Collectivités : Le maire peut s’opposer au raccordement d’une construction irrégulièrement édifiée
Par un arrêt du 6 avril 2023, la cour administrative d’appel de Marseille est venue rappeler les conditions dans lesquelles un Maire peut refuser le raccordement définitif au réseau d’eaux usées d’un bâtiment édifié irrégulièrement sur le fondement de l’article L.111-2 du Code de l’urbanisme.
« 5. D’une part, aux termes de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme : » Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions « .
6. Ces dispositions, qui présentent le caractère de mesures de police de l’urbanisme, destinées à assurer le respect des règles d’utilisation du sol, permettent à l’autorité administrative chargée de la délivrance des permis de construire de refuser le raccordement définitif aux réseaux d’eau, lesquels incluent les réseau d’assainissement en tant que réseau d’eaux usées, d’un bâtiment irrégulièrement édifié. » (CAA Marseille, 6 avril 2023, N° 20MA00172)
Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence abondante qui reconnaît au maire le droit de refuser le raccordement définitif aux réseaux publics (d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone) des bâtiments dont la construction ou la transformation n’a pas été régulièrement édifiée.
L. 111-12 du Code de l’urbanisme dispose en effet que :
« Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. »
Voir notamment en ce sens :
« 4. D’une part, M. B…ne conteste pas que l’habitation légère dont il a sollicité le raccordement au réseau d’électricité a été édifiée sans autorisation d’urbanisme. Il n’allègue, par ailleurs, pas que cette installation était, à la date à laquelle elle a été réalisée, dispensée de toute formalité. D’autre part, la circonstance que l’habitation considérée soit un » mobil-home » ne permet pas, pour autant, de la regarder comme une habitation légère de loisirs, au sens de la législation d’urbanisme, une telle habitation étant destinée à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs et non à l’habitat permanent. Par suite, M. B…ne saurait utilement, pour soutenir que l’installation de son habitation a été régularisée, se prévaloir de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ainsi que de l’article L. 443-1 du code de l’urbanisme, relatif aux créations de terrains de camping et de parcs résidentiels de loisirs. Dans ces conditions, le maire de la commune de Pornichet a légalement pu, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, s’opposer au raccordement définitif du bâtiment litigieux au réseau d’électricité. » (CAA de Nantes, 19 juillet 2019, n° 19NT00589)
Ou encore :
« 5. La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constitue le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi. » (CAA BORDEAUX, 22 octobre 2020, n°18BX04531)
La Cour administrative d’appel de Versailles est d’ailleurs allée au-delà en considérant que la demande de pose d’un nouveau compteur au sein d’un immeuble déjà raccordé doit être assimilée à une demande de raccordement.
« 6. En premier lieu, les requérants soutiennent que le local n° 109 était déjà raccordé à l’électricité au moment où ils ont effectué leur demande de pose d’un compteur individuel supplémentaire et que la commune ne pouvait, dès lors, se fonder sur les dispositions de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme pour leur opposer un refus de raccordement ayant de surcroît eu pour effet de leur couper l’électricité dans ce local. Toutefois, la pose d’un compteur individuel d’électricité, spécifique à un local inclus dans un ensemble de lots bénéficiant déjà d’un seul point de raccordement à l’électricité, doit être regardée comme un nouveau raccordement au sens de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, différent de celui relatif à cet ensemble de lots comprenant le local en cause. (Cour administrative d’appel, Versailles, 6e chambre, 7 Mars 2019 – n° 16VE02525).
Encore faut-il que la construction soit effectivement régulière et que la décision soit suffisamment motivée rappelle la Cour administrative de Marseille :
« 14. En premier lieu, d’une part, contrairement à ce que soutient la commune de Cadolive, la construction à raccorder de Mme D… et M. A… B…, dont il n’est pas contesté qu’elle a été autorisée par un permis de construire délivré en 2007, ne peut être regardée comme irrégulière du seul fait qu’une division parcellaire serait intervenue depuis. D’autre part, la commune n’apporte aucune précision pour étayer l’affirmation selon laquelle cette construction ne serait pas conforme au permis de construire. La commune ne pouvait, par suite, opposer les dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme pour s’opposer au raccordement.
15. En second lieu, la commune n’explicite pas le fondement juridique des autres motifs opposés au raccordement de la propriété de Mme D… et M. A… B… au réseau d’assainissement de la commune que ces derniers contestent dans leur requête introductive d’instance.
16. Ainsi, aucun des motifs invoqués par la commune de Cadolive dans l’arrêté en litige au regard des éléments produits devant la Cour et le tribunal administratif, n’est de nature à justifier l’opposition au raccordement du bâtiment en cause au réseau d’assainissement. » (CAA Marseille, 6 avril 2023, N° 20MA00172)
Jérôme MAUDET
Avocat