Droit de la construction : L’intérêt du référé préventif en droit administratif

A l’occasion de travaux publics, il peut être intéressant pour une commune ou l’un de ses mandataires, de faire établir un constat des propriétés avoisinantes afin de prévenir toute contestation ultérieure.

Un constat d’huissier est envisageable ainsi qu’une expertise amiable réalisée par un homme de l’art.

Toutefois, ces deux méthodes sont loin de pouvoir rivaliser avec une expertise judiciaire contradictoire.

En effet, une telle expertise sera opposable aux parties à la cause et la mission confiée à l’homme de l’art pourra se poursuivre pendant toute la durée des travaux.

En outre, en cas de difficulté de quelque nature que ce soit, il pourra en être référé au juge en charge du contrôle des expertise.

Dans le cadre de travaux publics, la compétence juridictionnelle pour désigner un expert aux fins de constat préventif appartient au juge adminsitratif.

Le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d’avocat et même en l’absence d’une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction.

L’article R. 532-1 du Code de justice administrative dispose en effet que :

« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction.

Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l’exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l’état des immeubles susceptibles d’être affectés par des dommages ainsi qu’aux causes et à l’étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission.

Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d’avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. »

La mission de l’expert proposée au Tribunal dépend de différents paramètres et notamment de la configuration des lieux et des protagonistes (copropriété, centre ville, campagne….)

L’objectif est de faire dresser un état descriptif et qualitatif des immeubles riverains.

Ainsi, si des fissures apparaissent sur lesdits immeubles en cours de chantier, la collectivité devra prendre en charge les frais de réparation ou les faire supporter aux entreprises ou à son assureur.

Inversement les fissures préexistantes ne pourront donner lieu à aucune demande de la part des riverains.

Il est également intéressant de solliciter du juge des référés que l’expert puisse s’adjoindre les conseils d’un sapiteur dans des cas précis (risque de pollution voire d’effondrement, milieu sensible….).

Dans le cadre d’une telle procédure les collectivités ont souvent intérêt à rendre opposables les opérations d’expertise aux entreprises en charge des travaux.

Du point de vue de la procédure, et à l’inverse de la procédure judiciaire, c’est le greffe du Tribunal qui se charge de la notification des requêtes aux défendeurs et non un huissier.

Le coût pour la collectivité s’avère donc moins important que dans le cadre d’une procédure initiée sur le fondement des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile.

Aucune consignation ne sera exigée avant le début des opérations d’expertise.

Le montant des frais d’expertise sera fixé par ordonnance de taxe qui intervient après le début des opérations d’expertise, voire même après le dépôt du rapport.

En règle générale, il convient de prévoir un délai d’environ un mois entre le dépôt de la requête et la désignation d’un expert judiciaire.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES

 

Chute sur la voie publique et responsabilité de la collectivité

La victime d’une chute sur la voie publique est en droit, en sa qualité d’usager, de demander réparation à la collectivité à raison du préjudice qu’elle estime avoir subi.

La victime devra toutefois démontrer que sa chute est due à un défaut d’entretien normal de la voie publique.

Le juge administratif exige que l’imperfection de la voie excède les sujétions normales auxquelles doivent s’attendre les piétons.

Ainsi, une saillie de 2 centimètres a été jugée insuffisante :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la chute de Mme B… a été provoquée par une des dalles en pierre de la chaussée qui était partiellement descellée et qui faisait ainsi saillie sur la voie publique ; que si la chute a eu lieu de nuit, il ne résulte pas de l’instruction que l’éclairage de la rue, composé notamment de deux lanternes situées de part et d’autre du lieu de l’accident, aurait été insuffisant ; que les photographies produites par la requérante concordent avec l’attestation établie par la responsable du service voirie de la commune faisant état de ce qu’une dalle descellée, comme celle ayant causé la chute, crée un dénivelé de 2 cm au maximum ; qu’une telle imperfection du sol restait d’une ampleur limitée et était suffisamment visible par un piéton normalement attentif ; qu’ainsi, cette saillie n’a pas constitué, en l’espèce, un danger tel qu’elle puisse être regardée comme un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public de nature à engager la responsabilité de la commune, quand bien même la présence de cette légère défectuosité ne faisait pas l’objet d’une signalisation particulière à l’attention des usagers de la voie ; » (CAA de LYON, 6ème chambre – formation à 3, 24/04/2014, 13LY01941).

Voir également en ce sens pour une saillie de 2,5 cm :

« Sur la responsabilité :

3. Considérant qu’il appartient à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l’ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

