobre 2019, n°17-13550).

Jérôme MAUDET

Avocat

Vie du cabinet : Cabinet d’avocats Maudet-Camus rejoint l’association française des avocats-conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC)

Par l’intermédiaire de Jérôme MAUDET, le Cabinet d’avocats Maudet-Camus a choisi de rejoindre et d’adhérer à l’Association Française des Avocats-Conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC).

 

 

 

 

Depuis 1991, l’AFAC fédère des avocats tous attachés à une même exigence : l’excellence du conseil et de l’assistance juridiques aux collectivités territoriales.

Réunissant des confrères dont l’activité dominante est tournée vers les collectivités, le réseau AFAC, par la mutualisation des compétences qu’il regroupe et par l’échange d’expériences, œuvre pour une spécialisation toujours plus pointue permettant à ses membres d’apporter à leurs clients les réponses qu’ils attendent.

Collectivités : occupation irrégulière du domaine public et modalités de calcul de l’indemnité

L’occupation du domaine public d’une collectivité implique le versement d’une redevance conformément à l’article L.2125-1 du CG3P.

L’occupation irrégulière du domaine public doit également donner lieu au versement d’une indemnité de la part de l’occupant fut-il sans droit ni titre.

Par un arrêt du 1er juillet 2019, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions quant au calcul du montant de l’indemnité qui peut être fixée par la collectivité propriétaire notamment en cas d’occupation irrégulière du domaine public.

En substance, le Conseil d’Etat considère que le bénéficiaire doit verser une somme destinée à compenser les revenus auxquels aurait pu prétendre la personne publique de la part d’un occupant régulier.

A défaut de pouvoir obtenir un élément de comparaison, la collectivité peut fixer unilatéralement un montant et c’est au juge administratif qu’il reviendra en dernier ressort de faire usage de ses pouvoirs d’instruction pour fixer le montant dû par l’occupant irrégulier.

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Café George V, qui exploite un établissement situé 120 avenue des Champs-Élysées à Paris, a été rendue destinataire d’un titre exécutoire en date du 20 mars 2015, d’un montant de 78 104,91 euros, pour le paiement de droits de voirie additionnels au titre de l’année 2014 afférents aux dispositifs de chauffage et d’écrans parallèles installés sur la contre-terrasse qu’elle a installée à hauteur de son établissement. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Paris, saisi par la société requérante, a annulé ce titre exécutoire et l’a déchargée de l’obligation de payer ces droits. La ville de Paris se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 avril 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une redevance (…) « . Aux termes de l’article L. 2125-3 du même code :  » La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation « .

3. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l’occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu’il aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l’occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu’elle serait interdite, soit du fait que l’utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l’autorisation délivrée, n’empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l’indemnité due par l’occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ville de Paris s’est référée, pour calculer le montant de l’indemnité due pour l’année 2014 au titre des droits de voirie additionnels relatifs à l’utilisation irrégulière de dispositifs de chauffage et d’écrans parallèles sur la contre-terrasse installée par la société Café George V, aux tarifs applicables, en la matière, aux terrasses ouvertes. La cour administrative d’appel, après avoir retenu qu’il n’existait pas, dans la règlementation de la ville de Paris, de tarif applicable aux contre-terrasses, a estimé que la ville n’avait pas pu légalement fixer le montant des droits de voirie additionnels en se référant aux tarifs applicables aux terrasses ouvertes, parce que les contre-terrasses n’auraient été autorisées, contrairement aux terrasses, que pour une période limitée au cours de l’année civile.

5. Toutefois, d’une part, il ne ressort pas des dispositions de l’arrêté du 6 mai 2011 du maire de Paris portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique que cet arrêté prévoirait que les contre-terrasses ne pourraient être autorisées que pendant une partie seulement de l’année. Par suite, en interprétant cet arrêté comme il a été dit au point 4, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

6. D’autre part, en déchargeant la société de l’obligation de payer l’intégralité de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 20 mars 2015, sans chercher à déterminer par référence à une utilisation du domaine procurant des avantages similaires, le cas échéant en faisant usage de ses pouvoirs d’instruction, le montant de droits additionnels permettant de tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’utilisation irrégulière du domaine public par la société Café George V, la cour a commis une erreur de droit. » (CE 1er juillet 2019, n°421403).

Jérôme MAUDET

Avocat

Vie du cabinet : Céline CAMUS rejoint la liste des associés du cabinet Maudet-Camus

Un peu plus d’un an après sa création, le Cabinet d’avocats Maudet-Camus est fier de vous annoncer que Maître Céline CAMUS avocate Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme va rejoindre la liste des associés du cabinet qu’elle avait rejoint le 29 juin 2018.

