Droit des collectivités : l’abandon manifeste un outil efficace contre l’insalubrité des immeubles inoccupés

 

Aux termes de l’articles L.2243-1 du Code Général des Collectivités Territoriales :

« Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d’immeubles, voies privées assorties d’une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d’abandon manifeste. 

La procédure de déclaration en état d’abandon manifeste ne peut être mise en œuvre qu’à l’intérieur du périmètre d’agglomération de la commune. »

Cette procédure s’applique aux immeubles qui ne sont effectivement pas occupés de manière habituelle et qui ne sont manifestement pas entretenus.

Schématiquement la procédure comporte deux temps.

  • Une phase administrative
  • Une phase judiciaire
  1. La phase administrative

Le Maire a la possibilité de constater, par procès-verbal provisoire, l’abandon manifeste du bien, après qu’il a été procédé à la détermination de celui-ci et à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés : ce procès-verbal devra déterminer la nature des travaux nécessaires pour faire cesser l’état d’abandon.

Le procès-verbal provisoire devra être notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés.

Le procès-verbal devra également faire l’objet d’un affichage et d’une publication dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département.

L’article L.2243-2 du Code Général des Collectivités Territoriales dispose en effet que :

« Le procès-verbal provisoire d’abandon manifeste est affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés ; il fait l’objet d’une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire d’abandon manifeste est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés ; à peine de nullité, cette notification reproduit intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4. Si l’un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés n’a pu être identifié ou si son domicile n’est pas connu, la notification le concernant est valablement faite à la mairie. »

L’état d’abandon définitif de la parcelle pourra ensuite être constaté par procès-verbal définitif à l’issue d’un délai de trois mois à compter de l’exécution des mesures de publicité et des notifications.

L’article L.2243-3 du Code Général des Collectivités Territoriales précise en effet que :

« A l’issue d’un délai de trois mois à compter de l’exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l’article L. 2243-2, le maire constate par un procès-verbal définitif l’état d’abandon manifeste de la parcelle ; ce procès-verbal est tenu à la disposition du public. (…). »

Le Conseil Municipal, à la demande du Maire, se prononce sur la déclaration d’abandon manifeste et décide de poursuivre l’expropriation au profit de la Commune pour une destination qu’il détermine :

 – La délibération doit être précise quant à la destination de l’opération, étant rappelé qu’elle peut viser la réhabilitation des logements, la réalisation d’une opération d’intérêt collectif liée à la restauration, la rénovation ou l’aménagement.

 – Cette délibération doit mentionner les modalités de la mise à disposition au public du dossier de DUP simplifiée.

– Cette délibération doit être notifiée à chacun des propriétaires par courrier recommandé avec accusé de réception.

L’état d’abandon doit être effectif.

Il a ainsi été jugé que l’entretien du seul jardin attenant à l’immeuble abandonné suffisait à rendre la procédure irrégulière :

« 9. Il est constant que la maison d’habitation située au 3 rue du Calvaire, implantée sur la parcelle cadastrée à la section A sous le n°1202, n’est pas entretenue depuis plusieurs années et présente un état de dégradation avancée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment abandonné formerait un ensemble immobilier indivisible des parcelles non bâties cadastrée à la section A sous les n° 1453 et 1454, dont la parcelle A n°1202 n’est pas limitrophe, en dépit de ce que les trois parcelles appartiendraient aux mêmes propriétaires. Ainsi qu’il a été dit au point 7, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme I… entretenaient et cultivaient ces parcelles, à la date de la décision contestée, pour y cultiver des fruits et des légumes. Dans ces conditions, les terrains ne pouvant être regardés comme inoccupés à titre habituel et « manifestement plus entretenus » au sens des dispositions précitées, le conseil municipal ne pouvait régulièrement déclarer ces parcelles en état d’abandon manifeste au sens des dispositions précitées de l’article L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales. » (CAA Nantes, 5e ch., 28 sept. 2021, n° 20NT01084.)

La procédure ne peut par ailleurs pas être poursuivie si, pendant ce délai de 3 mois, les propriétaires ont mis fin à l’état d’abandon manifeste soit en commençant des travaux, soit en s’engageant à les réaliser dans un délai fixé en accord avec le maire.

