Le maintien de l’intégralité du traitement des agents publics territoriaux en congé de maladie ordinaire est contraire à l’article L. 822-2 du code général de la fonction publique.

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Saisi d’un déféré préfectoral contre la délibération du 1er avril 2025 du conseil municipal de la commune de Castanet-Tolosan, le juge des référés près le tribunal administratif de TOULOUSE a décidé d’en suspendre l’exécution en ce qu’elle prévoit le maintien de l’intégralité du traitement des agents publics communaux en congé de maladie ordinaire les trois premiers mois du congé.

L’article 189 de la loi n°2025-127 en date du 14 février 2025 de finances pour 2025 a acté la modification de l’article L. 822-3 du code général de la fonction publique en ce que le fonctionnaire placé en congé de maladie perçoit pendant les trois premiers mois de son congé 90 % de son traitement.

En délibérant sur la possibilité d’offrir à ses agents le maintien d’un traitement plein sur les trois premiers mois du congé de maladie, la commune de Castanet-Tolosan a méconnu les dispositions de l’article 189 de la loi de finances précitée justifiant l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la délibération entreprise.

En ce sens, il est jugé que « 5. Si l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale est compétente pour fixer les règles générales d’organisation des services et, de manière générale, pour prendre toutes les mesures portant sur la définition des missions remplies par les services de la collectivité territoriale, elle ne peut néanmoins légalement, sans méconnaitre les dispositions citées au point 3, instituer pour ses agents un régime de rémunération plus favorable que celui prévu par la loi, notamment en maintenant l’intégralité du traitement des fonctionnaires et agents publics pendant les trois premiers mois d’un congé de maladie ordinaire.

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 189 de la loi du 14 février 2025, apparaît propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la délibération contestée. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à en demander la suspension, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité » (T.A. Toulouse, 15 juillet 2025, n° 2503735)

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Imputabilité au service d’un accident et état de santé antérieur de l’agent : de simples facteurs de risques sont insuffisants pour rejeter l’imputabilité

Saisi d’un pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de VERSAILLES (n°21VE03126), le Conseil d’Etat indique que l’imputabilité au service d’un accident tel un infarctus du myocarde ne peut être refusé au seul motif que l’état de santé antérieur de l’agent présentait des facteurs de risque et qu’aucun effort physique n’avait été réalisé au moment de l’évènement.

Il considère, dès lors que l’accident se produit sur les temps et lieux du service, qu’il appartient au juge administratif de rechercher si cet état de santé antérieur est la cause exclusive de l’acccident.

Plus précisément, il est jugé que « 5. Pour faire droit à l’appel du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cour a jugé qu’un infarctus du myocarde survenu pendant l’exercice des fonctions ne pouvait être reconnu imputable au service que s’il présentait un lien direct, certain et déterminant avec l’exécution du service et qu’en l’espèce, un tel lien n’était pas établi dès lors que l’état de santé antérieur de Mme B… présentait des facteurs de risque et qu’elle n’avait produit aucun effort physique violent et inhabituel au moment de l’évènement. En statuant ainsi, alors que l’accident s’est produit dans le temps et le lieu du service et qu’il lui appartenait par conséquent de rechercher si l’état de santé antérieur de l’intéressée était la cause exclusive de cet accident, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent » (C.E., 18 juillet 2025, n°476311).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

La réaction véhémente d’un supérieur hiérarchique ouvre le droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Il ressort de la jurisprudence établie en la matière que le bénéfice de la protection fonctionnelle « n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, [sauf] lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique » (Voir par exemple C.E., 29 juin 2020, n°423996).

Aussi, la réaction virulente d’un supérieur hiérarchique à la demande de précision d’une agente sur l’exécution d’une mission ne relevant habituellement pas de ses attributions ouvre le droit au bénéfice de cette protection.

