Articles

Collectivités : l’interdiction d’habiter prononcée par le maire doit être proportionnée et encadrée dans le temps.

Aux termes d’un jugement du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Bastia a jugé illégale une interdiction d’habiter un immeuble situé sur une falaise menaçant de s’effondrer à une échéance évaluée à une centaine d’année.

Selon le Tribunal, en tant qu’elle ne fixe pas de durée à cette interdiction d’habiter, la mesure doit être regardée comme une mesure permanente et définitive qui ne peut pas être édictée par un maire au titre de ses pouvoirs de police.

Ce tribunal rappelle que :

« 3. Le maire peut, en vertu des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales citées au point 2,
prendre des mesures temporaires ou limitées de prévention ou de sauvegarde. En revanche, ce maire ne peut pas, sur le fondement de ces mêmes dispositions, prendre une mesure permanente et définitive privant le propriétaire de l’immeuble de l’usage de son bien en interdisant toute occupation de celui-ci dans l’attente d’une éventuelle acquisition amiable par la commune. » (TA Bastia, 15 octobre 2024, n°2300494)

En l’espèce, les juges bastiais, retiennent tout d’abord que le rapport d’expertise sur lequel est fondé l’arrêté se bornait à préconiser certaines mesures :

« (…) d’une part, l’arrêté litigieux se fonde sur les conclusions du rapport « Cerema-Ineris-Brgm » réalisé en mars 2021 sur l’évaluation de l’aléa et la proposition de mesures de gestion du risque d’effondrement en grande masse dans le secteur de la falaise de la citadelle de Bonifacio. Il ressort de ce rapport que la parcelle de la société requérante est située en zone d’aléa de risque fort. Dans cette zone, la probabilité d’effondrement de la falaise est de 100 ans. S’agissant de la parcelle en cause, le rapport préconise de prendre plusieurs mesures de réduction des enjeux humains, en réalisant des études complémentaires de la temporalité de l’aléa et de la structure des bâtiments, en prenant des mesures de confortement et en interdisant toute extension ou construction nouvelle. Afin de réduire l’aléa dans cette zone, le rapport préconise des mesures d’étanchéification du sommet de la falaise et de gestion durable des eaux. »

Par ailleurs, le Tribunal a considéré que cette mesure présente un caractère permanent qui excède la compétence du Maire auquel le Préfet s’était substitué :

D’autre part, l’arrêté litigieux, qui ordonne l’évacuation avec interdiction d’habiter l’immeuble de M. D. sans en fixer la durée, présente le caractère d’une mesure permanente et définitive, privant le propriétaire de l’immeuble de l’usage de son bien. »

Le requérant était donc bien fondé à soutenir que les mesures édictées par l’arrêté attaqué sont entachées d’illégalité en ce qu’elles ne sont ni strictement proportionnées à leur nécessité, ni encadrées dans le temps.

Dans le même sens et le même jour (TA Bastia, 15 octobre 2024, N° 2201607).

 

Jérôme MAUDET

Avocat associé