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Collectivités : Déclaration d’ouverture de chantier et péremption du permis de construire

L’article R.424-17 du code de l’urbanisme dispose que :

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

 Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (…). »

Pour échapper à la péremption de son permis de construire le pétitionnaire pourrait être tenté de déposer une Déclaration d’Ouverture de Chantier (DOC).

Une telle démarche reste toutefois, à elle seule, juridiquement insuffisante.

En effet, il a été jugé que les déclarations d’ouverture de chantier ne caractérisent pas un commencement suffisant des travaux :

« Considérant que l’ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE MARTINIQUAIS a demandé au juge des référés de suspendre l’exécution du permis de construire litigieux ; qu’il ressort des pièces du dossier que si ledit permis a, en application de l’article R. 431-32 précité du code de l’urbanisme, fait l’objet d’une prorogation pour une durée d’un an à compter du 18 décembre 2000, aucun élément n’établit que des travaux ont effectivement été entrepris avant la date du 18 décembre 2001 ; que la déclaration d’ouverture de chantier faite par la société bénéficiaire du permis et enregistrée à la mairie du Marin le 17 décembre 2001 ne peut, en l’absence de commencement d’exécution de travaux, faire obstacle à la péremption ; qu’ainsi, à la date à laquelle le pourvoi a été enregistré, l’arrêté attaqué était dépourvu de tout caractère exécutoire ; que, par suite, la demande tendant à ce qu’en soit ordonnée la suspension ne peut qu’être rejetée ; » (CE, 7 mai 2003, n°251196).

Il est d’ailleurs de jurisprudence constante que seuls des travaux significatifs sont de nature à interrompre le délai de péremption d’un permis de construire.

Il a ainsi été jugé que les travaux de démolition revêtant une certaine importance et non dissociables de l’opération de construction peuvent être pris en compte (CE 8 novembre 2000, n°197505, CAA Marseille 25 septembre 2003 n°99MA01443).

Toutefois, les faux-semblants de travaux ne sont pas retenus.

Tel est le cas :

  1. Du simple décapage d’un terrain et d’un accès au chantier et d’un sondage du sol (CE, 27 octobre 2006, n°278226 et CAA Marseille, 24 août 2017 n°17MA02353)
  2. De terrassements de faible importance entrepris peu avant la péremption (CAA Marseille, 5 mai 2011, n°09MA01703).
  3. De travaux de préparation du terrain. (CE, 4 juin 1982, n°26684)

A noter qu’en application d’une jurisprudence récente publiée au bulletin il a été jugé que malgré son effet rétroactif la péremption d’un permis de construire intervenue postérieurement à la conclusion d’une vente immobilière est insusceptible de remettre en cause la validité de la vente.

La Cour de cassation a en effet estimé que la conformité du bien aux stipulations contractuelles s’apprécie au jour de la signature de la vente, sans tenir compte des conséquences de la rétroactivité d’une caducité prononcée postérieurement à la vente.

« 9. La cour d’appel a énoncé, à bon droit, que la conformité du bien vendu et livré aux spécifications contractuelles s’apprécie au moment de la délivrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriété.

10. Elle a relevé qu’il résultait des termes de l’acte de vente et des documents annexés l’absence de recours contre le permis de construire et ses transferts successifs, ainsi que son absence de caducité au jour de la signature de l’acte authentique de vente, établie par un certificat du maire du 3 décembre 2007.

11. Elle en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au vice caché et à la délivrance d’un permis de régularisation, que peu importait l’effet rétroactif de la caducité, dès lors que celle-ci résultait d’un jugement rendu sur une demande postérieure à la vente. » (Cass. 3ème civ. 16 mars 2023, n° 21-19.460)

Jérôme MAUDET

Avocat associé

Opposabilité d’un bail à l’égard d’une collectivité ayant acquis un bien libre de toute occupation

L’article 1743 du Code civil pose le principe de l’opposabilité du bail en cours à l’acquéreur d’un bien.

Peu importe le type de bail, commercial, d’habitation ou rural.

L’acquéreur ne peut donc expulser l’occupant exploitant si celui-ci est en mesure de produire un bail authentique ou ayant date certaine, ainsi que l’exige l’article 1743 du Code civil.

La jurisprudence se contente d’un bail verbal s’il est démontré que le nouveau propriétaire en connaissait l’existence antérieurement à l’acte translatif de propriété.

Toutefois, si l’acte de vente indique que la parcelle objet de la vente est transmise libre de toute occupation l’acquéreur pourra en principe se prévaloir de l’inopposabilité du bail.

En effet, si la vente est réalisée et qu’elle mentionne que la parcelle est libre de toute occupation et de toute location, le bail rural ne sera donc en principe pas opposable à l’acquéreur.