Plus précisément, constatant que la demande de précision avait été formulée sur un ton courtois traduisant la volonté de l’agente d’accomplir au mieux sa tâche, le tribunal administratif de la MARTINIQUE a jugé que « le directeur du pôle Solidarités l’a alors interceptée le 8 décembre 2023, vers 8h30, et s’est vivement emporté, en criant contre [elle à] plusieurs reprises. Cette réaction véhémente et disproportionnée traduit de la part du supérieur hiérarchique (…) un comportement qui ne saurait être regardé comme susceptible de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, et est ainsi de nature à justifier la mise en œuvre de la protection fonctionnelle » (T.A. Martinique, 7 juillet 2025, n°2400622).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Bien fondé d’une demande de suspension devant le juge des référés : l’atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation d’un requérant par une décision de sanction ne se présume pas et doit être démontrée.ne se pr

De manière parfaitement classique, et sans surprise, le juge des référés saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative peut ordonner la suspension d’une décision administrative à condition que l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur sa légalité.

Cette condition d’urgence s’apprécie au regard des conséquences de l’exécution de la décision en litige et ne justifiera une décision de suspension qu’à la condition que l’exécution de l’acte en litige « porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre« .

Cette atteinte ne se présume pas ; il appartient à l’agent public qui s’en prévaut à l’appui d’une contestation d’une décision de sanction ou de suspension des fonctions de la démontrer.

Rappelant le principe habituel, le juge des référés près le tribunal administratif de GUADELOUPE indique qu’il « appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue« .

La simple affirmation qu’une décision de sanction puisse avoir des effets sur la situation financière du requérant ou des répercussions psychologiques profondes est insuffisante pour justifier de la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; encore faut-il le démontrer.

A défaut, la requête déposée s’expose à son rejet par ordonnance motivée et en dehors de toute audience conformément aux dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative .

Le juge des référés près le tribunal administratif de GUADELOUPE retient en ce sens que « Mme A n’apporte pas suffisamment d’éléments tenant, tant à ses revenus et à ceux de son conjoint, qu’à ses charges personnelles et familiales permettant de considérer que l’intéressée se trouverait, de ce fait, placée dans une situation financière telle qu’en résulterait pour elle une situation d’urgence au sens des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Par ailleurs Mme A, en se bornant à affirmer l’existence de conséquences psychologiques et en produisant des pièces médicales établies le 6 mai 2025, le 16 mai 2025 et le 19 mai 2025, ne démontre pas suffisamment l’existence de telles difficultés en relation avec la décision attaquée. Si l’intéressée se prévaut également de ce que cette décision porte atteinte à sa carrière et à sa réputation, elle ne produit aucun élément de nature à établir que la mesure contestée aurait l’impact allégué et entraînerait des conséquences suffisamment graves et immédiates sur sa situation. Il y a lieu, dans ces conditions, de faire application de l’article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête, sans qu’il soit besoin de rechercher si la condition tenant à l’existence de moyens propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en cause est en l’espèce satisfaite » (T.A. GUADELOUPE, 10 juillet 2025, n°2500543).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Le choc émotionnel ressenti par un agent à l’issue d’un entretien disciplinaire n’est pas suffisant pour caractériser un accident de service.

La Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé, ce 15 juillet 2025, que la circonstance qu’une agente ait ressenti à l’issue de son entretien individuel d’évaluation un choc émotionnel est insuffisante pour constituer un accident de service.

S’appuyant sur la jurisprudence applicable en la matière, le Cour rappelle qu’un entretien d’évaluation ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, sauf à ce qu’il ait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

A ce titre, formuler des recommandations, remarques et reproches – y compris sur le ton « d’un directeur mécontent de son agent » – n’excède pas l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ; peu importe les effets – forcément incommodants – qu’ils produisent sur l’agent.

En ce sens, il est jugé que « 5. Constitue un accident de service, pour l’application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.

6. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent » (C.A.A. TOULOUSE, 15 juillet 2025, n°23TL02306).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Malgré une perte de rémunération et une réduction des attributions de l’agent, un changement d’affectation n’est pas une sanction déguisée.

