L’abrogation d’une décision octroyant le bénéfice d’une NBI est possible

1. Il est constant qu’aux termes des dispositions combinées des articles 1er du décret n°93-863 en date du 18 juin 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique territoriale, 1er et 2 du décret n°2006-779 en date du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale, le bénéfice de la NBI est rattaché à l’exercice effectif des fonctions.

Dès lors que l’agent n’exerce plus les fonctions ouvrant droit au versement de la NBI, il y a lieu d’en supprimer le bénéfice.

Cependant, en l’absence de changement d’affectation de l’agent, l’administration est-elle tout de même en droit de supprimer le bénéfice de la NBI?

2. Considérée comme créatrice de droit, une décision portant octroi de la NBI bénéficie des règles applicables en cas de retrait ou d’abrogation d’une décision administrative.

Ainsi, une décision de retrait de la NBI à un agent plus de quatre mois après son édiction est illégale.

En ce sens, la Cour administrative d’appel de DOUAI a jugé que :

« 20. En second lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage. En revanche, n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement. M. B soutient que l’arrêté n° 2020-184 du 20 octobre 2020 méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs dès lors qu’il prend effet à une date antérieure à son édiction, soit à compter du 1er octobre 2020. Il ressort des pièces du dossier qu’à raison de ses fonctions, lui a été attribuée, à compter du 1er juillet 2015, une nouvelle bonification indiciaire de 10 points par un arrêté du 29 juin 2015. Or, s’agissant d’une décision créatrice de droit, la commune ne pouvait y mettre fin que pour l’avenir. A cet égard, la circonstance que M. B a été placé dans une situation conservatoire dans l’attente de l’avis de la commission de réforme est sans incidence. Par suite, en conférant une portée rétroactive à sa décision, le maire de la commune de Pont-de-Metz a entaché sa décision d’illégalité » (C.A.A. Douai, 5 mars 2025, n°23DA00109).

Cependant, l’hypothèse d’une abrogation pour l’avenir du bénéfice de la NBI fondée sur une modification de l’appréciation portée sur la situation de l’agent est envisageable.

3. En ce sens, reprenant la qualification d’acte créateur de droit et reprenant les dispositions de l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration, le tribunal administratif de NANTES a jugé, à propos d’une demande d’annulation d’un arrêté supprimant pour l’avenir le bénéfice de la NBI, que :

« 1. M. A B, lieutenant-colonel de sapeurs-pompiers professionnels, exerçant les fonctions de chef du groupement sud, « bâtiments/infrastructures », s’est vu attribuer, par un arrêté du 17 mars 2010 à effet rétroactif au 1er mars 2010, une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 25 points au titre de ses fonctions d’encadrement d’un service administratif d’au moins vingt agents. Par un arrêté du 9 février 2021, le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique a abrogé l’arrêté du 17 mars 2010 à compter du 1er mars 2021, lui supprimant par conséquent le bénéfice de cette bonification. M. B demande l’annulation de l’arrêté du 9 février 2021. (…)

L’arrêté attaqué est motivé en droit par le visa des textes applicables, notamment du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale. En outre, il précise que M. B, lieutenant-colonel de sapeurs-pompiers professionnels, n’exerce pas les fonctions d’encadrement d’un service administratif comportant au moins vingt agents. Dès lors, l’arrêté attaqué est motivé en droit et en fait. En troisième lieu, pour supprimer à M. B à compter du 1er mars 2021 le bénéfice de la NBI qu’il percevait antérieurement, le SDIS de Loire-Atlantique s’est fondé sur le motif tiré de ce que le requérant n’encadre pas un service administratif comportant au moins vingt agents au sens du point 10 du tableau annexé au décret du 3 juillet 2006 précité. Dès lors, M. B ne peut utilement soutenir qu’il remplit les conditions pour bénéficier de la NBI au titre du point 11 de ce même tableau. (…) 

En revanche, le caractère créateur de droits de l’attribution d’un avantage financier tel qu’un complément de rémunération ne fait pas obstacle à ce que cette décision soit abrogée pour l’avenir si l’intéressé ne remplit plus les conditions auxquelles cet avantage est subordonné ou si l’administration modifie l’appréciation qui avait justifié son attribution. Il appartient à l’autorité compétente de cesser d’attribuer un avantage financier donnant lieu à des versements réguliers lorsque son maintien est subordonné à des conditions qui doivent être régulièrement vérifiées et qu’elle constate que celles-ci ne sont plus remplies.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B s’est vu attribuer une NBI à hauteur de 25 points à compter du 1er mars 2010, sur le fondement du décret du 3 juillet 2006 susvisé. L’octroi de cet avantage financier et sa répétition pendant onze ans révèlent, non pas une simple erreur de liquidation, mais une décision individuelle créatrice de droits prise en considération des fonctions exercées par l’intéressé. (…) le maintien du bénéfice de cette bonification de 25 points était toutefois subordonné à la condition que l’intéressé exerce effectivement les fonctions prévues par le point 10 du tableau annexé au décret du 3 juillet 2006. Aussi, en application des dispositions de l’article L. 242-2 du même code, l’administration pouvait, à bon droit, modifier l’appréciation alors portée sur la situation de l’intéressé et constater qu’il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour l’octroi de la NBI et, ainsi, procéder à sa suppression pour l’avenir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 242-1 et L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration doit être écarté » (T.A. NANTES, 18 juillet 2025, n°2203141).

En d’autres termes, dès lors que l’administration considère que les conditions d’octroi de la NBI ne sont plus réunies, et même en l’absence de changement d’affectation et de fonction, elle peut supprimer pour l’avenir le bénéfice de la NBI.

Me Louis-Marie Le Rouzic
Avocat associé