Voir en ce sens :

« Aux termes de l’article 1743 du Code civil, si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier qui a un bail authentique ou dont la date est certaine au sens de l’article 1328 du Code civil. En l’espèce, le bail verbal n’a pas date certaine et le décès du bailleur est sans incidence. Le bail n’a pas été enregistré au fichier immobilier et sa substance n’a pas été constatée dans un acte dressé par un officier public. Par ailleurs, le preneur n’établit pas que l’acheteur avait connaissance du bail. La vente a été réalisée par l’héritier du bailleur et l’acte de vente mentionne que la parcelle est libre de toute occupation et de toute location. Le bail rural verbal n’est donc pas opposable à l’acheteur. » (Cour d’appel, DOUAI, Chambre 3, 31 janvier 2008)

Le cas échéant la commune pourrait exiger du preneur qu’il libère les lieux au besoin judiciairement.

Cette solution doit toutefois être nuancée à la lumière de la jurisprudence qui considère que l’article 1743 du Code civil ne peut pas être invoqué de bonne foi par le nouveau propriétaire qui a eu connaissance de l’existence du bail même n’ayant pas date certaine, avant le transfert de propriété.

Pour la Cour d’appel de Grenoble :

« L’usage régulier et ancien des terres, suivi d’un paiement régulier de fermages, justifie qu’il soit décidé que l’occupant des parcelles, qui y fait paître son bétail à plusieurs reprises dans l’année, qui entretient les clôtures fixes en barbelés, taille les buissons, tond et passe la herse de prairie, est titulaire d’un bail soumis au statut du fermage. » (Cour d’appel, GRENOBLE, Chambre commerciale, 1er mars 2007).

Si la commune ayant acquis le bien ne pouvait pas ignorer l’occupation du terrain, le preneur peut utilement soutenir que le bail rural lui est opposable nonobstant les mentions contraires contenues dans l’acte de vente.

Le cas échéant, si la commune souhaite changer la destination du bien loué, elle pourra demander la résiliation du bail rural à tout moment à condition de notifier la décision au moins 12 mois à l’avance par acte d’huissier.

A défaut de départ spontané passé ce délai, la commune pourra reprendre possession du bien.

Dans une telle hypothèse, la responsabilité des vendeurs pourrait également être recherchée par la commune si le bien ne se révèle pas libre de toute occupation après réitération de la vente.

Il a ainsi été jugé que le vendeur de terres agricoles engage sa responsabilité envers l’acheteur s’il a déclaré dans l’acte de vente que le bien est libre de toute occupation alors que cette déclaration était mensongère puisque la résiliation du bail avait été annulée par une décision de justice rendue quatre ans avant la vente et que le vendeur continuait à percevoir des fermages.

 Pour la Cour d’appel de Caen  :

 « Le vendeur a donc commis une faute au sens de l’article 1382 du Code civil en déclarant que son bien était libre de toute occupation. L’acheteur a conclu une transaction avec le preneur à bail, aux termes de laquelle l’acheteur a versé 20 000 euros au preneur afin que ce dernier abandonne son action en annulation de la vente pour non-respect de son droit de préemption. Le paiement de la somme librement convenue par les parties à la transaction, soit 20 000 euros, ne constitue pas un préjudice directement consécutif à la faute du vendeur. En revanche, si ce dernier n’avait pas caché à l’acheteur que le bien était occupé, l’acquéreur aurait pu négocier une baisse du prix de vente. Il est en effet établi qu’une parcelle occupée en vertu d’un bail rural a une valeur nettement inférieure à celle d’un bien libre d’occupation. La valeur de l’indemnité d’éviction versée aux preneurs dans une telle hypothèse peut être évaluée à un prix de l’ordre de 1 à 2 euros du mètre carré, soit entre 10 000 et 20000 euros pour la parcelle litigieuse. Le préjudice subi par l’acheteur peut donc être évalué à 16 000 euros. » (Cour d’appel, Caen, 7 Juillet 2020 – n° 17/03855).

Voir également en ce sens :

« L’existence du bail verbal est établie par la mise à disposition de parcelles à usage agricole et par le paiement de fermages. En effet, par attestation, le bailleur a confirmé avoir reçu des fermages de 1996 à 2002. Le fait que, dans l’acte authentique de vente de l’ensemble immobilier comprenant les parcelles litigieuses, le bailleur ait déclaré que les biens étaient libres de toute occupation est inopérant, car il s’agit manifestement d’une déclaration mensongère, qui l’expose d’ailleurs à une action de l’acheteur en indemnisation ou en annulation de la vente. » (Cour d’appel, ORLEANS, Chambre des urgences, 27 Mai 2009)

 

Jérôme MAUDET

Avocat