Dans son jugement en date du 24 juin 2025, le tribunal administratif de STRASBOURG rappelle utilement le sens de la jurisprudence applicable lorsqu’un changement d’affectation revêt, en réalité, les traits d’une sanction déguisée.

Ainsi, elle indique que :

« 4. Un changement d’affectation prononcé d’office revêt le caractère d’une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l’agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l’intention poursuivie par l’administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent » (TA Strasbourg, 24 juin 2025, n° 2300616).

Aussi, deux conditions cumulatives sont exigées :

  • une dégradation de la situation professionnelle de l’agent,
  • une volonté de sanctionner l’agent.

En l’espèce, la Maire nouvellement élue de la commune de LONGEVILLE-LES-METZ avait décidé de procéder à une réorganisation du fonctionnement de la collectivité en affectant notamment la requérante, recrutée à l’origine pour exercer les fonctions de directrice générale des services, sur un poste comprenant notamment le suivi des marchés publics et l’encadrement de six agents.

Cette nouvelle organisation avait notamment pour ambition de mettre « fin aux tensions et difficultés qui avaient existé les mois précédents et qui avaient conduit, en partie, à la démission du précédent maire« .

Prenant en compte ces deux éléments, le tribunal administratif de STRASBOURG constate certes l’existence d’une perte de rémunération et de responsabilité de l’agente mais considère que compte-tenu des éléments portés à sa connaissance aucune velléité disciplinaire ne pouvait être constatée.

Il juge ainsi que :

« Si ce changement d’affectation emporte, certes, une perte de rémunération et une réduction des attributions de la requérante, il est constant qu’il n’affecte pas son traitement de base, qu’il ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu’elle tient de son statut, et qu’il ne peut pas davantage faire craindre un ralentissement dans l’évolution de sa carrière. Par ailleurs, Mme B n’apporte pas d’éléments de nature à démontrer que la commune aurait eu l’intention de la sanctionner. Dès lors, il n’est pas établi que l’autorité municipale aurait, en décidant du changement d’affectation de la requérante, poursuivi un autre but que l’intérêt du service et aurait pris une sanction déguisée« (TA Strasbourg, 24 juin 2025, n° 2300616).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Le recours à un détective privé par une collectivité ne constitue pas un manquement à l’obligation de loyauté

A l’occasion d’un audit organisé par le conseil départemental des Hauts-de-Seine, une agence de recherche privée avait été mandatée pour réaliser une enquête sur l’existence de possibles cumuls d’activité par des agents placés en congé maladie.

Un tel procédé, utilisé dans des lieux exclusivement accessibles au public, éloignés de son domicile et mené pendant les heures de service, ne constitue pas un moyen de preuve déloyal.

C’est ce que relève le tribunal administratif de CERGY PONTOISE dans son jugement du 3 juillet 2025 aux termes duquel il est jugé que :

« 4 Il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue de l’audit du service « accueil et surveillance » réalisé en 2018, le conseil départemental des Hauts-de-Seine a mandaté une agence de recherches privées afin de réaliser une enquête sur les éventuels cumuls d’activités de ses agents, notamment placés en congé maladie. Il ressort des rapports d’enquête produits que les investigations concernant M. B ont été menées le 3 mars 2023 et le 17 mai 2023 dans des lieux exclusivement accessibles au public, sans s’approcher de son domicile, pendant une période limitée de trois jours, durant les heures de service des agents et sans que l’interaction de l’enquêteur avec un client candidat à un poste dans le commerce de M. B n’ait été menée de manière déloyale. Ainsi, à supposer même que les éléments constatés par la société Codiv aient pu être obtenus par d’autres procédés, ceux-ci ont été recueillis selon des modalités ne traduisant pas un manquement du conseil départemental à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent ni un manquement au respect dû à sa vie privée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la déloyauté de la preuve doit être écarté » (T.A. CERGY PONTOISE, 3 juillet 2025, n°2401939).

