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Droit de la santé : motivation des sanctions prononcées par l’ARS

L’Agence Régionale de Santé dispose d’un pouvoir de sanction sur les établissements de santé.

A titre d’exemple l’article D.162-13 du Code de la sécurité sociale dispose que :

« En cas de non-respect par l’établissement de santé des engagements souscrits au titre d’un exercice, constaté au vu du rapport transmis par l’établissement en application de l’article D. 162-10 et, le cas échéant, des résultats des contrôles sur pièces et sur place effectués, le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l’article L. 162-22-7 peut être réduit et fixé entre 70 % et 100 %. Il peut varier, le cas échéant, selon les spécialités pharmaceutiques ou les produits.

Le taux de remboursement qu’il est proposé d’appliquer pour un an est communiqué à l’établissement, avant le 15 mai, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. L’établissement transmet ses observations écrites, dans les mêmes formes, à l’agence régionale de santé dans les dix jours suivant cette réception. Le taux de remboursement est arrêté, chaque année, au plus tard le 15 juin, par le directeur général de l’agence régionale de santé. Il est applicable pour la période du 1er juillet de l’année en cours au 30 juin de l’année suivante.

La fixation du taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie doit être motivée. »

La sanction doit toutefois être proportionnée aux manquements constatés et être motivée en fait et en droit.

A défaut, la mesure sera classiquement considérée comme irrégulière.

En effet, selon une jurisprudence constante, le juge administratif censure les décisions insuffisamment motivées :

 « 4. Considérant que la décision du 3 août 2010, par laquelle la directrice générale de l’agence régionale de santé des Pays de la Loire a infligé une sanction d’un montant global de 773 108 euros au CHU d’Angers, se réfère au seul article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, sans viser les dispositions relatives aux règles procédurales et aux modalités de détermination du montant de la sanction ; que, si elle mentionne le courrier du 31 mars 2010 par lequel l’ARH des Pays de la Loire a notifié à l’établissement les résultats du contrôle de tarification effectué du 5 au 21 octobre 2009, qui comportait en annexe la liste des anomalies relevées et l’indication des modalités de calcul de la sanction maximale encourue dans chacun des champs contrôlés, ainsi que les observations produites le 20 avril 2010 par l’établissement et la proposition émise par la commission de contrôle dans sa réunion du 21 juillet 2010, la décision litigieuse, à laquelle n’était jointe aucune pièce et notamment pas la copie de l’avis de la commission de contrôle, ne donne aucune précision, notamment pour le champ  » séjours avec complications ou morbidités associées « , pour lequel la proposition de sanction initiale s’élevait à la somme de 1 086 097 euros, sur la nature et l’importance des manquements retenus en définitive, sur la suite réservée aux observations de l’établissement, et sur les modalités de détermination du montant de la sanction prononcée, sensiblement réduit par rapport à la proposition préalablement notifiée ; qu’ainsi, elle ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que l’établissement ait eu connaissance des manquements relevés et ait pu en discuter le bien-fondé au cours de la procédure contradictoire ne dispensait pas, en l’espèce, la directrice de l’agence régionale de santé de l’obligation d’indiquer, dans la décision contestée, les faits finalement retenus à l’issue de la procédure et justifiant la sanction infligée ainsi que les modalités précises de détermination du montant de celle-ci ; » (CAA NANTES, 2 juin 2015, N°13NT01772)

Voir également en ce sens :

