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Collectivités : Précisions sur les modalités de mise en oeuvre du nouvel outil d’aide à la décision des collectivités locales (le rescrit préfectoral).

Publics concernés : collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics, services déconcentrés de l’Etat.

Objet : modalités de mise en œuvre des demandes de prise de position formelle adressées au représentant de l’Etat, préalablement à l’adoption d’un acte par les collectivités territoriales, leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics.

 

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique dite « Engagement et proximité » a pour fonction de répondre à quatre principaux objectifs :

  • Assurer une meilleure représentativité des communes dans la gouvernance de l’intercommunalité
  • Améliorer la flexibilité dans la répartition des compétences au sein du bloc communal
  • Accorder de nouveaux pouvoirs de police sur les incivilités du quotidien aux élus locaux
  • Promouvoir un véritable statut de l’élu en renforçant leurs droits et le rôle qu’ils jouent au quotidien dans leur commune

Dans cette perspective, la loi comporte plusieurs innovations.

L’article L.1116-1 du Code générale des collectivités territoriales prévoit notamment un rescrit en faveur des collectivités territoriales.

L’idée est de permettre aux collectivités d’obtenir une prise de position de l’administration avant l’entrée en vigueur de la décision qu’elle projette de mettre en œuvre.

Cet article dispose en effet que :

« Avant d’adopter un acte susceptible d’être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l’Etat chargé de contrôler la légalité de leurs actes d’une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif. La demande est écrite, précise et complète. Elle comporte la transmission de la question de droit sur laquelle la prise de position formelle est demandée ainsi que du projet d’acte.

Le silence gardé par le représentant de l’Etat pendant trois mois vaut absence de prise de position formelle.

Si l’acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l’Etat ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.»

Ainsi, si l’acte pris par la collectivité est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l’État ne peut plus le déférer au tribunal administratif, sauf changement de circonstances. Les modalités d’application de ce nouvel article doivent être fixées par un décret en Conseil d’État dont l’entrée en vigueur subordonne celle de la disposition législative, en application de l’article 1er du code civil.

Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif soit saisi par toute personne remplissant les conditions d’intérêt et de qualité à agir.

Le décret n°2020-634 du 25 mai 2020 portant application de l’article L. 1116-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la demande de prise de position formelle adressée au représentant de l’Etat est venu préciser les conditions de mise en application du rescrit préfectoral.

Il précise les modalités d’application de cette disposition législative.

Il organise la formalisation des échanges entre l’autorité de saisine et le représentant de l’Etat compétent au titre du contrôle de légalité de l’acte concerné, en fixant les conditions de la saisine du représentant de l’Etat et de la réponse portée à la connaissance du demandeur, en précisant le contenu de la demande et la procédure relative à la transmission de pièces complémentaires, et en fixant un point de départ au délai de trois mois au terme duquel le silence gardé par le représentant de l’Etat vaut absence de prise de position formelle.

La partie réglementaire du Code général des collectivités territoriales comporte désormais un nouveau chapitre.

CHAPITRE VI : Demande de prise de position formelle

Article R1116-1

« La demande de prise de position formelle mentionnée à l’article L. 1116-1 est transmise au représentant de l’Etat par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception. »

Article R.1116-2

« La demande de prise de position formelle est écrite et signée par une personne compétente pour représenter l’auteur de la demande.

Elle comprend le projet d’acte relevant des attributions du demandeur ainsi que la présentation claire et précise de la ou des questions de droit portant sur l’interprétation d’une disposition législative ou réglementaire directement liée au projet d’acte.

Elle est assortie d’un exposé des circonstances de fait et de droit fondant le projet d’acte ainsi que de toute information ou pièce utile de nature à permettre à l’autorité compétente de se prononcer.