4. Considérant que M. C…soutient que, le 25 février 2007 aux environs de 11 heures alors qu’il circulait à pied rue Lisette à Allauch, il a buté et glissé  » sur une plaque métallique rendue glissante par le froid et la pluie « , il n’a pu  » se rattraper du fait de l’affaissement du pavage  » et qu’il  » s’est sérieusement blessé du fait de la disjonction des pavés  » ; qu’à supposer que la chute dont a été victime M. C…en pleine journée ait été provoquée par les déformations de la chaussé pavée, il résulte de l’instruction que les différences de niveau de la chaussé relevées par constat d’huissier, au demeurant plus de quatre ans après les faits, qui atteignent 5,5, 6 et 7 centimètres en certains endroits de la chaussée, trouvent leurs causes soit dans l’existence d’une pente naturelle et régulière, soit dans la présence d’une rigole destinée à faciliter l’évacuation des eaux pluviales ; que, par ailleurs, les attestations de riverains qui mentionnent que cette rue  » serait à refaire car elle est vraiment dangereuse « , qu’elle est  » très pentue et pavée de manière très inégale  » et que  » quand il pleut, l’eau accentue les détériorations et la dangerosité de cette voie  » ne sont pas de nature à établir l’existence d’un défaut d’entretien normal de la voie publique ; qu’enfin, il résulte de l’instruction que ces obstacles, y compris la présence d’une bouche à clé formant sur la voie une saillie de 2,5 centimètres, n’excédaient pas par leur nature ou leur importance ceux que les usagers de la voie publique doivent normalement s’attendre à rencontrer ; que, par suite, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole établit l’entretien normal de l’ouvrage public ; » (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 2ème chambre – formation à 3, 31/10/2013, 11MA02752)

Ou encore :

« 3. Considérant que MmeA…, alors âgée de 70 ans et résidant au 4 de la rue de la Dime à Maillane, soutient être tombée le 7 avril 2004 à hauteur du n°6 de cette rue après avoir heurté une  » bouche à clé  » qui faisait saillie sur la voie publique et que la SEERC doit être déclarée responsable des conséquences dommageables de cet accident en invoquant, à titre principal, sa qualité de tiers par rapport à l’ouvrage public en cause et, à titre secondaire, sa qualité d’usagère de ce même ouvrage public pour défaut d’entretien normal ;

4. Considérant, qu’il appartient à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l’ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

5. Considérant que Mme A…établit avoir chuté le 7 avril 2004 au niveau du n°6 de la rue de la Dime en heurtant une  » bouche à clé « , incorporée à la voie publique et à l’égard de laquelle elle avait la qualité d’usager, par la production de l’attestation rédigée le 18 avril 2004 par le témoin des faits et du certificat médical établi le 21 avril 2004 par le centre hospitalier d’Avignon où elle a été admise le jour de son accident en vue du traitement de sa fracture ouverte de l’humérus droit ; qu’il résulte de l’instruction et notamment des trois procès-verbaux de constat dressés par huissier les 14 avril 2004, 22 septembre 2004 et 14 septembre 2011 à la demande de Mme A…que la  » bouche à clé  » en litige dépassait du sol de la voie publique de deux centimètres environ ; qu’ainsi, cette défectuosité n’excédait pas celles que doit s’attendre à trouver sur sa route un usager normalement attentif de la voie publique et contre lesquelles il lui appartient de se prémunir par un comportement normalement prudent et attentif ; qu’en outre, la chute s’est produite à proximité immédiate du domicile de l’intéressée qui ne pouvait ignorer l’état des lieux ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les conditions de visibilité auraient été mauvaises, l’accident s’étant produit au mois d’avril et en journée même si Mme A…n’indique pas l’heure précise à laquelle il est survenu dès lors qu’elle fait valoir qu’elle venait de quitter son domicile pour effectuer ses courses au super marché du village ; qu’en outre, malgré l’absence de trottoir, la largeur de la voie publique lui permettait de contourner sans difficulté cet obstacle ; que dans ces conditions, Mme A…n’est pas fondée à soutenir qu’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage incorporé à la voie publique et à l’égard duquel elle avait la qualité d’usagère, serait à l’origine de sa chute ; » (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 2ème chambre – formation à 3, 19/09/2013, 11MA03123)

Même en présence d’une saillie suffisante (5 cm) la faute de la victime est susceptible d’exonérer totalement ou partiellement la collectivité de sa responsabilité :

« Sur la responsabilité :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la tranchée incriminée a été creusée dans une rue de la commune de Merlimont pour l’extension du réseau de gaz ; que les travaux ont été réalisés par la SLTP pour le compte de la société GRDF, maître d’ouvrage ; que la société ARTOIS COORDINATION SECURITE assurait la mission de coordonnateur-sécurité ; que cette tranchée, partiellement remblayée dans l’attente de la pose d’enrobé, présentait une profondeur évaluée, selon le procès-verbal de gendarmerie, à 5 centimètres et longeait la chaussée sur une longueur d’environ 30 mètres, avant de la traverser ; qu’il est constant que cet obstacle ne faisait l’objet d’aucune signalisation ; qu’ainsi, en l’absence de tout autre élément de preuve de nature à remettre en cause l’appréciation portée sur la profondeur de l’excavation, et alors même qu’aucun autre accident n’a été signalé à cet endroit, celle-ci excédait les obstacles que les usagers doivent s’attendre à rencontrer en circulant sur la voie publique ; que, dans ces conditions, la commune de Merlimont n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’entretien normal de la voie publique ;