« 3. Considérant qu’une sanction financière prononcée en application de l’article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale constitue une décision administrative infligeant une sanction qui doit être motivée au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; qu’en l’espèce, la délibération n° 2009/279 du 9 décembre 2009, qui se borne à mentionner, après avoir visé, en particulier, le rapport de contrôle établi par l’unité de coordination régionale du contrôle externe faisant apparaître  » des manquements aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l’article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale pour les GHS 8047, GHS 8298 « , ainsi que la notification du rapport de contrôle adressée au centre hospitalier universitaire de Grenoble par l’unité de coordination régionale du contrôle externe du 24 février 2009 et la notification de la sanction financière envisagée du 23 octobre 2009, que  » les motifs justifiant les sanctions financières envisagées ne sont pas remis en cause « , n’indique pas la période du contrôle, ni celle des facturations, ni ne précise le détail et le nombre des manquements constatés lors du contrôle dans les GHS en cause ; que la motivation ne saurait être apportée par référence aux informations contenues dans la lettre du 23 octobre 2009 du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, faisant état de la sanction envisagée et des motifs la justifiant, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il s’agisse des motifs effectivement retenus par la commission exécutive, seule autorité compétente pour prononcer la sanction financière et alors que le détail des anomalies ne figure pas davantage dans cette lettre, qui se borne à mentionner le pourcentage global des surfacturations retenu dans chacun des GHS sans indiquer le nombre de manquements constatés et sur la base desquels ont été déterminés lesdits pourcentages ; que pour la même raison, les informations figurant dans la lettre de notification du 17 décembre 2009 du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, à laquelle d’ailleurs la délibération de la commission exécutive du 9 décembre 2009 n’était pas jointe, ne sauraient suppléer l’insuffisance de motivation de cette délibération ; » (CAA LYON, 19 février 2015, n°13LY02375)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de la santé : Responsabilité d’un CHU pour retard de diagnostic

Par un jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal administratif de Nantes a décidé de condamner un centre hospitalier départemental en raison du préjudice subi par un patient à la suite d’un diagnostic tardif d’une tumeur cérébrale.

La juridiction administrative a considéré que la requérante rapportait bien la preuve qui lui incombait de l’existence d’un lien de causalité entre le retard fautif dénoncé et le préjudice qu’elle a subi à raison de la dégradation de son état de santé.

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « (…) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise établi le 18 novembre 2010 par le docteur C, neuropsychiatre, assisté du docteur V en qualité de sapiteur neuro-ophtalmologiste, désignés par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nantes du 8 janvier 2009, que la prise en charge de Mlle D par le CHU de Nantes en décembre 2003, tant aux urgences qu’en unité psychiatrique, n’a pas été conforme aux règles de l’art ; que ces experts soulignent ainsi que le médecin urgentiste a eu tort, notamment, de ne pas prendre en considération des symptômes aussi évocateurs que l’association de troubles de la marche, de céphalées et de vomissements et de s’abstenir de prendre l’avis d’un neurologue ou de faire pratiquer une imagerie ; que les médecins psychiatres, au cours de l’hospitalisation de la patiente, n’ont pas davantage pensé à solliciter l’avis d’un neurologue ou de tout autre médecin somaticien ; qu’enfin, ils soulignent que, si Mlle D avait été opérée lors de sa première hospitalisation le 19 décembre 2003, elle n’aurait très probablement eu aucune séquelle visuelle ; que si le CHU soutient que sa responsabilité ne saurait seule être engagée, les docteurs B et M, médecins libéraux que Mlle D a consultés en décembre 2003, ayant selon lui également contribué au retard de diagnostic en cause, le docteur C indique que ceux-ci ne peuvent faire l’objet de critiques ; que l’expert précise encore que les dommages dont souffre la requérante sont imputables à 75% au défaut de prise en charge de la part du CHU et à 25% au développement de la tumeur ; que, dès lors, l’évolution de l’état de santé de Mlle D apparaît comme étant la conséquence directe et certaine des fautes liées au retard de diagnostic relevées lors de son hospitalisation ; qu’il suit de là que Mlle D est fondée à soutenir que le retard de diagnostic est fautif et de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes à son égard ; » (TA de Nantes, 14 janvier 2015, n°1109666)

Le Tribunal rappelle également que la victime est bien fondée à solliciter réparation au titre de la perte de chance qu’elle a subie:

« Sur la perte de chance :

4. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ; »

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES