Articles

Marchés publics : retards et responsabilité du maître d’ouvrage à l’égard des titulaires

L’entreprise titulaire d’un marché à forfait peut obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis en recherchant la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage sous réserve de rapporter la preuve d’une faute de la maîtrise d’ouvrage ou d’un bouleversement de l’économie du contrat imputable à des sujétions imprévues.

« 19. Considérant que les retards survenus dans l’exécution d’un chantier ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit d’une entreprise que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ce retard aurait revêtu pour elle le caractère d’une sujétion imprévue présentant un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat, dont la cause est extérieure aux parties et bouleversant l’économie du contrat, soit qu’il est imputable à une faute de la personne publique ; que l’entreprise ne saurait en revanche rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage au titre de fautes commises par les autres intervenants ;» (CAA LYON, Chambre 4, 19 Décembre 2013 – n° 11LY02058).

Ou encore pour un exemple récent :

 « 6. Considérant que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique ; qu’en revanche, la responsabilité du maître d’ouvrage n’est pas susceptible d’être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants ; » (CAA LYON, 7 juin 2018 – n° 15LY03166)

Le maître d’ouvrage ne saurait toutefois être tenu responsable des retards imputables aux constructeurs.

« 12. En deuxième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que le maître d’ouvrage, en s’abstenant en dépit de leurs demandes réitérées d’actualiser le planning des travaux initialement prévu, a manqué à son obligation de contrôle et de direction et a ainsi directement contribué à l’allongement de la durée d’exécution des travaux. (…)

 15. Il résulte de l’instruction et n’est pas contesté par le centre hospitalier universitaire de Martinique que les branchements et accès n’ont été réalisés que postérieurement à la date de démarrage des travaux du lot n° 4 initialement fixée au 10 avril 2003. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de l’avancement n° 31 établi par la société Guez Caraïbes chargée de la mission d’ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) qu’à la date du 18 juin 2003, les sociétés requérantes n’avaient toujours pas fourni l’intégralité des plans d’exécution des ouvrages, notamment des fondations. Or, conformément aux stipulations de l’article 29-14 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, les travaux dont elles avaient la charge ne pouvaient démarrer avant l’approbation ou le visa du maître d’oeuvre sur les documents nécessaires à leur exécution. A supposer même, comme le soutiennent les sociétés requérantes, que ce dernier aurait validé tardivement les plans, il ne résulte pas de l’instruction que le maître d’ouvrage lui-même aurait contribué à la survenance de ce retard en s’abstenant d’inviter le maître d’oeuvre à faire diligence. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité contractuelle du centre hospitalier universitaire de la Martinique, dès lors qu’aucune faute ne lui est imputable, le maître d’ouvrage n’étant pas responsable de celles commises par les différents constructeurs. » (Cour administrative d’appel, Bordeaux, 4e chambre, 16 Février 2017 – n° 14BX00416).

Le cas échéant, il appartient à l’entreprise qui souhaite obtenir une indemnité de se retourner contre les autres intervenants sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle:

« lorsque l’une des parties à un marché de travaux a subi un préjudice imputable à la fois à l’autre partie, en raison d’un manquement à ses obligations contractuelles, et à d’autres intervenants à l’acte de construire, au titre de fautes quasi-délictuelles, elle peut demander au juge de prononcer la condamnation solidaire de l’autre partie avec les coauteurs des dommages. » (CE, 27 Juin 2018, n° 409608)

 

Jérôme MAUDET

Avocat