Considérant, toutefois, que l’accident de M. A s’est produit le 27 mars 2005 sur l’avenue Adolphe Leroy vers 9 heures 50, alors que les conditions météorologiques étaient bonnes et que l’obstacle, ainsi que l’indique lui-même M. A, était parfaitement visible ; qu’il résulte de l’instruction, notamment des déclarations de l’intéressé, qu’il a roulé dans la tranchée et qu’il a  » continué dans cette saillie pour [se] retrouver sur la gauche de la chaussée face à [son] sens de marche  » ; qu’il ressort de la configuration des lieux, qui étaient connus de la victime, qu’il était possible de circuler sur la chaussée le long de la tranchée, et ce, alors même que celle-ci traversait l’avenue ; que, dès lors, M. A n’a pas su adapter sa conduite en vélo au danger représenté par la tranchée en cause et a, ainsi, manqué à l’obligation de prudence à laquelle il était tenu en sa qualité d’usager de la voie publique ; que cette faute de M. A est de nature à exonérer totalement de sa responsabilité la commune de Merlimont, seule responsable de l’entretien de la voirie communale ; que la commune est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif l’a condamnée à indemniser M. et Mme A ; »  (Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre – formation à 3, 27/03/2012, 11DA01040)

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit de propriété : qui peut juger l’implantation irrégulière d’un ouvrage public ?

L’atteinte au droit de propriété relève en principe du juge judiciaire.

La question de la responsabilité d’une personne publique ou d’une entreprise chargée d’une mission de service public relève, quant à elle, de la compétence du juge administratif.

En présence d’une voie de fait, le juge judiciaire retrouve toutefois sa compétence.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que, dès lors que les requérants se prévalent d’une emprise irrégulière qui ne peut pas se rattacher à un pouvoir de l’administration, seul le juge judiciaire a vocation à connaître d’une telle demande.

Voir en ce sens, pour un exemple nantais :

 « Considérant que la requérante ne soutient pas, et qu’il ne ressort pas du dossier, que l’empiètement allégué aurait été autorisé par une décision ou un acte administratif dont il appartiendrait à la juridiction administrative de connaître ; Que dans ces conditions, dans la mesure où le fait invoqué comme origine du préjudice est susceptible de constituer une emprise irrégulière sur une propriété privée, le litige relève de la compétence du juge judiciaire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. » (TA NANTES, 24 mai 2012 n°0905137)

Par un arrêt du 18 février 2015, la Cour de cassation est toutefois venue préciser que la circonstance que l’ouvrage soit mal implanté n’est pas, à elle seule, constitutive d’une voie de fait :  

« Vu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X… ont assigné la société Electricité réseau distribution de France (ERDF), sur le fondement de la voie de fait, aux fins de la voir condamnée à procéder à l’enlèvement du poteau électrique implanté sur une parcelle de terrain leur appartenant ; que la société ERDF a soulevé l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Attendu que pour rejeter cette exception d’incompétence, l’arrêt, après avoir relevé qu’il n’était pas contesté que le poteau électrique litigieux fût un ouvrage public, énonce que si les juridictions judiciaires ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et lorsqu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration, la cour d’appel a violé le principe et les textes susvisés ; » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 Février 2015 – n° 14-13.359, 193).

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES

 

Droit pénal de l’urbanisme : délais de transmission des procès-verbaux

Les infractions au Code de l’urbanisme doivent être constatées par un agent assermenté dûment habilité à cet effet.

En principe, le Procès-Verbal d’infraction doit être transmis au Parquet avant l’expiration d’un délai de 3 jours.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les trois jours au plus tard, y compris celui où ils ont constaté le fait, objet de leur procès-verbal. »

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

Il n’en demeure pas moins préférable de respecter le délai de 3 jours pour éviter tout débat inutile sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : subventions et conseillers municipaux intéressés

Il est souvent délicat de distinguer l’intérêt de la commune dans son ensemble et l’intérêt personnel de un ou plusieurs élus.

Cette difficulté, est renforcée par le fait que la jurisprudence administrative n’a jamais dégagé de définition précise de la notion d’intérêt personnel à l’affaire.

L’article L.2131-11 du Code général des collectivités territoriales dispose que :

« sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Le Conseil d’Etat considère de manière générale que l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec « les intérêts de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16 décembre 1994, req. n°145370).

Cependant, la simple présence du conseiller municipal ne suffit pas à remettre en cause la légalité de la délibération du conseil municipal.

Le juge administratif vérifie si la participation de l’élu a été de nature à lui permettre d’exercer une influence sur le résultat du vote.

L’existence d’une influence de l’élu sur le résultat du vote fait l’objet d’une appréciation par le juge administratif au regard du cas d’espèce.

L’influence effective sur le résultat du vote est appréciée souplement par la jurisprudence.

Voir en ce sens pour une illustration récente :

« Sur le moyen tiré de la participation au vote d’un conseiller municipal intéressé : 

  1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ; 
  2. Considérant qu’à supposer même que l’un des conseillers municipaux ayant participé à l’adoption de la délibération attaquée aurait été personnellement intéressé au classement de parcelles lui appartenant, cette circonstance est restée sans influence sur le classement des parcelles appartenant aux requérants ; que, par suite, le moyen fondé sur les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ; » (CAA DOUAI, 5 mars 2015, N°13DA02153)

Il faut donc que l’influence de l’élu intéressé ait été effective, c’est-à-dire que sa participation ait été de nature à exercer une influence décisive sur le résultat du vote.

S’agissant de l’intérêt personnel des élus à l’affaire, l’article L.2123-11 précité prohibe la participation au vote d’un élu qui pourrait être directement intéressé par la délibération.

Il est préférable que le conseiller municipal membre actif d’une association ne peut puisse participer à une délibération la concernant. Cette affirmation doit toutefois être nuancée :

« Considérant qu’aux termes de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales : Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ; que cependant, dès lors que l’association dont s’agit présente un intérêt communal, et que ses membres ne peuvent en retirer aucun bénéfice personnel, la circonstance que le maire de la commune en soit le président et que plusieurs conseillers municipaux fassent partie de son conseil d’administration n’est pas de nature à les faire regarder comme étant intéressés au sens des dispositions précitées ; » (CAA MARSEILLE, 16 septembre 2003, n°99MA01085).

Par ailleurs, le lien de parenté de l’élu ou du conseiller avec des personnes intéressées n’est pas, à lui seul, de nature à établir l’existence d’un intérêt personnel :

« 5. Considérant, (…) que si M. Ducros de Lafarge de Romefort fait état de ce que la belle-soeur et les neveux et nièces de Mme C…conseillère municipale, sont propriétaires en indivision du bien dont l’acquisition fait l’objet des délibérations litigieuses et que l’époux de cette dernière serait notoirement attaché à la réalisation du projet d’ouverture d’un bar, il ne ressort pas des pièces du dossier, que Mme C…aurait influencé le vote du conseil municipal ; qu’en tout état de cause, l’existence d’un lien de parenté avec une personne dont les intérêts sont concernés par l’objet d’une délibération ne suffit pas, à elle seule, à faire regarder un conseiller municipal comme personnellement intéressé à l’affaire dont il est délibéré par le conseil municipal, au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ; » (CAA LYON, 11 Juillet 2013, N° 12LY01336).

Toutefois, l’existence d’un lien de famille entre l’un des architectes désignés pour l’élaboration du POS et le maire a ainsi pu être interprétée comme étant constitutive d’un intérêt personnel de ce dernier (CE, 10 juin 1992, n° 94644).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Trouble du voisinage : perte de vue et d’ensoleillement

La construction d’une extension crée généralement des désagréments aux voisins déjà installés sur place.

Ces désagréments s’ils sont constitutifs d’un trouble ne sont pas, pour autant, constitutifs d’un trouble anormal du voisinage.

La Cour d’appel de MONTPELLIER a d’ailleurs estimé que l’obstruction d’une vue, à la supposer même « imprenable », ne constitue pas, à elle seule, un trouble anormal de voisinage :

« la vue dont jouit un propriétaire depuis sa maison n’est pas un droit susceptible en lui-même de protection tant qu’il n’y a pas de troubles dépassant l’inconvénient normal de voisinage.

Ainsi, en achetant un chalet implanté sur le lot No33 du « Lotissement du Lac», Les consorts Y… ne pouvaient ignorer que la « vue exceptionnelle sur le lac de MATEMALE et sur les Pyrénées » dont ils jouissaient n’était nullement garantie, et constituait un avantage précaire qui cesserait tôt ou tard lorsqu’une construction serait édifiée sur la parcelle voisine encore non bâtie du même lotissement, le fait que leur maison ait été édifiée en premier ne leur conférant aucune prééminence, aucun droit de s’opposer à des constructions ultérieures sur les fonds voisins.

En d’autres termes, la perte d’agrément – voire même de 25 % de la valeur de leur bien ainsi qu’ils le prétendent – pouvant résulter de la réduction de la vue causée par l’implantation du nouvel immeuble, ne peut être considérée en soi comme un trouble anormal ou excessif, dans la mesure où elle ne procède que de l’exercice du droit légitime du propriétaire voisin de construire dans le respect des règles en vigueur, sauf aux époux Y… à rapporter la preuve de circonstances particulières démontrant un abus de ce droit, générateur de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Or force est de constater qu’ils se bornent à faire valoir que leur vue s’arrête désormais à la façade de ce bâtiment qui masque le panorama, mais n’apportent aucun élément concret permettant de démontrer que ce trouble présente un caractère anormal ni que l’immeuble n’a pas été édifié conformément au permis de construire et aux prescriptions d’urbanisme. Au contraire, les photographies produites révèlent que la construction qui les prive en partie de la vue sur le lac n’est pas un bâtiment particulièrement inesthétique, ou encore d’une hauteur de nature à générer un sentiment d’enfermement, mais un chalet en bois d’un étage de belle facture apparente, dans le style du pays.

Ne rapportant pas dès lors la preuve de l’existence des troubles anormaux de voisinage qu’ils invoquent, les consorts Y… seront en conséquence déboutés de toutes leurs demandes. »  (CA MONTPELLIER, 3 juin 2008, N°07/4081).

S’agissant de la perte d’ensoleillement, la jurisprudence a coutume de rappeler que les avantages dont bénéficie un propriétaire, tels qu’une vue dégagée ou un ensoleillement important, ne sont pas des droits acquis, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 avril 1993), que M. X… ayant édifié une construction en limite de sa propriété, contiguë à celle de M. Y…, ce dernier se plaignant d’une diminution de l’ensoleillement et de l’éclairement, l’a assigné en dommages-intérêts en invoquant un trouble anormal de voisinage ; (…)

Mais attendu que l’arrêt retient que M. Y… n’est pas fondé à se plaindre d’une diminution de l’ensoleillement et de l’éclairement de sa maison par suite de l’extension de la construction de M. X… en limite de sa propriété et de la perte d’un avantage nécessairement précaire au centre d’une agglomération très peuplée, cet inconvénient ne constituant pas en de telles circonstances un trouble anormal de voisinage ; » (Cass. Civ. 2, 3 mai 1995, pourvoi: N°93-15920)

La Cour d’appel de CAEN a d’ailleurs rappelé qu’en dépit d’une perte d’ensoleillement avérée, la construction d’un hôtel n’est pas de nature à justifier une action pour trouble anormal du voisinage.