Le cabinet Maudet-Camus, premier cabinet d’avocats dédié aux acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire et Jérôme MAUDET avocat spécialiste en droit public se sont associés au mois de mai 2018 pour créer le Cabinet d’avocats Maudet-Camus.

L’objectif de la création de cette structure est d’offrir aux acteurs publics et à leurs partenaires dans l’Ouest une assistance de proximité et de haute technicité pour tous leurs besoins juridiques.

Cabinet d’avocats Maudet-Camus est un cabinet à vocation régionale tourné vers le secteur public qui combine à la fois le savoir-faire reconnu d’une structure nationale spécialisée et les atouts d’un ancrage territorial fort, propice à la réactivité.

Particulièrement actif en droit public, droit des collectivités, droit de la construction et de l’immobilier, droit de l’environnement, droit pénal de l’urbanisme, droit de l’urbanisme et de l’urbanisme commercial et droit routier, Cabinet d’avocats Maudet-Camus peut s’appuyer sur l’expertise des équipes Seban & Associés dans tous les autres domaines du droit.

Le cabinet implanté à Nantes dispose également d’un bureau secondaire en Vendée à la Roche-sur-Yon.

 


Céline CAMUS, avocate au Barreau de Nantes

Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme

Membre du Conseil Régional de discipline

Membre de la Commission Administrative du Barreau de NANTES

Ancien Membre du conseil de l’ordre (2016-2018)


Formation :

(2014) Certificat de spécialisation en Droit Immobilier qualification « Urbanisme », Conseil National des Barreaux

(2002) Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), CRFPA de POITIERS

(2001) D.E.S.S. Droit de la Construction– Université de POITIERS, sous la direction de Messieurs Christian DEBOUY et Hugues PERINET-MARQUET


Expériences professionnelles :

2003-2016 : collaboratrice libérale puis avocate associée de la SCP LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS-ALEO (Nantes)

Novembre 2016-juin 2018 : Collaboratrice libérale du Cabinet Publi-Juris


Enseignements et formations : 

Formations auprès de l’Association des Maires de France (AMF) (Contentieux de l’urbanisme- urbanisme commercial),

Vacataire à la Faculté de Nantes (Droit de l’urbanisme- Master 2 Droit des Opérations Immobilières)

Professeur à l’Institut de la Construction et de l’Habitation (ICH)  (urbanisme/ Urbanisme Commercial)

Vacataire à la Faculté de POITIERS (Droit de l’Urbanisme Commercial – Master II Droit de la construction et de l’Urbanisme)


Domaines de compétences : 

Assiste et conseille au quotidien des collectivités de toutes tailles, des entreprises chargées d’une mission de service public, des promoteurs et des enseignes dans les domaines suivants :

  • Urbanisme
  • Urbanisme commercial
  • Aménagement
  • Expropriation/ préemption
  • Droit pénal de l’urbanisme

Dommages de travaux publics : à quelle condition l’ouvrage public doit-il être déplacé ?  

Canalisations, arbres, plantations, aires de jeux, bacs de traitement des déchets… les ouvrages publics peuvent être à l’origine de nombreuses nuisances.

Les tiers à l’ouvrage public, peuvent rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage public s’ils démontrent l’existence d’un trouble excédant les sujétions susceptibles d’être normalement imposées dans l’intérêt général aux riverains d’un tel équipement.

En ce sens, le Conseil d’Etat juge que :

« Considérant que pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d’un ouvrage public à l’égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal ; qu’il lui revient d’apprécier si les troubles permanents qu’entraîne la présence de l’ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d’une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines ; que l’illégalité affectant une autorisation d’urbanisme ne saurait par elle-même suffire à caractériser l’anormalité du préjudice » (C.E., 28 septembre 2016, n°389581).

La Cour administrative d’appel de Lyon avait ainsi considéré à propos d’un centre de traitement de déchets ménagers que :

« si les époux B…se plaignent de nuisances, ils ne démontrent pas qu’elles excèdent par leur fréquence, leur durée ou leur intensité les sujétions normales de voisinage d’un tel ouvrage et que le préjudice de perte de valeur vénale de leur résidence n’est pas établi ; que les premiers juges en ont conclu que dans ces conditions leur préjudice ne pouvait être regardé comme anormal, c’est à dire grave et spécial ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d’un défaut de motivation, en ce que les premiers juges n’auraient pas précisé les éléments les ayant conduit à considérer que n’était pas établi le caractère anormal et spécial de leur préjudice, doit être écarté ; (…)