Ce moyen de preuve a permis à la collectivité de prendre à l’endroit d’un agent exerçant les fonctions de gérant d’une entreprise de 19 salariés pendant près de sept années la décision de révocation sans que celle-ci ne soit considérée comme étant disproportionnée :

« 9. D’autre part, quand bien même M. B n’a commis aucune autre faute disciplinaire depuis qu’il est en service au conseil départemental des Hauts-de-Seine et justifie d’évaluations professionnelles positives, la faute susévoquée, constituée par la non-déclaration de son cumul d’activités sur un temps particulièrement long, du 11 juillet 2016 jusqu’en 2023, alors par ailleurs qu’il n’est pas établi qu’il n’en aurait tiré aucun profit alors qu’il était gérant unique et employait à ce titre 19 salariés, justifiait une révocation. Cette sanction n’est en l’espèce pas disproportionnée dès lors que M. B a été rémunéré pendant son autorisation spéciale d’absence du 16 juin 2020 au 28 février 2023, qu’il ne pouvait ignorer qu’il méconnaissait ses devoirs en tant qu’agent public et qu’il n’a pas participé à la formation de déontologie proposée par son employeur en 2022, relative notamment aux situations de cumul d’activités« (T.A. CERGY PONTOISE, 3 juillet 2025, n°2401939).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

 

Save the date : point de départ du délai de prescription et notification de la décision illégale

Aux termes de son arrêt en date du 11 juillet 2025, le Conseil d’Etat vient préciser le point de départ du délai de prescription d’une demande portant indemnisation du préjudice résultant de l’illégalité d’une décision administrative.

Censurant le raisonnement de la Cour administrative d’appel de TOULOUSE, le Conseil d’Etat considère que la date à prendre en compte est celle du jour où le titulaire du droit a eu connaissance de la décision illégale; connaissance acquise par la notification de la décision.

Ainsi, aussi bien pour l’application du délai quinquennal de l’article 2224 du code civil que celui quadriennal de la loi de 1968, il est jugé que :

« 8. Pour l’application des règles de prescription mentionnées aux points 6 et 7, lorsqu’est demandée l’indemnisation du préjudice résultant de l’illégalité d’une décision administrative, le point de départ de la prescription doit être déterminé en se référant à la date à laquelle il est établi que le titulaire du droit a eu connaissance de cette décision, notamment par sa notification. Le délai de la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil court ainsi à compter de cette date et celui de la prescription quadriennale régie par la loi du 31 décembre 1968 court à compter du 1er janvier de l’année suivant cette date » (C.E., 11 juillet 2025, n°466060).

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé

Le droit de se taire s’applique-t-il aux enquêtes administratives ? Oui et non…

L’obligation de signifier à un agent public visé par une procédure disciplinaire le droit qu’il a de se taire afin de ne pas s’incriminer est établi par la jurisprudence. Si cette obligation s’impose lors de l’engagement d’une procédure disciplinaire, qu’en est-il au stade de l’enquête administrative et de l’audition de l’agent à l’endroit duquel cette enquête est menée?

Pour rappel, l’enquête administrative et les témoignages reçus à cette occasion participent des moyens dont l’administration dispose pour établir l’existence de faits fautifs justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire.

Aussi, bien qu’elle ne constitue pas en soi une étape de la procédure disciplinaire, il est incontestable qu’elle participe au processus de décision de sanction. Dès lors, faut-il notifier à l’agent visé par la procédure d’enquête – et éventuellement visé prochainement par une procédure disciplinaire – du droit qu’il a de se taire ?

Dans son arrêt en date du 8 juillet 2025, la cour administrative d’appel de NANTES rappelle le principe selon lequel le droit de se taire est réservé à la procédure disciplinaire stricto sensu et ne concerne pas l’enquête administrative. Aussi, lorsque la décision de sanction repose sur le contenu de l’enquête, et quand bien même l’agent visé par la procédure disciplinaire, n’a pas été informé du droit de se taire à ce stade, il n’est pas fondé à soutenir que la décision de sanction contestée aurait été prise à l’issue d’une procédure illégale.

Cependant, une nuance important mérite d’être remarquée.