« Ne constitue pas un trouble anormal de voisinage l’édification, sur un terrain jouxtant l’immeuble des revendiquants, d’un hôtel.

 En effet, les propriétaires d’appartements n’ont d’une part aucun droit acquis opposable à la société d’investissement de bénéficier d’une vue sur la mer telle qu’elle empêche la construction d’un immeuble de 3 ou 4 étages. (…)

Enfin, sur l’ensoleillement, dans une zone relativement urbanisée, une perte d’ensoleillement en fin de soirée est dans l’ordre des choses, étant observé que la clarté peut continuer sans ensoleillement direct. » (Cour d’appel de Caen, 17 Mars 2009, N°07/03576).

Par un arrêt du même jour la Cour d’appel de MONTPELLIER a confirmé cette position :

« la perte d’ensoleillement, limitée, qui procède de l’exercice du droit légitime du propriétaire voisin d’édifier une maison, ne constitue pas, alors que les constructions sont situées dans un milieu urbain et constructible où nul ne dispose d’un droit acquis sur l’environnement et où chacun peut s’attendre à être privé d’un avantage en fonction de l’évolution du contexte, un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ouvrant droit à réparation. » (Cour d’appel de MONTPELLIER, 17 mars 2009, N° 07/03576).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Droit des collectivités : décision illégale et responsabilités de la commune et de ses agents

Toutes les irrégularités sont fautives et sont susceptibles d’engager la responsabilité de la collectivité voire de ses agents :

Ainsi, la délivrance d’un permis de construire en zone inondable constitue une faute (CE, 2 oct. 2002, n°232720), nonobstant le fait que le bénéficiaire du permis ait connu ce risque :

« Considérant, en second lieu, que si les requérants connaissaient le caractère inondable de la partie du terrain classée au plan d’occupation des sols en zone ND 1, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre pour avoir sollicité la délivrance d’un permis de construire pour un projet dont l’implantation était prévue sur la partie de ce terrain classée en zone NB 2, où des constructions étaient autorisées, conformément d’ailleurs aux énonciations du certificat d’urbanisme qui leur avait été délivré le 24 juillet 1992 ; que si les requérants n’ont pas entièrement réalisé les travaux de remblais qu’ils avaient prévus, ce fait, postérieur à la délivrance de l’autorisation de construire en litige et distinct de la faute commise par la commune, n’est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité eu égard au fondement juridique de l’action en responsabilité introduite par les requérants. » (CAA Marseille, 10 avr. 2003, N° 99MA00108)

En principe, doit en premier lieu être recherchée la responsabilité administrative de la commune par l’intermédiaire de son maire.

La responsabilité des services instructeurs n’est que secondaire et ne peut être recherchée que dans un second temps :

– soit par la collectivité à laquelle ils appartiennent dans l’hypothèse d’une faute personnelle,

– soit par la collectivité qui a dû répondre de l’illégalité fautive.

Voir notamment en ce sens, la réponse ministérielle du 13 mars 2000, à propos de la responsabilité des services instructeurs de l’Etat (JOAN 13 mars 2000, en réponse à une question écrite n°36684) :

« A la suite de la décentralisation des compétences en matière d’urbanisme opérée en 1983, a été posé le principe de la compétence du maire pour délivrer, au nom de la commune, les permis de construire et les autres autorisations ou actes relatifs à l’utilisation et à l’occupation du sol, dès lors que la commune est dotée d’un plan d’occupation des sols approuvé. Pour exercer cette compétence et instruire les dossiers correspondants, il peut être tout d’abord fait appel aux moyens propres des communes. Ainsi, l’existence d’un service d’urbanisme est systématique dans les très grandes villes, la consistance et les effectifs du service variant ensuite selon les situations locales pour les communes de moindre importance. Pour les petites communes dépourvues de services techniques suffisants, la question des moyens humains peut se résoudre notamment par le recours à la coopération intercommunale ou par la mise à disposition de la commune des services extérieurs de l’Etat. (…) lorsqu’ils instruisent un dossier pour le compte d’une commune, les services de l’Etat engagent la responsabilité de la commune. Ainsi, dans le cas où le maire, au nom de la commune, prendrait une décision qui serait contraire aux lois et aux règlements sur la base d’un avis erroné des services de l’Etat et causerait un préjudice, la responsabilité de la commune serait normalement engagée en cas de plein contentieux.

Ceci étant, plusieurs éléments doivent être soulignés, indépendamment de la souscription par la commune d’une assurance pour se garantir contre les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations précitées qui fait d’ailleurs l’objet d’une compensation financière de l’Etat au titre de la dotation générale de décentralisation.

