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Collectivités : droit de préemption urbain dans les communes dotées d’une carte communale

Dans les communes dotées d’une carte communale ce sont les dispositions de l’article L. 211-1 alinéa 2 du code de l’urbanisme qui trouvent à s’appliquer pour l’instauration du droit de préemption urbain :

« Les conseils municipaux des communes dotées d’une carte communale approuvée peuvent, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement, instituer un droit de préemption dans un ou plusieurs périmètres délimités par la carte. La délibération précise, pour chaque périmètre, l’équipement ou l’opération projetée »

A la lecture de cette disposition, il apparaît que la commune a la possibilité d’instituer un droit de préemption urbain sur une ou plusieurs parcelles déterminées et identifiées de la carte communale.

Cependant, une incertitude demeure dans la jurisprudence administrative.

Dans un arrêt du 12 juin 2015, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que :

« Considérant que par une délibération du 8 mars 2011 le conseil municipal d’Aulas, commune dotée d’une carte communale, a institué, sur le fondement de l’article L. 211-1 précité, un droit de préemption en vue d’intervenir dans un périmètre comprenant seize parcelles, dont les parcelles B 1111 et 2340 appartenant à M. A…faisant l’objet de la délibération en litige, pour un aménagement comprenant l’agrandissement d’un jardin public et la réalisation d’une petite structure d’hébergement pour personnes âgées sur des terrains situés en zone constructible de ladite carte communale ; que cette délibération mentionne donc un objet précis dans un périmètre déterminé au sens des dispositions précitées de l’article L. 211-1du code de l’urbanisme ; que, par suite le requérant n’est fondé ni à exciper du défaut de motivation de la délibération précitée du 8 mars 2011, ni à soutenir que la délibération attaquée du 3 février 2012, qui vise et se réfère expressément à la délibération du 8 mars 2011, aurait insuffisamment précisé l’objet en vu duquel la préemption était exercée ni, par suite, qu’elle aurait méconnu les exigences de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme » (C.A.A. Marseille, 12 juin 2015, n°14MA00008).

Pourtant, en 2010, la même cour administrative d’appel de Marseille ne semble pas réticente à une délimitation large et imprécise du périmètre (bien qu’en l’espèce la Cour a confirmé l’annulation de la décision de préemption d’une parcelle) :

« Considérant que, par délibération du 26 février 1990, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT CLEMENT DE RIVIERE a institué un droit de préemption urbain sur toutes les zones urbaines et d’urbanisation future de la commune ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette délibération a été affichée en mairie et a fait l’objet d’une insertion dans le journal Le Midi Libre du 13 avril 1990 ; que la commune n’a pas démontré qu’une seconde publication avait été régulièrement effectuée ; que, dans ces conditions, cette délibération n’est pas devenue exécutoire ; qu’ainsi, la décision de préemption litigieuse du 3 janvier 2005, prise sur le fondement de la délibération du 26 février 1990, est dépourvue de base légale »

En conséquence, et en l’état de la jurisprudence actuelle le simple fait d’instituer un droit de préemption urbain « sur tous les secteurs du territoire communal inscrits en zones constructibles de la carte communale » ne paraît pas contraire à l’article L. 211-1 du code de l’urbanisme.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES

Opération escargot sur le périphérique de Nantes : Que risquent les participants et organisateurs ?

L’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme stipule que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »

Précisément l’article L.412-1 du Code de la route prévoit une telle restriction :

 « Le fait, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d’employer, ou de tenter d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.

Toute personne coupable de l’une des infractions prévues au présent article encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

Lorsqu’un délit prévu au présent article est commis à l’aide d’un véhicule, l’immobilisation et la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

Les délits prévus au présent article donnent lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. »

Pour le Conseil d’Etat la participation à une manifestation sur la voie publique au moyen d’un véhicule dans le but d’entraver la circulation est suffisante pour caractériser l’infraction :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 7 du code de la route : « Quiconque aura, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 1.000 à 20.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. » ; qu’aux termes de l’article L. 14 dudit code : « La suspension du permis de conduire pendant trois ans au plus peut être ordonnée par le jugement, en cas de condamnation prononcée à l’occasion de la conduite d’un véhicule pour l’une des infractions suivantes : 1° Infractions prévues par les articles L. 1° à L. 4, L. 7, L. 9 et L. 19 du présent code ; qu’aux termes de l’article L. 18 dudit code : « Saisi d’un procès-verbal constatant une des infractions visées à l’article L. 14, le préfet du département dans lequel cette infraction a été commise peut, s’il n’estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire, soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire. » ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les requérants ont participé le 30 juin 1989 à une opération organisée par les chauffeurs de taxis de Lyon sur l’autoroute A.7 et destinée à mettre obstacle à la circulation sur cette voie ; que, dès lors, c’est à tort que, pour annuler les décisions de suspension du permis de conduire de MM. X…, Durand, Umatte, Rosa Y…, Mattachiom et Mayet, le tribunal administratif de Lyon s’est fondé sur la circonstance que les infractions constatées n’entraient pas dans le champ d’application des articles L. 7 et L. 14 du code de la route ; » (CE 7 octobre 1994, n°116427.)