Lorsque l’agent fait déjà l’objet d’une procédure disciplinaire (au démarrage de laquelle le droit de se taire doit lui être rappelé) et qu’une enquête administrative est, par la suite, diligentée, il incombe aux enquêteurs de l’informer du droit de se taire; sauf à fragiliser la décision de sanction.

C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de NANTES rappelle que :

« 4. De telles exigences impliquent que l’agent public faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l’autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d’une enquête administrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l’informer du droit qu’il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s’applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l’exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l’autorité hiérarchique et par les services d’inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent » (C.A.A. Nantes, 8 juillet 2025, n°24NT03310).

En l’espèce, l’agent visé par la décision de sanction n’avait été informé du droit de se taire ni au stade de l’enquête administrative ni à celui de la procédure disciplinaire.

La décision de sanction reposant de manière déterminante sur le contenu de l’enquête (et non sur les déclarations de l’agent recueillies au mépris du droit de se taire), la Cour a considéré que l’agent n’était pas fondé à soutenir que le vice de procédure relevé entachait d’illégalité la décision contestée :

« 6. Il n’est pas contesté que la commune d’Angers n’a pas informé Mme C du droit de se taire lorsqu’elle a engagé la procédure disciplinaire à son encontre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 26 mars 2020 est fondée de manière déterminante sur des constats opérés par la hiérarchie de Mme C mettant en cause le comportement de l’intéressée, révélé par une enquête administrative diligentée par la commune au cours de laquelle vingt témoignages d’agents ayant exercé leurs fonctions sous l’autorité hiérarchique de Mme C ont été recueillis et sur les résultats d’une « alerte risque psychosocial » lancée à la suite d’un signalement auprès du médecin de prévention, mettant en évidence le nombre anormal de jours d’arrêt maladie pris par de nombreux cadres intermédiaires placés sous la responsabilité de l’intéressée depuis le mois de janvier 2019. Il ne ressort pas d’autres pièces du dossier que la sanction infligée reposerait sur les propos que Mme C aurait tenu lors de la procédure disciplinaire. Dans ces conditions, Mme C, à qui il est loisible de mettre en cause la réalité de chacun des manquements retenus contre elle et qui n’a pas été privée d’une garantie, n’est pas fondée à soutenir que le vice de procédure relevé entache d’illégalité la décision contestée du 26 mars 2020« .

Me Louis-Marie Le Rouzic

Avocat associé

Respect des droits de la défense et sanction disciplinaire

Le prononcé de toute sanction disciplinaire ne peut intervenir qu’à la condition que l’agent visé ait été en mesure de présenter utilement sa défense.

Une telle garantie procédurale est impérative à la validité de la décision de sanction ; quand bien même la sanction prononcée appartiendrait à la première catégorie fixée par les dispositions de l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique.

Dans le même sens, dès lors qu’une enquête administrative a été diligentée pour aboutir à une décision de sanction (ou à toute autre mesure prise en considération de la personne), l’ensemble du rapport d’enquête et des annexes doit être communiqué à l’agent – sauf si les procès-verbaux d’audition des témoins sont susceptibles de leur porter gravement préjudice.

C’est utilement que le tribunal administratif de Marseille rappelle dans son jugement du 4 juillet 2025 que :

« 3. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l’égard d’un agent public sans que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S’agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie le blâme, cette garantie procédurale est assurée par l’information donnée par l’administration à l’intéressé qu’une procédure disciplinaire est engagée, et qu’il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu’à l’assistance des défenseurs de son choix.

4. D’autre part lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public ou porte sur des faits qui, s’ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d’un tel agent, le rapport établi à l’issue de cette enquête, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

5. En l’espèce, alors que la requérante soutient qu’elle n’a pas été destinataire de son dossier et des pièces relatives à l’engagement de poursuites disciplinaires, il ne résulte d’aucune pièce du dossier produite en défense qu’une telle communication ait bien été effectuée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée de vice de procédure doit être accueilli » (T.A. MARSEILLE, 4 juillet 2025, n°2311612)

Me Louis-Marie Le Rouzic

Avocat associé