(…) la responsabilité de l’Etat pourrait elle-même être engagée envers la commune dans le cas où le service instructeur aurait commis une faute dans le cadre de cette instruction. … »

Ce n’est qu’en cas de faute personnelle que la responsabilité de l’agent est susceptible d’être recherchée.

Or, la jurisprudence a précisé que, quelle que soit sa gravité et même si elle constitue une infraction pénale, une faute personnelle commise par un agent de l’Administration est susceptible d’engager la responsabilité de cette dernière, dès lors qu’elle a été commise non pas dans l’intérêt personnel de cet agent, mais dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, et donc qu’elle n’est pas détachable du service (T. confl., 19 oct. 1998, n° 3131, préfet Tarn : BJDU 1998, p. 469).

Dans cette affaire, un agent de la DDE avait procédé à la falsification des documents graphiques d’un POS à la demande du maire afin de réduire l’emprise d’un espace boisé classé.

Ce faisant, il a engagé la responsabilité administrative de la commune au nom de laquelle sont délivrés les permis de construire outre sa propre responsabilité pénale.

La notion de faute personnelle détachable du service est appréhendée de façon relativement restrictive par la jurisprudence.

En dehors des agissements touchant la vie privée de l’auteur de la faute, la faute personnelle ne recouvre en réalité que deux grandes hypothèses : 

– la première est celle de la faute commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, mais qui s’en détache psychologiquement à raison de l’intention maligne dont elle procède.

– la seconde est celle où l’agent commet une faute professionnelle d’une gravité telle qu’elle se détache de l’exercice de son mandat.

D’une manière générale, la mise en cause de la responsabilité des agents demeure exceptionnelle.

En effet, coexistent fréquemment une faute personnelle ou une faute de service caractérisée par un fonctionnement défectueux du service.

Si la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service, c’est la collectivité qui devra prendre en charge les conséquences financières de la faute de son agent.

S’il venait à être poursuivi, l’agent pourrait demander à bénéficier de la protection fonctionnelle.

L’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dispose en effet que :

« Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.

Lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.

La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d’une action directe qu’elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires. »

Par un arrêt du 20 avril 2011, le Conseil d’État a rappelé que le bénéfice de la protection fonctionnelle instituée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne peut être refusé à un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire qu’en cas de faute personnelle, lorsque sa responsabilité pénale est engagée, ou pour un motif d’intérêt général, lorsqu’il est victime d’attaques dans l’exercice de ses fonctions (CE, 20 avr. 2011, n° 332255, M. Bertrand : JurisData n° 2011-006522 ; JCP A 2011, act. 324).

En complément de la protection fonctionnelle, la responsabilité civile des agents est susceptible d’être couverte par un contrat d’assurance.

Ce contrat est indépendant du contrat de responsabilité civile de la commune.

La garantie s’applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité personnelle encourue par l’élu ou l’agent assuré vis-à-vis des tiers.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit des collectivités : responsabilité pénale des agents

Les agents publics sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales pour les infractions qu’ils seraient susceptibles de commettre à l’occasion de leurs fonctions.

Le droit pénal français obéit au principe de légalité des délits et des peines : les crimes et délits sont déterminés limitativement par la loi, et nul ne peut être poursuivi pour un fait ou un comportement qui ne soit pas caractérisé par un texte comme constitutif d’une infraction.

Les qualifications sont diverses :

  • Prise illégale d’intérêt,
  • Délit de favoritisme,
  • Concussion,
  • Faux en écriture publique,
  • Mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation particulière de prudence…

C’est à l’agent poursuivi qu’il reviendra d’assumer les conséquences pénales de ses actes et en particulier le paiement d’une éventuelle amende laquelle ne pourra pas être prise en charge par une quelconque assurance.

En matière de responsabilité pénale, le critère du rattachement de la faute à l’accomplissement du service est inopérant.

La décision est examinée en tant que telle aux fins d’apprécier si elle est ou non constitutive de l’infraction.

La responsabilité pénale de l’agent public pourra en conséquence être engagée, même à raison d’une faute de sa part qui n’est pas détachable du service.

Tout agent intervenant de manière déterminante dans l’élaboration d’un acte administratif est susceptible de faire l’objet de poursuites pénales.

Or, dans les collectivités locales, les services sont très largement associés à l’élaboration des actes.

Comme en matière de marchés publics, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est une opération complexe qui nécessite l’addition de compétences administratives, juridiques et techniques.

De ce fait, la procédure implique généralement la collaboration de plusieurs personnes, ce qui peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité pénale de plusieurs intervenants à cette procédure.

Les personnes qui ont concouru à l’élaboration de l’acte sans en être directement l’auteur peuvent néanmoins être entendues dans le cadre d’une procédure pénale, voire être poursuivis au titre de la complicité pour certains délits.

Pour qu’elles soient susceptibles d’être poursuivies, il convient d’apprécier si elles ont accompli des actes ayant influencé la prise de la décision.

L’article 122-4 du Code pénal prévoit que :

« n’est pas pénalement responsable la personne qui accompli un acte commandé par l’autorité légitime. »

Ce principe ne souffre qu’une limite, en droit pénal, l’hypothèse où l’ordre donné est manifestement illégal.