La Cour européenne des droits de l’Homme dans une décision du 5 mars 2009 a d’ailleurs estimé que cette législation, compte tenu du but d’intérêt général poursuivi, ne constitue pas une ingérence disproportionnée au regard des principes de liberté d’expression et de manifester (CEDH 5 mars 2009, n° 31684/05).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Droit de la santé : motivation des sanctions prononcées par l’ARS

L’Agence Régionale de Santé dispose d’un pouvoir de sanction sur les établissements de santé.

A titre d’exemple l’article D.162-13 du Code de la sécurité sociale dispose que :

« En cas de non-respect par l’établissement de santé des engagements souscrits au titre d’un exercice, constaté au vu du rapport transmis par l’établissement en application de l’article D. 162-10 et, le cas échéant, des résultats des contrôles sur pièces et sur place effectués, le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l’article L. 162-22-7 peut être réduit et fixé entre 70 % et 100 %. Il peut varier, le cas échéant, selon les spécialités pharmaceutiques ou les produits.

Le taux de remboursement qu’il est proposé d’appliquer pour un an est communiqué à l’établissement, avant le 15 mai, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. L’établissement transmet ses observations écrites, dans les mêmes formes, à l’agence régionale de santé dans les dix jours suivant cette réception. Le taux de remboursement est arrêté, chaque année, au plus tard le 15 juin, par le directeur général de l’agence régionale de santé. Il est applicable pour la période du 1er juillet de l’année en cours au 30 juin de l’année suivante.

La fixation du taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie doit être motivée. »

La sanction doit toutefois être proportionnée aux manquements constatés et être motivée en fait et en droit.

A défaut, la mesure sera classiquement considérée comme irrégulière.

En effet, selon une jurisprudence constante, le juge administratif censure les décisions insuffisamment motivées :

 « 4. Considérant que la décision du 3 août 2010, par laquelle la directrice générale de l’agence régionale de santé des Pays de la Loire a infligé une sanction d’un montant global de 773 108 euros au CHU d’Angers, se réfère au seul article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, sans viser les dispositions relatives aux règles procédurales et aux modalités de détermination du montant de la sanction ; que, si elle mentionne le courrier du 31 mars 2010 par lequel l’ARH des Pays de la Loire a notifié à l’établissement les résultats du contrôle de tarification effectué du 5 au 21 octobre 2009, qui comportait en annexe la liste des anomalies relevées et l’indication des modalités de calcul de la sanction maximale encourue dans chacun des champs contrôlés, ainsi que les observations produites le 20 avril 2010 par l’établissement et la proposition émise par la commission de contrôle dans sa réunion du 21 juillet 2010, la décision litigieuse, à laquelle n’était jointe aucune pièce et notamment pas la copie de l’avis de la commission de contrôle, ne donne aucune précision, notamment pour le champ  » séjours avec complications ou morbidités associées « , pour lequel la proposition de sanction initiale s’élevait à la somme de 1 086 097 euros, sur la nature et l’importance des manquements retenus en définitive, sur la suite réservée aux observations de l’établissement, et sur les modalités de détermination du montant de la sanction prononcée, sensiblement réduit par rapport à la proposition préalablement notifiée ; qu’ainsi, elle ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que l’établissement ait eu connaissance des manquements relevés et ait pu en discuter le bien-fondé au cours de la procédure contradictoire ne dispensait pas, en l’espèce, la directrice de l’agence régionale de santé de l’obligation d’indiquer, dans la décision contestée, les faits finalement retenus à l’issue de la procédure et justifiant la sanction infligée ainsi que les modalités précises de détermination du montant de celle-ci ; » (CAA NANTES, 2 juin 2015, N°13NT01772)

Voir également en ce sens :

