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Opération escargot sur le périphérique de Nantes : Que risquent les participants et organisateurs ?

L’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme stipule que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »

Précisément l’article L.412-1 du Code de la route prévoit une telle restriction :

 « Le fait, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d’employer, ou de tenter d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.

Toute personne coupable de l’une des infractions prévues au présent article encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

Lorsqu’un délit prévu au présent article est commis à l’aide d’un véhicule, l’immobilisation et la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

Les délits prévus au présent article donnent lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. »

Pour le Conseil d’Etat la participation à une manifestation sur la voie publique au moyen d’un véhicule dans le but d’entraver la circulation est suffisante pour caractériser l’infraction :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 7 du code de la route : « Quiconque aura, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 1.000 à 20.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. » ; qu’aux termes de l’article L. 14 dudit code : « La suspension du permis de conduire pendant trois ans au plus peut être ordonnée par le jugement, en cas de condamnation prononcée à l’occasion de la conduite d’un véhicule pour l’une des infractions suivantes : 1° Infractions prévues par les articles L. 1° à L. 4, L. 7, L. 9 et L. 19 du présent code ; qu’aux termes de l’article L. 18 dudit code : « Saisi d’un procès-verbal constatant une des infractions visées à l’article L. 14, le préfet du département dans lequel cette infraction a été commise peut, s’il n’estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire, soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire. » ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les requérants ont participé le 30 juin 1989 à une opération organisée par les chauffeurs de taxis de Lyon sur l’autoroute A.7 et destinée à mettre obstacle à la circulation sur cette voie ; que, dès lors, c’est à tort que, pour annuler les décisions de suspension du permis de conduire de MM. X…, Durand, Umatte, Rosa Y…, Mattachiom et Mayet, le tribunal administratif de Lyon s’est fondé sur la circonstance que les infractions constatées n’entraient pas dans le champ d’application des articles L. 7 et L. 14 du code de la route ; » (CE 7 octobre 1994, n°116427.)

La Cour européenne des droits de l’Homme dans une décision du 5 mars 2009 a d’ailleurs estimé que cette législation, compte tenu du but d’intérêt général poursuivi, ne constitue pas une ingérence disproportionnée au regard des principes de liberté d’expression et de manifester (CEDH 5 mars 2009, n° 31684/05).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Collectivités : vente de biens privés et mise en concurrence

Par un arrêt du 19 mars 2002, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà admis la validité d’une vente qui prévoyait la construction d’un ensemble immobilier devant ensuite faire l’objet d’une division dont un lot devait revenir à la commune :

« Considérant que, par délibération du 16 décembre 1988, le conseil de communauté de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a autorisé son président à signer avec la S.A.R.L. Porte de Bordeaux un contrat par lequel cette société construirait et vendrait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, dans les conditions prévues à l’article 1601-3 du code civil, 714 places de stationnement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter son action en responsabilité décennale, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le contrat litigieux constituait un marché de travaux publics irrégulièrement conclu ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le contrat conclu entre la S.A.R.L. Porte de Bordeaux et la société Spie Sud-Ouest le 26 janvier 1989 pour la construction du parc de stationnement litigieux est un marché de travaux privés ; que la circonstance que le droit d’exercer l’action en garantie décennale ait été transmis à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX en vertu de l’article 1601- 3 du code civil après la réception de l’ouvrage ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ces travaux dont la juridiction judiciaire peut seule connaître ; que par suite la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 1993 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; » (CAA Bordeaux 19 mars 2002, Cté urbaine de Bordeaux, req. n°97BX01384).

La Cour de justice de l’Union européenne tempère toutefois ce principe et considère qu’une convention peut être qualifiée de marché public de travaux si le contrat prévoit une implication de la personne publique ou répond à un besoin autre que la simple vente. (CJCE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08).

En substance,  les ventes qui ne sont pas exclusivement destinées à céder un bien du domaine privé doivent être précédées d’une mise en concurrence.

La commune doit donc garder à l’esprit qu’il existe un risque de qualification dès lors que la commune souhaite être associée au moins indirectement à la réalisation du projet et qu’elle a vocation à acquérir un ou plusieurs lots in fine.

S’agissant des ventes réalisées par les collectivités, il n’est pas anodin de rappeler que la loi prévoit que les actes des personnes publiques peuvent être reçus par les notaires mais également par les maires ou présidents de conseil départemental voire le préfet également officiers publics. 

En pratique, l’acte authentique peut donc prendre la forme d’un acte administratif dont le coût peut s’avérer bien plus intéressant pour l’acquéreur tout en présentant les mêmes garanties.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de l’environnement : Pouvoirs du Préfet et obligation de dépollution du dernier exploitant d’une ICPE


Aux termes de l’article L.514-1 du Code de l’environnement :

« I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu’un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant d’une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai fixé pour l’exécution, l’exploitant n’a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut :

1° Obliger l’exploitant à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’exploitant au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l’Etat bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts ;

2° Faire procéder d’office, aux frais de l’exploitant, à l’exécution des mesures prescrites ;

3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l’installation, jusqu’à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires.  

II.- Les sommes consignées en application des dispositions du 1° du I peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office des mesures prévues aux 2° et 3° du I.

III.- L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité administrative devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif. »

Selon la jurisprudence, lorsqu’une activité industrielle est cédée, la qualité d’exploitant est acquise au cessionnaire.