Si la demande est incomplète, le représentant de l’Etat invite son auteur à fournir les éléments complémentaires nécessaires dans les mêmes formes que celles prévues à l’article R. 1116-1. »

Article R.1116-3 

« Le délai mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1116-1 au terme duquel le silence gardé par le représentant de l’Etat vaut absence de position formelle court à compter de la date de réception de la demande ou, le cas échéant, à compter de la date de réception des éléments complémentaires demandés. »

Article R.1116-4 

« La prise de position formelle est transmise au demandeur par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception. »

Article R.1116-5 

« Lors de la transmission de l’acte définitivement adopté au représentant de l’Etat ou, le cas échéant, au délégué dans l’arrondissement du représentant de l’Etat dans le département, dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité, l’auteur de la demande de prise de position formelle joint à l’acte transmis la prise de position formelle. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : modulation et report des effets d’une décision d’annulation par le juge administratif

Par un jugement du 4 octobre 2018, le Tribunal administratif de LYON a décidé d’annuler purement et simplement l’arrêté n°15-166 du Préfet de la région Rhône-Alpes du 10 juin 2015 relatif à la constitution de l’établissement public de coopération culturelle « Musée des Confluences ».

Rappelons qu’une décision annulée est réputée n’avoir jamais existé.

Dès lors, l’annulation d’une décision portant constitution d’un établissement implique, en principe, la disparition rétroactive de l’établissement concerné.

Toutefois, au regard des conséquences d’une telle annulation, la juridiction administrative Lyonnaise a décidé d’utiliser l’opportunité qui lui est offerte de reporter dans le temps les effets de cette annulation :

« 6. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation . Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.

7. Compte tenu des effets excessifs d’une disparition immédiate et rétroactive de la personnalité morale de l’établissement public de coopération culturelle « Musée des confluences », et en particulier des conséquences de cette disparition sur le maintien des relations contractuelles de l’établissement avec ses agents, les usagers et l’ensemble de ses partenaires, il y a lieu de différer l’effet de l’annulation jusqu’au 1er janvier 2019. » (TA Lyon, 4 octobre 2018 n°1507512)

 

Voir également en ce sens pour un arrêt de principe :

« Considérant, en revanche, que si la seule circonstance que la rétroactivité de l’annulation pourrait avoir une incidence négative pour les finances publiques et entraîner des complications pour les services administratifs chargés d’en tirer les conséquences ne peut, par elle-même, suffire à caractériser une situation de nature à justifier que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation, il résulte en l’espèce des pièces du dossier, et en particulier des réponses des parties à la mesure d’instruction ordonnée sur ce point par la 1ère sous-section chargée de l’instruction de l’affaire, que la disparition rétroactive des dispositions des arrêtés relatifs à la convention du 1er janvier 2001 autres que celles agréant les stipulations relatives à l’aide à la mobilité géographique, en faisant revivre les règles antérieurement en vigueur, serait à l’origine des plus graves incertitudes quant à la situation et aux droits des allocataires et des cotisants et pourrait provoquer, compte tenu des dispositions des articles L. 351-6-1 et L. 351-6-2 du code du travail relatives aux délais dans lesquels peuvent être présentées de telles réclamations, des demandes de remboursement de cotisations et de prestations dont la généralisation serait susceptible d’affecter profondément la continuité du régime d’assurance chômage ; qu’ainsi, une annulation rétroactive de l’ensemble des dispositions des arrêtés attaqués relatifs à cette convention aurait, dans les circonstances de l’affaire, des conséquences manifestement excessives ; que, dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l’annulation et, compte tenu de ce que les arrêtés attaqués n’ont produit effet que du 1er janvier au 31 décembre 2003 et ne sont, dès lors, plus susceptibles de donner lieu à régularisation, de disposer que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les effets des dispositions des arrêtés litigieux autres que celles qui agréent l’accord d’application n° 11 relatif à la convention du 1er janvier 2001 doivent être regardés comme définitifs ; » (CE, 11 mai 2004, n°255886)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : modalités de retrait des actes obtenus par fraude

Une décision illégale obtenue par fraude, doit être retirée sans condition de délai.