C’est ce que prévoit l’article L.2243-3 du Code Général des Collectivités Territoriales qui dispose que :

« La procédure tendant à la déclaration d’état d’abandon manifeste ne peut être poursuivie si, pendant le délai mentionné à l’alinéa précédent, les propriétaires ont mis fin à l’état d’abandon ou se sont engagés à effectuer les travaux propres à y mettre fin définis par convention avec le maire, dans un délai fixé par cette dernière. »

La procédure pourra en revanche être reprise si les travaux n’ont pas été réalisés dans le délai prévu.

Dans ce cas, et en application de l’article L.2243-3 alinéa 3, le procès-verbal définitif intervient soit à l’expiration de ce délai de 3 mois, soit, si elle est postérieure, dès la date à laquelle les travaux auraient dû être réalisés.

  1. La procédure d’expropriation simplifiée

Une fois l’état d’abandon définitif constaté la commune peut engager une phase d’expropriation simplifiée sans enquête publique.

Selon l’article L.2243-4 du Code Général des Collectivités Territoriales, cette procédure doit avoir pour but soit la construction ou la réhabilitation aux fins d’habitat, soit tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement.

Cette phase procédurale se décline de la façon suivante :

  • Mise à disposition du public d’un dossier simplifié pendant une durée minimale d’un mois comprenant :

– Une évaluation sommaire de son coût avec évaluation par France Domaine de moins d’un an pour la valeur des acquisitions immobilières ainsi qu’un estimatif du coût des travaux ;

– L’identification précise du bien à exproprier comprenant le plan parcellaire des terrains et des bâtiments ;

– L’identité complète des propriétaires ou titulaires de droits réels.

A l’expiration de ce délai et après transmission des éléments de la procédure le Préfet pourra prendre un arrêté déclarant le projet d’utilité publique et de cessibilité.

L’arrêté fixera également le montant de l’indemnité provisionnelle qui sera allouée au propriétaire et fixera la date de prise de possession.

Ces éléments seront ensuite transmis au juge de l’expropriation qui prendra une ordonnance d’expropriation.

Jérôme MAUDET

Vie du cabinet : Cycle de formations gratuites en droit de la fonction publique

📅📅A vos agendas : le cabinet Maudet-Camus Avocats vous propose pour cette année 2024 un cycle de formations gratuites en fonction publique.

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Environnement : incompétence du juge civil des référés pour substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative

 

Aux termes d’un arrêt du 21 décembre 2023, la Cour de cassation a estimé que les autorisations environnementales constituent des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée, prévue par l ‘article L. 411-2 du code de l’environnement.

Rappelons qu’aux termes de l’article 834 du Code de procédure civile :

« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’article 835 du même Code précise que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Il résulte de ces dispositions que le juge des référés civils est le juge de droit commun compétent pour mettre un terme à un trouble manifestement illicite.

Toutefois, pour la Cour de cassation, il n’appartient pas au juge civil des référés de substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative qui a délivré l’autorisation :

« 17. (…) les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des ICPE constituent, quelle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction de l’une de ces espèces protégées.

18. Pour ordonner la suspension provisoire de tous travaux sur le site de la carrière jusqu’à l’obtention par la société d’une dérogation à l’interdiction de la destruction d’espèces protégées prévue par l’article L.411-2 du code de l’environnement, l’arrêt retient que l’action engagée par les associations ne vise ni à contester la légalité des arrêtés préfectoraux des 15 décembre 2010 et 29 juin 2012, ni à solliciter l’interdiction définitive de l’exploitation de la carrière, ce qui contrarierait ces arrêtés, mais à faire cesser des infractions aux dispositions de l’article L.411-1 du code de l’environnement, de sorte que, le préfet du Var ayant fondé ces arrêtés sur les seules dispositions du code forestier et celles du titre I du livre V du code de l’environnement relatif aux ICPE, le juge judiciaire, en se déclarant compétent pour connaître du débat engagé sur le fondement des articles L.411-1 et L.411-2 du code de l’environnement, relatifs à la protection du patrimoine naturel, ne contrarie aucune décision de l’administration et ne substitue en rien sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative laquelle n’a pris aucune position sur ce sujet.

19. Il ajoute que la demande des associations ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 13 octobre 2017 puisque le moyen d’illégalité qu’elle a écarté était inopérant dans le cadre du recours en légalité porté devant elle, l’absence de dérogation ne pouvant entacher d’illégalité l’arrêté mais seulement conduire au constat d’une infraction pour en tirer les conséquences en termes de poursuites et /ou mesures palliatives.

20. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a substitué son appréciation à celle de l’autorité administrative, a violé les textes susvisés. » (Cass, 21 décembre 2023, n°23-14.343).

Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée en application de ses pouvoirs de police spéciale.

Le juge judiciaire n’est donc compétent que pour indemniser les tiers des préjudices qu’ils subissent ou pour faire cesser un trouble à venir sans pour autant pouvoir aller à l’encontre des mesures édictées par l’administration au titre de ses pouvoirs de police spéciale.

Jérôme MAUDET

Domaine public : qui du maire ou du conseil municipal est compétent pour autoriser l’occupation ?

Par un arrêt du 21 décembre 2023, le Conseil d’Etat est venu rappeler les règles relatives à l’occupation du domaine public.

Schématiquement le Conseil d’Etat rappelle que le maire n’est compétent pour décider de la conclusion d’une convention d’occupation du domaine qu’à la condition qu’il ait reçu délégation de son conseil municipal.

Il est en revanche seul compétent pour retirer ou délivrer les autorisations unilatérales portant occupation du domaine public.

« 2. D’une part, aux termes de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales  » Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (…) « . Aux termes de l’article L. 2122-21 du même code :  » Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d’administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (…) « . Aux termes de l’article L. 2122-22 du même code :  » Le maire peut (…), par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (…) 5° de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n’excédant pas douze ans ; / (…) « . Enfin, selon l’article R. 2241-1 du même code :  » Les autorisations d’occupation ou d’utilisation du domaine public communal sont délivrées par le maire « .

3. D’autre part, l’article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que  » l’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d’une décision unilatérale ou d’une convention « .

4. Il résulte de ces dispositions, d’une part, que le maire n’est compétent pour décider la conclusion de conventions d’occupation du domaine public que sur délégation du conseil municipal prise en application des dispositions précitées du 5° de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et pour les conventions dont la durée n’excède pas douze ans et, d’autre part, que s’il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d’administration du domaine communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations unilatérales d’occuper temporairement ce domaine. » Conseil d’État, 21 décembre 2023, n°471189.

 

Jérôme MAUDET

Avocat associé

Voeux 2024

Toute l’équipe du Cabinet Maudet-Camus vous souhaite une excellente année 2024.

Droit des collectivités : Les procès-verbaux d’infraction ne sont pas des actes administratifs

 

Par un arrêt du 6 décembre 2023, le Conseil d’Etat a considéré que les documents produits par les agents de police municipale sont des documents administratifs communicables à l’exception des procès-verbaux de constat d’infraction :

 » Les documents produits par les agents de police municipale dans l’exercice de leur mission de service public, notamment ceux par lesquels ils rendent compte des opérations de police administrative qu’ils effectuent, de leur propre initiative ou à la suite d’un signalement, à des fins de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques, sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, ont en principe le caractère de documents administratifs, quand bien même ils seraient par la suite transmis à une juridiction. Toutefois, les rapports et procès-verbaux mentionnés à l’article 21-2 du code de procédure pénale, par lesquels les agents de police municipale constatent ou rendent compte d’une infraction pénale, qu’ils transmettent au procureur de la République, le cas échéant par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ne sont pas détachables de la procédure juridictionnelle à laquelle ils participent et ne constituent donc pas des documents administratifs. » (CE, 6 décembre 2023, n°468626)

 

Jérôme MAUDET

Avocat 

Fonction publique : ⚖️⚠️ Sanction disciplinaire d’un agent pour comportement violent et indigne

 

🏛️🏛️ Aux termes d’un arrêt en date du 23 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de LYON annule le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE lequel avait annulé une sanction portant exclusion temporaire des fonctions d’un aide-soignant à l’égard duquel plusieurs comportements violents et indignes sur les patients étaient reprochés.

 

👩‍⚕️👨‍⚕️Recherchant de manière classique « si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction », la Cour administrative de LYON a considéré que l’aide-soignant « usait régulièrement de termes dégradants pour désigner ou s’adresser à des résidents ou à des collègues et a par ailleurs adopté, à plusieurs reprises, un comportement inapproprié pour la réalisation de certaines tâches, notamment en bloquant la respiration d’un résident pour lui mettre son appareil dentaire, en s’abstenant de soigner les saignements causés par la coupe des ongles de l’un d’eux ou encore en neutralisant brutalement un résident agressif en lui tordant le bras et en lui pinçant la joue, tout en le menaçant verbalement ».