La Cour administrative d’appel de Nantes a considéré que l’acquisition d’un fonds de commerce suffit à conférer la qualité d’exploitant à l’acquéreur. (CAA Nantes, 6 octobre 1999, Société Ecofer Rouen.) :

« Considérant que, par une convention de cession d’entreprise intervenue en exécution d’un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er juin 1992, la société Ecofer Rouen a acquis l’ensemble des actifs incorporels et corporels de la société Sidafer ; (…); que par arrêté du 13 juillet 1995, le préfet de la Seine-Maritime a mis en demeure la société Ecofer Rouen, sous peine d’application à son encontre des sanctions prévues à l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976, tant de procéder à l’enlèvement des transformateurs, des terres et gravats souillés par le P.C.B. et des divers déchets présents sur le site, que de remettre dans le délai de trois mois un mémoire sur l’état du site, comprenant une analyse des risques pour l’environnement et la proposition de mesures de réhabilitation ; que l’arrêté attaqué du 16 janvier 1996 est intervenu faute du dépôt par la société du mémoire dont la remise lui avait ainsi été prescrite ;

Considérant, en premier lieu, (…) que la société Ecofer Rouen a repris l’ensemble des installations auparavant utilisées dans le cadre de son activité par la société Sidafer, au nombre desquelles figuraient les transformateurs déclarés en 1986 ; (…); que la circonstance que le transformateur en cause, qui était un des éléments de fonctionnement de l’installation, aurait été, en réalité, la propriété du Port Autonome de Rouen, comme celle que la société Ecofer Rouen aurait été dans l’impossibilité d’obtenir un titre l’autorisant à occuper le site, sous la forme d’un transfert de l’autorisation dont bénéficiait la société Sidafer ou d’une nouvelle convention d’occupation, ne pouvaient, dès lors, que demeurer sans influence sur le pouvoir du préfet, sur le fondement des dispositions susrappelées, de mettre en demeure la société Ecofer Rouen de prendre les mesures appropriées en vue de la remise en état du site, en particulier la réalisation d’une étude relative aux risques présentés pour l’environnement ;»

 

La jurisprudence considère en effet de manière constante que la dépollution du site incombe au dernier exploitant et non pas au repreneur ou au propriétaire du site (CAA Douai, 15 février 2001, N° 97DA00024).

« Considérant que M. et Mme Y… ne peuvent davantage invoquer la vente du terrain en 1994 pour s’exonérer de leurs obligations au titre de la législation sur les installations classées, dès lors que l’acquéreur, qui envisageait la réalisation d’un ensemble immobilier, ne s’est pas substitué à M. Z… en qualité d’exploitant »

La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé cette position le 2 avril dernier en estimant que la remise en état du site incombe au dernier exploitant (cass. Civ. 2 avril 2008, pourvois n°07-12155 et 07-13158) :

« Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, exactement retenu qu’aux termes des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, la charge de la dépollution d’un site industriel incombait au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué, la cour d’appel, qui n‘a pas violé l’article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en a déduit à bon droit que la remise en état du site résultant d’une obligation légale particulière dont la finalité est la protection de l’environnement et de la santé publique, était à la charge de la locataire ; »

 Ce n’est qu’à défaut d’exploitant solvable que l’administration a la possibilité de se retourner contre le propriétaire du site pour qu’il procède à sa remise en état (CAA DOUAI, 8 mars 2000, N° 96DA00721) :

 « Considérant qu’il résulte de l’instruction, sans que cela soit contredit, que la S.A. Industrans a fait l’objet d’une liquidation amiable et d’une radiation au registre du commerce de Versailles ; qu’il n’est établi par aucune des pièces du dossier que l’exploitation de la décharge de déchets industriels ait été cédée et qu’un cessionnaire se serait substitué à la S.A. Industrans ; que, dès lors, compte tenu de la disparition de la S.A. Industrans résultant de sa radiation du registre du commerce et de l’absence de cessionnaire de l’exploitation, Mme Sylvie X… qui, au demeurant avait entrepris des démarches pour exécuter les mesures préconisées par les différents arrêtés préfectoraux déjà intervenus pour remédier à la pollution provoquée par le site de l’exploitation, doit être regardée comme la détentrice de ladite exploitation, alors même que, comme elle l’affirme, elle n’aurait eu aucun pouvoir de direction ou de contrôle ou un intérêt sur cette exploitation et sans qu’y fasse obstacle le principe pollueur payeur mentionné à l’article L. 200-1 du code rural.»

 Voir également ce sens CE, 21 février 1997, SCI les peupliers, pourvoi N°160250 :

 «  Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES PEUPLIERS » est propriétaire d’un immeuble situé à Roissy-en-Brie, loué à la société Récupération de matériaux utilisables (RECUTIL), laquelle y exerçait une activité de récupération et transformation de matériaux ; que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE  » LES PEUPLIERS » ne pouvait, en sa seule qualité de propriétaire de cet immeuble, faire l’objet de mesures prévues à l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ; que dès lors, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait légalement par arrêté du 8 septembre 1987, mettre en demeure la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE  » LES PEUPLIERS » de supprimer le dépôt de produits dangereux résultant de l’activité de la société RECUTIL ; »

 Jérôme MAUDET

Avocat