Voir notamment en ce sens une réponse ministérielle du ministère de l’équipement du transport et du tourisme publiée au journal officiel de l’Assemblée nationale du 9 janvier 1995 :

« En particulier, il est clair qu’un agent de l’Etat ne saurait participer à l’établissement d’un acte illégal sans porter atteinte à ses devoirs et sans risquer d’engager sa responsabilité pénale. Si donc le maire lui donnait des instructions qui ne lui paraitraient pas conformes au droit, le service instructeur ne pourrait que faire part au maire de son analyse et lui proposer un acte qu’il estime légal. Bien entendu, le maire garde son pouvoir d’appréciation et peut établir et délivrer l’acte qu’il souhaite s’il ne partage pas l’analyse du service instructeur. Les agents de ce service restent, en outre, placés sous l’autorité hiérarchique du chef du service de l’Etat auquel ils appartiennent. »

L’article 28 du statut général de la fonction publique subordonne l’engagement de la responsabilité pénale au fait que l’illégalité compromette gravement un intérêt public.

Cette condition est toutefois presque toujours remplie lorsqu’une sanction pénale est encourue.

Il appartient donc à l’agent qui aurait connaissance d’une illégalité de refuser de proposer une solution non conforme à la légalité, sous peine d’engager sa propre responsabilité.

Si l’auteur de l’acte venait à passer outre, seule sa responsabilité pourrait alors être utilement recherchée.

Pour se prémunir des risques, l’agent a toujours la possibilité de souscrire une assurance défense pénale et protection juridique.

Par cette garantie l’assureur s’engage généralement :

“à défendre devant les tribunaux répressifs, lorsqu’ils sont personnellement impliqués à l’occasion d’un dommage garanti par le présent contrat, le maire, les adjoints, les conseillers municipaux et les délégués spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions….”.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Expulsion : procédure d’exécution et contenu des décisions d’expulsion

Aux termes de l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution modifié récemment par la LOI n°2015-177 du 16 février 2015 – art. 11 (V)

« Seuls constituent des titres exécutoires :

 1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

 2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;

 3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

 5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ;

 6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. »

L’article 502 du Code de procédure civile précise pour sa part que :

 « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

En principe, il faut donc avoir obtenu la copie exécutoire du jugement pour qu’un huissier de justice puisse notifier ce jugement à la partie perdante.

Voir en ce sens pour un exemple récent, à propos d’une décision juridictionnelle rendue par un bâtonnier de l’ordre des avocats :

« Vu l’article 502 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution et l’article 153 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que selon le premier de ces textes, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire à moins que la loi n’en dispose autrement.(…)

Qu’en statuant ainsi, alors que, même exécutoire de droit à titre provisoire, la décision du bâtonnier (…) ne peut être exécutée que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 janvier 2014, 12-29.246, Publié au bulletin).

Les ordonnances de référé sont exécutoires de droit et à titre provisoire.

Il en résulte qu’un appel n’aura pas d’effet suspensif et que le débiteur de l’obligation doit s’exécuter dès qu’il a reçu signification de la décision.

Encore faut-il que l’ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire laquelle se présente comme suit en vertu de l’article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 :

« Au nom du peuple français « , et terminées par la formule suivante :

« En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

« En foi de quoi, le présent arrêt (ou jugement, etc.) a été signé par… »..

Il est toutefois possible pour le juge des référés de déroger à ces dispositions en précisant dans l’ordonnance que celle-ci est exécutoire sur minute et avant même enregistrement.

L’article 489 du Code de procédure civile :

 « L’ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire. Le juge peut toutefois subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522.

En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute. »

Ainsi, lorsqu’une ordonnance de référé a été déclarée exécutoire sur minute, le fait que cette minute n’ait pas été revêtue de la forme exécutoire est sans conséquence et permettra à l’huissier de procéder à la signification et à l’exécution immédiatement.

Cette exécution au seul vu de la minute est par ailleurs de droit en ce qui concerne les ordonnances sur requête conformément aux dispositions de l’article 495 du Code de procédure civile.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Fonction publique : nature du licenciement pour insuffisance professionnelle

Un licenciement pour insuffisance professionnelle n’a pas un caractère disciplinaire.

Il s’agit en effet de sanctionner l’agent lorsque les fonctions sont exercées d’une manière qui n’est pas satisfaisante indépendamment de toute considération de nature disciplinaire :

« Considérant (…) que le C.N.A.S.E.A., ayant constaté que M. du X… de KERORGUEN connaissait des difficultés pour assurer la bonne exécution des missions qui lui étaient confiées et pour gérer le personnel placé sous son autorité, a décidé, au motif que les statuts applicables au personnel de l’établissement ne prévoyaient que cette éventualité, de le licencier par application des dispositions de l’article 39-e, du décret du 30 décembre 1992 susrappelées, relatives aux sanctions réprimant les fautes de nature disciplinaire imputables aux agents dont s’agit ; que, contrairement à ce que soutient le C.N.A.S.E.A., les dispositions de l’article 43 (2 ), du même texte, également susrappelées l’autorisent à prononcer à l’encontre de son personnel, quelle que soit la nature de leur contrat, un licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, mesures qui ne constituent pas des sanctions disciplinaires, mais des modalités de cessation de fonctions applicables aux agents qui ne les exercent pas de manière satisfaisante ; qu’en prononçant la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité à l’encontre de M. du X… de KERORGUEN, au motif qu’aucune disposition du statut ne permettait de mettre fin à ses fonctions en raison de sa manière de servir, le directeur général du C.N.A.S.E.A. a commis une erreur de droit ;; (CAA Nantes, 29 mars 2001, n°99NT00823, n°00NT01464 et n°99NT02937).