 

🏛️ 🏛️Elle a alors considéré que son comportement était « attentatoire à la dignité des patients, ne saurait être justifié par son humour personnel, ni par une éventuelle insuffisance d’effectifs, et méconnaît l’obligation statutaire de soin lui incombant en vertu des dispositions » de l’article R. 4311-2 du code de la santé publique aux termes notamment desquelles les soins infirmiers « ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, (…) de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ».

 

👨‍⚖️👨‍⚖️Le comportement de l’agent revêtait dès lors un caractère fautif, justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire (CAA de LYON, 4ème chambre, 23/11/2023, 22LY00295)

 

Louis-Marie Le Rouzic

Avocat 

Médiation : le Conseil d’Etat précise les règles de confidentialité à respecter

 

Aux termes de l’article L. 213-1 du code de justice administrative :

 » La médiation régie par le présent chapitre s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction « .

L’article L. 213-2 du même code prévoit que :

 » (…) Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties.

Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants : 

1° En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne ;

2° Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en oeuvre « .

Par un avis du 14 novembre 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser dans quelle mesure les constatations et déclarations recueillies par un expert dans le cadre d’une médiation doivent rester confidentielles et ne pas fonder la décision de la juridiction saisie :

« 2. En vertu des dispositions de l’article L. 213-2 du code de justice administrative, ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties et sous réserve des exceptions prévues par cet article, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle, que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c’est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation.

3. En revanche, les dispositions de l’article L. 213-2 ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d’autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu’ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation.

4. Les pièces devant demeurer confidentielles en vertu de l’article L. 213-2 du code de justice administrative ne peuvent être invoquées ou produites dans le cadre d’une instance devant le juge administratif qu’à la condition que les parties aient donné leur accord ou que leur utilisation relève d’une des exceptions prévues à cet article. A défaut, le juge ne saurait fonder son appréciation sur de telles pièces. En revanche, les autres pièces peuvent être invoquées ou produites devant le juge administratif et ce dernier peut les prendre en compte pour statuer sur le litige porté devant lui, dans le respect du caractère contradictoire de l’instruction.

5. Dans le cas particulier où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l’expert, conformément à ce que prévoient les dispositions de l’article R. 621-1 du code de justice administrative, se voit confier une mission de médiation, doivent, de même, demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l’expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige. Il appartient alors à l’expert, ainsi que le prévoit l’article R. 621-1, de remettre à la juridiction un rapport d’expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation. » (CE Avis, 14 novembre 2023, N° 475648)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : pas de prescription trentenaire pour les ouvrages publics mal implantés

Depuis le 29 janvier 2003 le Conseil d’Etat considère qu’il appartient au juge administratif de se prononcer sur la démolition d’un ouvrage public mal implanté en procédant à un bilan coûts-avantages :

 » Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ; » (CE, 29 janvier 2003, n°245239)

Schématiquement le juge que ce soit pour ordonner la démolition ou indemniser le requérant :

  • vérifie si l’ouvrage est effectivement mal implanté
  • vérifie si une régularisation est possible
  • dans la négative prend en considération:
    • d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage,
    • d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général.

Par un arrêt du 27 septembre 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de prescription d’une action en démolition.

Selon les juges du Palais Royal au regard des spécificités de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni l’article 2227 du code civil, ni aucune autre disposition, ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action :

« 3. Lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l’implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l’administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d’abord, si eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l’écoulement du temps, de prendre en considération, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

4. Aux termes de l’article 2227 du code civil : « () les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. L’invocation de ces dispositions du code civil au soutien de l’exception de prescription trentenaire opposée par la société Enedis était donc inopérante. Ce motif devant être substitué au motif par lequel l’arrêt attaqué juge non fondée cette exception, il y a lieu, par suite, d’écarter les moyens de cassation dirigés contre le motif retenu par la cour administrative d’appel de Versailles. » (CE, 27 septembre 2023, n°466321)

En dépit de cette évolution, le juge doit tenir compte du temps écoulé pour apprécier l’opportunité d’ordonner le déplacement de l’ouvrage et le quantum de l’indemnisation :