  1. Considérant qu’un dépôt aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ménagères constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d’engager envers les tiers la responsabilité du maître de l’ouvrage, même en l’absence de faute ; qu’il appartient toutefois aux tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l’ouvrage et lesdits préjudices ; que ne sont pas susceptibles d’ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n’excèdent pas les sujétions susceptibles d’être normalement imposées, dans l’intérêt général, aux riverains des ouvrages publics;
  2. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le site de tri en cause, lequel comporte trois conteneurs destinés à la collecte du verre, du papier et des déchets ordinaires, est implanté, ainsi qu’il a été dit au point 1. , à proximité de la propriété de M. et Mme B…; que l’impact visuel et esthétique de cet ouvrage demeure toutefois limité depuis la résidence de ces derniers ; que si M. et Mme B…font état de manière générale d’un volume sonore important résultant de l’utilisation de la benne destinée au tri du verre par les usagers, lesquels se déplacent en véhicules à moteur, il ne résulte pas de l’instruction, à défaut en particulier d’indications plus précises quant à l’importance de ces nuisances intermittentes et à leur fréquence, qu’elles atteindraient un niveau anormalement élevé ; qu’il n’est pas plus établi que M. et Mme B…subiraient une atteinte significative lors du chargement et du déchargement des conteneurs, qui sont à distance de plusieurs mètres de leur habitation, situés sur le bord opposé de la chaussée ; que les nuisances olfactives liées à la présence des conteneurs, lesquels sont clos par des couvercles, vidés chaque quinzaine et désinfectés deux fois par an n’apparaissent pas comme excédant les désagréments résultant, de manière générale, de ce type d’ouvrage ; qu’il n’est pas non plus établi que ces conteneurs, semi-enterrés, masquent la visibilité des conducteurs des véhicules de passage, ou que l’emplacement choisi est à l’origine de difficultés de circulation en cas de croisement de deux véhicules (…)
  3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes» (C.A.A. Lyon, 10 décembre 2015, n°15LY00845).

Outre la réparation pécuniaire du préjudice, les tiers peuvent demander au juge d’enjoindre à la personne publique ou à son concessionnaire de déplacer l’ouvrage ou de procéder aux mesures qui s’imposent pour mettre un terme aux nuisances.

L’article L.911-1 du Code de justice administrative dispose en effet que :

« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution.

La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. »

Par un arrêt du 18 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions dans lesquelles le juge administratif peut faire usage de son pouvoir d’injonction pour ordonner le déplacement d’un ouvrage ou la mise en œuvre de mesures destinées à mettre fin au préjudice subi par les tiers.

« Sur le bien fondé de l’arrêt en tant qu’il est relatif aux conclusions aux fins d’injonction présentées par la société des Cèdres :

  1. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d’un préjudice imputable à un comportement fautif d’une personne publique et qu’il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets. Lorsqu’il met à la charge de la personne publique la réparation d’un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il ne peut user d’un tel pouvoir d’injonction que si le requérant fait également état, à l’appui de ses conclusions à fin d’injonction, de ce que la poursuite de ce préjudice, ainsi réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l’ouvrage. Il peut alors enjoindre à la personne publique, dans cette seule mesure, de mettre fin à ce comportement fautif ou d’en pallier les effets.
  2. Il résulte de ce qui vient d’être dit au point 7, qu’en ordonnant à la commune de Chambéry de dévitaliser le système racinaire contribuant à la présence de drageons et de rejets de faux-acacias sur le terrain de la société des Cèdres, jusqu’à cessation de tels rejets, et d’abattre le frêne implanté sur le domaine public au voisinage de la propriété de cette société, alors qu’elle avait engagé la responsabilité de la commune sur le terrain de la responsabilité sans faute du propriétaire de l’ouvrage publique à l’égard d’un tiers sans rechercher, d’une part, si la société requérante avait fondé ses conclusions à fin d’injonction sur une faute de la commune en cette qualité de propriétaire de l’ouvrage à l’origine d’une partie au moins des dommages et, d’autre part, si les mesures demandées tendaient uniquement à mettre fin à ce comportement fautif ou à en pallier les effets, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.» (Conseil d’État, 18/03/2019, 411462, Mentionné dans les tables du recueil Lebon)

En résumé, le juge administratif saisi d’une demande d’injonction tendant à la réparation d’un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage ne peut ordonner une telle mesure qu’à la condition que le préjudice soit toujours actuel au jour où il statue et qu’il trouve sa cause dans un comportement fautif du maître d’ouvrage.

 

Jérôme MAUDET

Avocat