« 3. Considérant qu’une sanction financière prononcée en application de l’article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale constitue une décision administrative infligeant une sanction qui doit être motivée au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; qu’en l’espèce, la délibération n° 2009/279 du 9 décembre 2009, qui se borne à mentionner, après avoir visé, en particulier, le rapport de contrôle établi par l’unité de coordination régionale du contrôle externe faisant apparaître  » des manquements aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l’article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale pour les GHS 8047, GHS 8298 « , ainsi que la notification du rapport de contrôle adressée au centre hospitalier universitaire de Grenoble par l’unité de coordination régionale du contrôle externe du 24 février 2009 et la notification de la sanction financière envisagée du 23 octobre 2009, que  » les motifs justifiant les sanctions financières envisagées ne sont pas remis en cause « , n’indique pas la période du contrôle, ni celle des facturations, ni ne précise le détail et le nombre des manquements constatés lors du contrôle dans les GHS en cause ; que la motivation ne saurait être apportée par référence aux informations contenues dans la lettre du 23 octobre 2009 du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, faisant état de la sanction envisagée et des motifs la justifiant, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il s’agisse des motifs effectivement retenus par la commission exécutive, seule autorité compétente pour prononcer la sanction financière et alors que le détail des anomalies ne figure pas davantage dans cette lettre, qui se borne à mentionner le pourcentage global des surfacturations retenu dans chacun des GHS sans indiquer le nombre de manquements constatés et sur la base desquels ont été déterminés lesdits pourcentages ; que pour la même raison, les informations figurant dans la lettre de notification du 17 décembre 2009 du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, à laquelle d’ailleurs la délibération de la commission exécutive du 9 décembre 2009 n’était pas jointe, ne sauraient suppléer l’insuffisance de motivation de cette délibération ; » (CAA LYON, 19 février 2015, n°13LY02375)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit pénal de l’urbanisme : caractères réel et complémentaire de la remise en état des lieux

Il résulte de l’article 131-11 du Code pénal que seules les peines complémentaires peuvent être prononcées à titre principal.

La Cour de cassation a ainsi censuré l’arrêt qui après avoir déclaré le prévenu coupable d’avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire, a ordonné à titre de peine principale et sous astreinte, la mise en conformité des lieux et la démolition des constructions irrégulières. (Cass. crim., 15 janv. 2013, n° 12-84.666 : JurisData n° 2013-001630.)

En effet, la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces  derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et non des sanctions pénales.

Voir également en ce sens :

« Mais attendu que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales. »(Cass. Crim., 6 novembre 2012, N° 12-82.449, 6606, Numéro JurisData : 2012-025741)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de la santé : découverte de produits stupéfiants et secret médical

Lorsqu’un établissement de santé découvre en son sein des produits stupéfiants illicites, il lui appartient de s’en dessaisir au profit des forces de l’ordre lesquelles vont ensuite tenter de découvrir leur véritable propriétaire.

Classiquement l’officier de police judiciaire va alors adresser à l’établissement une réquisition pour obtenir l’identité des personnes occupants la chambre où ont été découverts les produits stupéfiants.

La question se pose alors de savoir si l’établissement doit déférer à cette réquisition.

L’article 60-1 du Code de procédure pénale dispose sur ce point :

« Le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel… »

Il résulte de ces dispositions que seul un motif légitime peut permettre à l’établissement d’opposer le secret médical pour ne pas déférer à la réquisition.

Or, le fait de fournir les coordonnées du patient reviendrait à rompre du contrat de confiance entre :

  • l’établissement et le patient
  • envers les autres patients
  • la direction et les médecins tenus au secret médical

La rupture de ces liens de confiance qui constituent l’essence même de la relation que tentent de nouer les établissements dans leurs services, dans un but de guérison, pourrait nuire considérablement et durablement à l’accomplissement de leurs missions.

C’est pourquoi, il peut être utilement soutenu qu’il existe dans l’intérêt des patients, de l’établissement et du service plusieurs motifs légitimes qui peuvent légitimement conduire un établissement à invoquer le secret médical pour ne pas déférer à la réquisition.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Intercommunalité : Qui est responsable des sinistres antérieurs au transfert d’une compétence ?

A l’instar des départements qui se sont vus confier la responsabilité en matière de voirie, le Conseil d’Etat vient de considérer que le transfert de la compétence  » assainissement et eau  » entraîne l’engagement de la responsabilité de l’établissement public de coopération intercommunale y compris pour les sinistres survenus antérieurement au transfert.

 » Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 3, la compétence  » assainissement et eau  » a été transférée de plein droit aux communautés urbaines en vertu de l’article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 5215-39 du même code :  » A compter de la date du transfert des compétences à la communauté urbaine, celle-ci prend en charge le service de la dette des communes, syndicats de communes compris dans l’agglomération, ainsi que les obligations de ces collectivités ou établissements publics à raison des compétences transférées  » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une communauté urbaine ne peut, à compter de la date du transfert des compétences, appeler une collectivité ou un établissement public à la garantir des condamnations prononcées contre elle pour des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant ou après la date du transfert ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la communauté urbaine  » Marseille Provence Métropole  » était seule responsable des dommages s’étant produits avant même le transfert de compétence ; «  (Conseil d’État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 04/12/2013, n°349614)

Jérôme MAUDET