Les règles procédurales sont en revanche identiques à celles d’un licenciement pour faute disciplinaire.

La collectivité devra notamment prendre l’avis de la commission paritaire.

Le juge administratif vérifie avec attention les motifs qui ont conduit la collectivité à prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle :

 « Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la décision contestée du président du syndicat mixte que le licenciement litigieux est fondé sur l’attitude d’insubordination répétée et de remise en cause de l’autorité hiérarchique manifestée par M. A ; qu’à cet égard, il est reproché à l’intéressé :  » une incapacité à respecter les consignes qui lui sont données, une volonté expresse de ne pas les respecter, une attitude de dénigrement du service, du chef de service et du directeur de l’exploitation, la contestation répétée des ordres donnés par le chef de manoeuvre, le chef de service, le directeur de l’exploitation, ou encore la directrice générale, une insatisfaction de l’encadrement direct sur [sa] manière de servir, l’impolitesse volontaire et récurrente à l’égard de l’encadrement  » ; que les autres faits retenus à l’encontre de M. A dans la décision de licenciement évoquent :  » le refus de déférer aux convocations de la directrice générale, le refus de prendre les courriers qui lui sont destinés, des remarques écrites et verbales désobligeantes, provocatrices, irrespectueuses proférées à l’égard du directeur de l’exploitation et de la directrice générale du syndicat mixte, le rejet manifeste des hiérarchies et la remise en cause permanente de l’organisation du travail mise en place par cette hiérarchie, des absences injustifiées, des décisions personnelles de modifier le planning  » ; que les faits décrits précédemment, qui correspondent à la méconnaissance d’obligations professionnelles en matière d’obéissance hiérarchique, de réserve et d’exécution des tâches découlant de l’emploi, sont constitutifs pour l’essentiel de fautes disciplinaires ; que de tels faits ne révèlent pas, de la part de M. A, une insuffisance professionnelle pour exercer les responsabilités attachées à ses fonctions, laquelle s’apprécie légalement au regard des fonctions que doit normalement accomplir un agent de son grade et pourvu de ses titres et peut comporter des éléments tels que notamment, l’incapacité de travailler en équipe, l’absence de rigueur dans l’exécution des tâches conférées, la lenteur et la médiocrité du travail réalisé, le manque d’éthique professionnelle ; qu’il suit de là que le SYNDICAT MIXTE DE PIERREFONDS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, comme fondée sur des motifs disciplinaires et entachée d’erreur de droit, la décision licenciant M. A pour insuffisance professionnelle ; » (Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 12 Juin 2012, N° 11BX03228)

Voir également en ce sens :

« 5- Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le maire de Bandol a voulu réorganiser en 2008 le service chargé de la communication de la ville en lui donnant la charge, non seulement de la rédaction et diffusion du journal municipal, mais également de missions en lien avec la politique communale d’animation et de tourisme ; qu’à cet égard, l’objet du contrat de M. B signé en juin 2008 était la mise en oeuvre de la politique de communication de la ville, la conception et diffusion des supports d’information, l’organisation de manifestations évènementielles, et la rédaction et diffusion du bulletin municipal ;

6- Considérant, en deuxième lieu, que le licenciement pour insuffisance professionnelle en litige est motivé par l’absence de force de proposition de l’intéressé dans la politique de communication, son incapacité à planifier et organiser les tâches, son refus de laisser à disposition des agents du service le véhicule de service, son non-respect des procédures internes et son absence de qualité rédactionnelle ; qu’il résulte de l’instruction que le grief susmentionné relatif au véhicule de service ne constitue pas la motivation principale de la décision attaquée, laquelle aurait été prise sans ce grief ;

7- Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’il est reproché à titre principal à l’intéressé, alors qu’il a été nommé chef de service sur un emploi de catégorie A, ses difficultés à prendre des initiatives, à participer à la mise en place des politiques communales avec l’équipe constituée par les autres chefs de service, à encadrer les agents de son service et à veiller à ce que la publication du journal communal ne comporte pas de faute d’orthographe ou de syntaxe ; que cette insuffisance professionnelle est suffisamment établie par les éléments versés au dossier par la commune intimée qui notamment fait état, sans être sérieusement contestée sur ce point, de l’absence de participation régulière de l’intéressé aux réunions de l’équipe de direction, alors même que ses fonctions de responsable de la communication comportaient une dimension fonctionnelle transversale ; que l’intéressé ne conteste pas sérieusement ses difficultés à assumer les fonctions qui lui ont été confiées en se contentant de soutenir qu’il a manqué de moyens en personnels et que le maire aurait dû le prévenir plus tôt au cours de l’été 2008, lors de la saison estivale, qu’il ne remplissait pas correctement sa mission contractuelle ; que dans ces conditions, le licenciement en litige n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation ; » (Cour administrative d’appel MARSEILLE, 9 novembre 2012, N°10MA03279).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES