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Feux d’artifices : Responsabilités du Maire et de la commune

Aux termes de l’article 4 du décret n°2010-580 du 31 mai 2010 :

« 1° L’organisateur d’un spectacle pyrotechnique doit en faire la déclaration préalable au maire de la commune et au préfet du département où se déroulera le spectacle un mois au moins avant la date prévue ; »

Aux termes de l’article 19 de l’arrêté du 31 mai 2010 :

« Le dossier de déclaration de spectacle pyrotechnique, adressé par l’organisateur du spectacle au maire de la commune et au préfet du département territorialement compétents au moins un mois avant la date prévue du tir, peut être transmis par voie électronique. »

L’article 24 de l’arrêté précité précise que :

« La zone de tir est délimitée par des barrières ne permettant l’accès qu’aux personnes autorisées par le responsable de la mise en œuvre. Au niveau des points d’accès, il est indiqué la présence d’artifices et l’interdiction d’accès au public. »

Au titre de ses pouvoirs de police, le maire est garant de la sécurité publique et doit prévenir les risques d’accident.

En cas de carence la responsabilité de la commune peut être recherchée tout comme la responsabilité pénale du maire.

 

Une responsabilité administrative :

En cas d’accident, sa responsabilité et celle de la commune ne peuvent être engagées que si la victime établit l’existence d’une faute simple :

  • soit dans le choix de l’artificier,
  • soit dans l’organisation ou le fonctionnement du service public,
  • soit enfin dans l’accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des spectateurs.

La Cour administrative de Lyon a ainsi pu reconnaître la responsabilité d’une commune à la suite d’un accident ayant blessé un spectateur :

« 8. Considérant que la responsabilité d’une commune ne peut être engagée en cas d’accident survenu à un spectateur d’un feu d’artifice tiré sur la commande de celle-ci que si la victime établit l’existence d’une faute de la commune soit dans le choix de l’artificier, soit dans l’organisation ou le fonctionnement du service public, soit enfin dans l’accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des spectateurs ;

  1. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des rapports d’expertise ordonnées par le juge judiciaire et produits au dossier et du jugement du Tribunal correctionnel d’Alès, que la commune de Salindres a organisé un feu d’artifice le 14 juillet 2005, tiré à partir du stade communal, composé de 198 bombes de calibre 45 à 200 ; que si la zone de tir avait été délimitée à l’aide d’un ruban, il est constant qu’aucun dispositif de barrières permettant de maintenir le public en sécurité n’avait été installé, en méconnaissance des règles de sécurité que le maire de la commune avait d’ailleurs rappelé dans un arrêté du 29 juin 2005 et qui fixaient une distance minimale de 150 mètres entre la zone de tir et le public ; qu’un précédent incident s’était d’ailleurs produit quelque temps auparavant, sans que la commune ne prenne de dispositions pour pallier aux insuffisance du dispositif de sécurité ; que si la commune fait valoir, sans d’ailleurs le démontrer, que seules des bombes d’un calibre de 100 mm ont été tirées, l’expert conclut que le site choisi ne présente pas un gabarit suffisant pour pouvoir tirer même des bombes de 100 mm en toute sécurité ; qu’il ne résulte pas en revanche de l’instruction que MmeC…, qui se trouvait au moment de l’accident à une distance de 130 mètres de la zone de tir ait commis une imprudence de nature à exonérer la commune, même partiellement, de sa responsabilité ; que, par suite, la commune de Salindres n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu qu’elle avait commis une faute de nature à engager son entière responsabilité ;
  2. Considérant que la commune de Salindres fait valoir que le dommage subi par Mme C…serait sans lien avec sa propre faute et aurait pu être causé par une fusée manipulée par un enfant à proximité de la victime ; que toutefois, aucun des rapports d’expertise ne retient cette hypothèse, tous retenant au contraire que la blessure de Mme C…résulte de la chute d’une étoile non allumée d’une bombe d’artifice fonctionnant en altitude, venue impacter à grande vitesse l’oeil de la victime, que la présence dans cet oeil de fins grains chatoyants est un indice de la mise en contact d’une étoile de bombe d’artifice avec l’oeil et que ce n’est pas un débris de pétard à mèche ou de fusée, tirés par les spectateurs eux-mêmes ou un jet de caillou ou autre objet qui aurait pu provoquer le type de blessure dont a été victime MmeC… ;
  3. Considérant enfin que si la commune de Salindres soutient que la blessure de Mme C…est une conséquence non de sa propre faute mais du caractère défectueux des produits fournis par la société Nadal frères et soeur, il résulte également de l’instruction que l’aléa de non allumage d’une étoile est un défaut mineur pouvant se rencontrer sur des produits fiables et agréés, aléa auquel il est pallié par des distances de sécurité à respecter par le public ;
  4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’est établi le lien de causalité entre la blessure de Mme C…et la faute commise par la commune de Salindres ; » (CAA LYON, 18 décembre 2014, 12LY22281)

 

Une responsabilité pénale :

Pour la Cour de cassation, commet une faute caractérisée présentant un lien de causalité certain avec le dommage le maire qui se borne à déléguer l’organisation de manifestations sans examiner les questions de sécurité avec les organisateurs :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’au cours d’une manifestation festive organisée à Rochefort- sur- Loire (Maine- et- Loire), Dylan Y…, âgé de neuf ans, a participé à un jeu consistant à faire passer dans un cerceau un taurillon qui surgissait dans une arène ; que l’enfant a été percuté par l’animal et a été victime d’une fracture de la rate ;

Que Roger A…, président du comité des fêtes de la commune, et le maire de celle- ci, Roland X…, ont été cités devant le tribunal de police, du chef de blessures involontaires, le second pour avoir, le 10 juillet 2004, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, dans les conditions et selon les dispositions prévues à l’article 121-3 du code pénal, et, plus précisément, en se désintéressant de l’organisation d’un jeu au cours duquel des enfants étaient mis en présence de taurillons, dans une arène, involontairement causé à Dylan Y… une incapacité totale d’une durée d’un mois, faits prévus et réprimés par les articles R. 625-2 et R. 625-4 du code pénal ; (…)

Attendu que, pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de Roland X…, l’arrêt retient, par les motifs propres et adoptés, partiellement reproduits au moyen, qu’il s’est borné à déléguer à deux associations locales l’organisation de la manifestation, qui devait attirer plus de 10 000 personnes dans une localité de 2 500 habitants, qu’il s’est désintéressé du programme prévu et qu’il a négligé d’examiner, avec les organisateurs et les services de secours, les questions de sécurité relevant des pouvoirs de police dont il disposait en sa qualité de maire ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu a commis une faute caractérisée, entretenant un lien de causalité certain avec le dommage et ayant exposé la victime à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, la cour d’appel a justifié sa décision ; » (Cass., 10 juin 2008, n° 07-87134, JurisData n° 2008-044744)

 

 

 

Jérôme MAUDET

Avocat associé.