Le retrait d’une telle décision impose toutefois à l’administration de motiver sa décision et de respecter la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12avril 2000 désormais codifiée :

« Considérant que, quand bien même le permis de construire délivré à M. X a été obtenu par fraude et a ainsi perdu son caractère créateur de droit, ce qui permet son retrait à tout moment, cette circonstance ne dispense pas l’administration de motiver la décision qui en prononce le retrait et, par voie de conséquence, de respecter la procédure contradictoire imposée par les dispositions combinées de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations ; qu’il est constant que ni M. X ni la SCI LE CLOS BLEU VISION n’ont été invités par le maire de la commune de Saint Paul à présenter leurs observations avant le retrait des autorisations dont ils étaient bénéficiaires ; qu’ainsi cette décision de retrait prise à la suite d’une procédure irrégulière est entachée d’illégalité et doit être annulée ; » (Cour administrative d’appel, BORDEAUX, Chambre 1, 2 Novembre 2006 – n° 04BX01608)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : Cession de biens par acte administratif

L’article L3211-14 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose que :

« Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. »

Article L 1311-13 du Code général des collectivités territoriales modifié par LOI n°2013-403 du 17 mai 2013 – art. 1 (V)

« Les maires, les présidents des conseils départementaux et les présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ou regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au fichier immobilier, les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de réception et d’authentification des actes mentionnée au premier alinéa, la collectivité territoriale ou l’établissement public partie à l’acte est représenté, lors de la signature de l’acte, par un adjoint ou un vice-président dans l’ordre de leur nomination. »

Les communes ont donc la possibilité de faire des actes en la forme administrative ce qui leur permet notamment de céder certains biens communaux sans avoir à recourir aux services d’un Notaire.

A cet effet, le Maire es qualité d’officier public, reçoit les actes, leur confère l’authenticité, et en assure la conservation.

Cette faculté n’est offerte aux collectivités qu’à la condition qu’elles soient parties à l’acte.

L’habilitation à recevoir et à authentifier de tels actes étant un pouvoir propre du maire ou du Président du Conseil Départemental ou Régional ne peut pas être déléguée.

L’organe délibérant de la collectivité territoriale partie à l’acte devra désigner, par délibération, un adjoint pour signer ce acte.

Monsieur le Maire, vous voilà Notaire pour l’ensemble des contrats à laquelle votre commune est partie.

Jérôme MAUDET

Avocat

Permis de construire : la fraude corrompt tout

Fraus omnia corrumpit.

Tout acte obtenu par fraude peut être retiré ou abrogé sans condition de délai (CE, 13 juin 2003, préfet Jura c/ Cattin N° 250503).

L’Administration est tenue de prononcer le retrait de sa décision :

« Le permis de construire litigieux a été obtenu à la suite de manoeuvres frauduleuses de son titulaire. Ainsi, il n’a pu créer de droits à son profit. Par suite, le maire saisi de la demande du requérant, même si celle-ci avait été présentée après l’expiration du délai de recours contentieux à l’encontre dudit permis, était tenu d’en prononcer le retrait. Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision implicite du maire refusant de retirer son arrêté du 8 août 1988. » (CAA Marseille, 1er juill. 1999, Morisson : JurisData n° 1999-111062).

L’appréciation de l’existence d’une fraude ayant conduit à l’obtention d’une décision relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le juge administratif entend assez largement la notion de fraude.

Il n’en demeure pas moins que la fraude doit être prouvée :

« En l’espèce, l’allocation pouvait être attribuée pour les 120 salariés d’un établissement licenciés pour motif économique et âgés de moins de cinquante-six ans et deux mois. Cette allocation été supprimée à un salarié algérien qui, pour obtenir du tribunal algérien de première instance la rectification de sa date de naissance uniquement dans le but d’obtenir le bénéfice de l’allocation litigieuse. Les radiographies effectuées révèlent que son âge se situe, sans certitude aux alentours de cinquante et un ou cinquante neuf ans, et vraisemblablement aux alentours de la soixantaine plutôt que de la cinquantaine. La fraude alléguée par l’administration n’est donc pas établie et ne pouvait justifier l’interruption du versement de l’allocation en cause. La décision du ministre rejetant le recours gracieux de l’intéressé est donc annulée. » (CAA Nantes, 29 juin 2001, Zoubairi : JurisData n°2001-175157)