Articles

L’appréciation du caractère définitif ou non du raccordement relève de l’appréciation du Maire

Le maire est en principe tenu de refuser le raccordement définitif aux réseaux publics (d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone) des bâtiments dont la construction ou la transformation n’a pas été régulièrement édifiée.

L. 111-12 du Code de l’urbanisme dispose en effet que :

« Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. »

Il est en revanche plus difficile pour lui de s’opposer à une demande de raccordement provisoire y compris si celle-ci vise à raccorder un immeuble édifié en méconnaissance des règles d’urbanisme.

Par un arrêt du 23 novembre 2022, le Conseil d’Etat est venu préciser que l’appréciation du caractère définitif ou non du raccordement relève de l’appréciation du Maire qui peut considérer qu’une demande de raccordement provisoire doit, en réalité, s’analyser comme une demande de raccordement définitif.

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… a demandé à la société ERDF le raccordement au réseau électrique pour la période allant du 17 octobre 2014 au 1er septembre 2015 d’un terrain lui appartenant sur le territoire de la commune d’Esbly pour y installer une caravane. Le tribunal administratif de Melun ayant, par un jugement du 14 avril 2017, annulé la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le maire d’Esbly s’était opposé à ce raccordement en raison du caractère inconstructible de la parcelle et ayant enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme B…, le maire a pris une nouvelle décision s’opposant à ce raccordement, aux motifs que le raccordement demandé était un raccordement définitif et non provisoire et que le terrain était exposé à un risque grave d’inondation. Par un jugement du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé cette nouvelle décision, ainsi que la décision du 31 juillet 2017 du maire d’Esbly rejetant le recours gracieux de Mme B… et M. D…, et a de nouveau enjoint à la commune de réexaminer la demande de raccordement. Par un arrêt du 21 octobre 2021, contre lequel la commune d’Esbly se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par cette commune contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme :  » Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 « , c’est-à-dire soumis à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, déclaration préalable ou à agrément,  » ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions « . Il résulte de ces dispositions que le maire peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale destinés à assurer le respect des règles d’utilisation des sols, s’opposer au raccordement définitif au réseau d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, locaux ou installations qui, faute de disposer de l’autorisation d’urbanisme ou de l’agrément nécessaire, sont irrégulièrement construits ou transformés. La circonstance que le raccordement demandé dans une telle hypothèse soit présenté comme provisoire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dès lors qu’il estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, ce raccordement doit être regardé comme présentant un caractère définitif. Doit être regardé comme présentant un caractère définitif un raccordement n’ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible, quand bien même les bénéficiaires ne seraient présents que lors de séjours intermittents et de courte durée.

3. L’article R. 421-23 du code de l’urbanisme, pris en application de l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme, soumet à déclaration préalable :  » j) L’installation d’une résidence mobile visée par l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, constituant l’habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs (…) « . Dès lors, le maire est en droit de refuser le raccordement définitif au réseau d’électricité d’une résidence mobile constituant l’habitat permanent de gens du voyage, au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, ne disposant pas de l’autorisation à laquelle elle serait soumise en vertu de ces dispositions.

4. En l’espèce, la cour a relevé que Mme B… et M. D…, qui avaient fait valoir qu’ils appartenaient à la communauté des gens du voyage et qu’ils avaient conservé leur mode de vie itinérant, avaient indiqué quitter régulièrement le terrain, appartenant à Mme B…, sur lequel ils avaient installé la caravane pour laquelle ils avaient demandé un raccordement provisoire au réseau électrique, voulant seulement y disposer d’un  » ancrage territorial « , en y revenant régulièrement pour des séjours n’excédant jamais trois mois consécutifs. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’en se fondant sur la durée limitée et l’intermittence de ces séjours pour en déduire que le raccordement demandé ne pouvait être regardé comme un raccordement définitif, alors qu’il résultait au contraire des éléments qu’elle avait relevés que ce raccordement était lié à une installation habituelle et récurrente, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

5. Il suit de là que la commune d’Esbly est fondée, pour ce motif et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. » (Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 23/11/2022, 459043)

 

Jérôme MAUDET

Avocat