Collectivités : Une commune peut-elle procéder à l’achat d’un bien immobilier par voie d’adjudication en portant des enchères

L’article L. 2122-21 du CGCT dispose que :

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (…)

7° De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ; (…) ».

Il ressort de ces dispositions que le maire procède à l’acquisition des biens immobiliers, sous le contrôle du conseil municipal.

L’article L. 2241-1 du même code dispose que :

« Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, (…)

 Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de cette autorité ».

Par conséquent, la décision d’acquérir un bien immobilier doit émaner d’une délibération préalable du conseil municipal.

En l’absence d’une telle délibération, le maire ne peut pas acquérir de bien immobilier pour la collectivité, sous peine d’illégalité.

Le Conseil d’Etat juge en ce sens que :

« Considérant en second lieu qu’aux termes de l’article L. 311-1 du code des communes : « Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune ( …) » ; qu’il résulte de ces dispositions que toute acquisition d’un bien par une commune doit faire l’objet d’une délibération préalable du conseil municipal décidant cette acquisition et autorisant le maire à y procéder ; que si, par la délibération du 23 mars 1990, le conseil municipal d’Echinoz-la-Méline a autorisé son maire à se porter acquéreur pour le compte de la commune de terrains, les parcelles susvisées n’étaient pas incluses dans le champ de cette habilitation ; que la délibération du 14 mai 1992, par laquelle le conseil municipal a entériné la décision attaquée du maire n’a pu avoir pour effet de la valider ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que le maire était incompétent pour prendre la décision litigieuse » ;( Conseil d’Etat, 9 / 8 SSR, du 2 décembre 1994, 147539).

Dans le même sens :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de l’enquête ordonnée par les premiers juges, que, si la question de l’achat éventuel du château des Clauzades et de son parc a bien été évoquée au cours de la séance du conseil municipal du 17 mai 1983, ni la question du principe de cette acquisition ni celle de ses modalités n’ont été soumises à la délibération du conseil ; que le projet ne figure pas au budget primitif voté au cours de la séance ; que, à supposer même qu’aucune objection formelle n’ait été exprimée et que l’assentiment des membres du conseil ait pu apparaître général sur les informations qui lui étaient fournies, aucune délibération du conseil municipal n’a décidé cette acquisition, ni autorisé le maire à y procéder ; que cette prétendue délibération doit donc être regardée comme un acte nul et de nul effet dont l’inexistence peut être constatée à tout moment ; que, par suite, la commune de Lavaur n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a procédé à cette constatation ; » (Conseil d’Etat, 5 / 3 SSR, du 9 mai 1990, 72384).

Il faut donc obligatoirement une délibération du conseil municipal autorisant le maire à procéder à l’achat d’un bien immobilier par voie d’adjudication.

La Cour de cassation va jusqu’à considérer qu’une surenchère allant au-delà de l’habilitation délivrée au Maire constitue un acte de disposition que le maire ne peut accomplir que dument autorisé par son conseil municipal :

 « Aux motifs qu’en application de l’article L 2241-1 du code général des collectivités territoriales, seule la décision définitive d’acquisition immobilière nécessite une décision préalable du conseil municipal ; qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au maire d’obtenir l’autorisation préalable du conseil municipal pour faire surenchère ; qu’à la déclaration de surenchère était jointe une attestation du comptable public de l’Isle sur la Sorgue indiquant qu’une provision budgétaire de 280.000 euros avait été portée au budget primitif de 2010 à la Commune de CHATEAUNEUF DE GADAGNE et qu’au 12 novembre 2010 ce montant était toujours disponible,

Alors, d’une part, que le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune ; que la déclaration de surenchère constitue un acte de disposition qui doit être autorisé par le conseil municipal ; qu’en considérant qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au maire d’obtenir l’autorisation préalable du conseil municipal pour faire surenchère, la Cour d’appel a violé l’article L 2241-1 du code général des collectivités territoriales,

Et alors, d’autre part, qu’une déclaration de surenchère ne constitue pas un acte conservatoire que le maire aurait le pouvoir d’effectuer sans autorisation préalable du conseil municipal ; qu’en considérant qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au maire d’obtenir l’autorisation préalable du conseil municipal pour faire surenchère, la Cour d’appel a violé l’article L 2132-3 du code général des collectivités territoriales ». (Cass. 2ème civ. 21 mars 2013, n° 12-10.091).

En plus de cette délibération du conseil municipal, le CGCT impose la consultation de l’autorité compétente de l’Etat pour les acquisitions de plus de 180.000 €.

L’article L. 1311-9 du CGCT dispose que :

« Les projets d’opérations immobilières mentionnés à l’article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d’une demande d’avis de l’autorité compétente de l’Etat lorsqu’ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux établissements publics locaux agréés pour réaliser des opérations de crédit et aux associations foncières de remembrement et à leurs unions. »

L’article suivant dispose que :

« Ces projets d’opérations immobilières comprennent :

 1° Les baux, accords amiables et conventions quelconques ayant pour objet la prise en location d’immeubles de toute nature d’un loyer annuel, charges comprises, égal ou supérieur à un montant fixé par l’autorité administrative compétente ;

 Les acquisitions à l’amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d’immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l’attribution, en pleine propriété, d’immeubles ou de parties d’immeubles, d’une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l’autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d’acquisition d’un montant inférieur, mais faisant partie d’une opération d’ensemble d’un montant égal ou supérieur ; »


En résumé

Conformément à l’article L. 2241-1 du CGCT, toute acquisition d’immeuble ou de droits réels immobiliers doit faire l’objet d’une délibération motivée portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles, au vu de l’avis de la direction de l’immobilier de l’Etat lorsque celui-ci est requis.

Une délibération générale autorisant le maire à procéder à des adjudications ne serait pas conforme aux dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales.


Faute d’avoir pu enchérir le Maire pourrait envisager de préempter le bien si ce droit est instauré.

Une telle décision ne pourra toutefois intervenir qu’à la suite des enchères dans un délai de 30 jours et non de manière anticipée (Cass., 3ème Civ., 25 juin 2014, n° 13-19.429).

 

Jérôme MAUDET et Maxence CASSARD