« 5. Si, ainsi que l’a relevé la cour pour caractériser un trouble de jouissance résultant notamment de l’inconvénient visuel lié à la présence des ouvrages électriques en cause, la ligne électrique surplombe la voie d’accès à la maison d’habitation de Mmes D et B et longe sa façade et son entrée à une distance inférieure à quatre mètres et si l’un des pylônes soutenant cette ligne est implanté sur leur propriété, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en dépit de l’ancienneté de la présence de ces ouvrages, les intéressées n’ont pas sollicité de mesures tendant à leur déplacement avant que la commune de Villers-en-Arthies ne décide de procéder à l’enfouissement de certaines lignes électriques par délibération du 7 mars 2014 de son conseil municipal sans intégrer la ligne litigieuse dans ce projet. Par ailleurs, si la cour s’est également fondée sur le refus opposé par le maire de Villers-en-Arthies au projet de construction d’une piscine sur leur propriété au motif des risques liés au surplomb par la ligne électrique, il ressort de ses constations que la demande de déclaration préalable de travaux n’a été présentée que postérieurement aux premières démarches entreprises afin d’obtenir le déplacement de la ligne électrique. En outre, si la cour a retenu l’existence d’un inconvénient pour l’intérêt public qui s’attache à la protection de l’église Saint-Martin, bâtiment inscrit au titre de la législation sur les monuments historiques, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la commune n’a pas inclus les ouvrages litigieux dans son programme d’enfouissement des lignes électriques et que ceux-ci ne sont pas situés à proximité immédiate de l’édifice en cause. Dans ces conditions, en estimant qu’eu égard aux inconvénients causés à Mmes D et B par la présence des ouvrages sur leur propriété, leur démolition ne portait pas une atteinte excessive à l’intérêt général, malgré les coûts liés à l’enfouissement de la ligne et à la dépose du pylône et malgré les risques d’interruption du service de distribution d’électricité durant les travaux et alors que le temps écoulé depuis l’acquisition de la propriété supportant les ouvrages en cause était de nature à limiter l’importance des inconvénients allégués, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce. » (CE, 27 septembre 2023, n°466321, précité)

Jérôme Maudet

Avocat associé

 

Responsabilité administrative : Reconnaissance de la carence fautive de l’Etat dans la gestion de la pandémie du Covid 19

Par trois arrêts du 6 octobre 2023 (n°22PA03879, n° 22PA03991 et n°22PA03993), la Cour Administrative d’appel de Paris a considéré que l’absence de stock de masques et la communication subséquente qui a suivi constituent une carence fautive de l’Etat entraînant une perte de chance d’éviter une contamination des personnes les plus exposées.

La Cour considère en effet que :

« En ce qui concerne la constitution d’un stock de masques : (…)

« en s’abstenant de maintenir à un niveau suffisant un stock de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la communication du gouvernement relative aux masques : (…)

alors même que les lignes directrices provisoires de l’OMS ne préconisaient pas le port du masque par l’ensemble de la population et que la situation de pénurie des équipements de protection individuelle, et en particulier des masques, devait conduire à prioriser le port du masque en fonction des personnes et des activités, la requérante est fondée à soutenir que l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans sa communication au début de l’épidémie sur l’utilité du port du masque. (…)

En ce qui concerne la gestion de la pénurie de masques : (…)

compte tenu du contexte de pénurie préexistante de masques, de la forte demande en approvisionnement qui s’est exprimée à cette époque au niveau mondial et de la date du 30 janvier 2020 à laquelle l’urgence de santé publique de portée internationale a été déclarée par l’OMS, ni les mesures prises au début de l’épidémie pour disposer d’un stock de masques pour lutter contre la propagation du virus ni la décision d’assurer en priorité, dans un contexte de forte tension, la fourniture des masques disponibles aux personnels soignants et aux patients, décision au demeurant conforme aux recommandations formulées par le Haut Conseil de la santé publique dans son avis provisoire du 10 mars 2020, ne sont de nature à révéler une carence fautive de l’Etat.

En ce qui concerne le dépistage : (…)

eu égard à l’ampleur de la crise sanitaire, aux tensions existant au niveau international et aux difficultés de l’action gouvernementale dans ce contexte, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’Etat aurait commis une faute dans l’anticipation de la capacité de production de tests et dans le choix de ne pas procéder, dès mars 2020, au dépistage de toutes les personnes présentant des symptômes de la covid-19.

En ce qui concerne la décision de confiner la population à compter du 16 mars 2020 : (…)

il ne résulte pas de l’instruction que l’absence de mise en œuvre d’une mesure de confinement avant le 16 mars 2020 soit constitutive d’une faute (…)

En ce qui concerne le moyen tiré d’une atteinte au principe de précaution : (…)

en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène, ce qui l’a conduit à adopter une communication tendant à déconseiller le port des masques pour les personnes asymptomatiques, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité » (CAA Paris, 6 octobre 2023, n°22PA03879).

Jérôme MAUDET

Avocat